L’accès aux salles en question pour le cinéma d’auteur aventureux

La Lettre AFC n°241

L’excellent mais confidentiel Leçons d’harmonie, film du cinéaste kazakh Emir Baigazin primé au dernier Festival d’Amiens, illustre la difficulté pour les petits distributeurs à imposer leur films en salles. Deux articles publiés le 26 mars 2014 dans Libération en font état.

Bonne nouvelle : Leçons d’harmonie, qui fait l’ouverture de l’intrépide cahier cinéma de Libération cette semaine, la première réalisation d’un cinéaste kazakh, qualifié par son distributeur lui-même (Arizona Films) de « dur et difficile », sera visible dans le plus fréquenté (et donc convoité) des multiplexes parisiens, l’UGC Ciné Cité les Halles. Mauvaise nouvelle : il ne faut sans doute pas voir là autre chose qu’une criante exception, une sorte d’aberration heureuse qui intervient dans un contexte d’accès aux salles de plus en plus entravé pour le cinéma d’auteur un tant soit peu aventureux.
Depuis deux ou trois ans, en effet, s’impose le sentiment que la bataille livrée chaque semaine par les " petits " distributeurs n’a plus tellement pour objet de trouver un public à leur film, mais des écrans pour les projeter. Ces dernières semaines, on a ainsi pu s’étonner de la distribution famélique des Chiens errants, signé pourtant par un cinéaste de la stature du Chinois Tsai Ming-liang, ou d’un premier film aussi fort et séduisant que les Bruits de Recife, du Brésilien Kleber Mendonça Filho. Par delà l’hégémonie inchangée du cinéma le plus commercial, on peut observer une standardisation similaire des programmations art et essai autour d’un cartel de film d’auteurs médians, tous distribués par des sociétés, certes indépendantes, mais suffisamment puissantes pour imposer leurs films au marché à grand renfort de marketing adroit (récemment, Ida ou The Lunchbox).

La France a des problèmes de riche : aucun pays au monde n’offre une telle pluralité de sorties chaque semaine, mais les conditions d’accès au public paraissent désormais plus polarisées que jamais entre riches et pauvres. Même bercé par le flux et reflux des dizaines de sorties hebdomadaires, on ne peut que se demander si, par des ajustements encore discrets mais massifs, ne s’opère pas un saccage en règle du biotope le plus fragile, le cinéma dit de recherche, ainsi que du supposé principe d’une diversité accessible à la majorité. Tour d’horizon de ce qu’il en reste, avec quelques-uns de ses principaux acteurs.

Interview
La standardisation des programmations art et essai condamne un certain cinéma d’auteur. Paroles de distributeurs.
" Une question de rapport de force ", des propos recueillis par Didier Péron et Julien Gester à lire sur le site Internet de Libération.

Lire aussi " Petits distributeurs : par ici la sortie ", un article de Gérard Lefort.