L’éditorial de la Lettre de septembre 2015

Par Nathalie Durand, AFC

par Nathalie Durand La Lettre AFC n°256

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Quand j’étais assistante, je me souviens de ces séances de rushes après la journée de tournage, prendre le scooter, la voiture, aller jusqu’à Epinay, monter les escaliers qui mènent à la salle de projection, attendre le ventre noué, le noir qui se fait, le premier clap, les images brutes, sans son, la découverte des plans tournés la veille, le soulagement quand le point est là, l’envie de se fondre dans le noir quand il n’y est pas. Voilà, pour moi c’est ça les premiers souvenirs d’Eclair.

Puis il y a eu la collaboration avec les étalonneurs, ces allers retours, toujours à Epinay pour obtenir le meilleur tirage de la copie du film dont on a fait l’image. Les discussions dans la salle, dans les couloirs...
Évidemment, tout à évolué, des odeurs de chimie, on est passé aux salles feutrées, pleine de claviers, de pupitres, dignes d’un cockpit d’avion. D’Epinay, on est passé à Vanves. Mais les femmes et les hommes qui ont fait ce laboratoire au fil des ans sont restés nos collaborateurs fidèles. Certains ont suivi, d’autres sont partis.

Aujourd’hui Eclair Group continue repris par Ymagis.
Nous sommes soulagés que l’aventure continue mais nous savons le prix de cette guerre économique. Plus du quart du personnel est mis sur la touche. C’est un sentiment de gâchis qui domine.
Bien sûr, nous tournons de plus en plus en numérique, à marche forcée. La technique évolue, nous trouvons nos marques, nous nous efforçons d’utiliser au mieux ces nouveaux outils, nous continuons à travailler avec les laboratoires qui sont pour nous les partenaires essentiels.

Mais comment ne pas être troublés quand on voit la destruction à la dynamite des bâtiments de l’usine Kodak de Rochester, quand on apprend la fermeture de laboratoires photochimiques en France et dans le monde entier. Pourtant nous cherchons tous à garder le rendu organique de la pellicule !
Nostalgie ? Non, dégoût pour notre société qui ne se donne plus les moyens de préserver cette technologie séculaire et la stupeur de l’imaginer un jour totalement disparue. La photochimie doit vivre aussi pour assurer la sauvegarde du patrimoine cinématographique.

N’abandonnons pas nos valeurs, continuons à cheminer partout et toujours avec ceux qui croient, comme nous, en la nécessité d’un cinéma de qualité. Hollywood et Kodak ont signé un accord pour continuer à pouvoir tourner en pellicule, ayons l’audace de les imiter.