Le "Film français" quotidien N°5 rencontre Jeanne Lapoirie, AFC

Dans ses pages publiées durant le Festival de Cannes, Le film français dirige ses projecteurs sur des personnalités du cinéma, généralement producteurs et/ou distributeurs. Le N°5 de l’"hebdomadaire quotidien", daté du dimanche 11 juillet 2021, fait exception à la règle et met en lumière la directrice de la photographie Jeanne Lapoirie, AFC, la sortant ainsi de l’ombre dans laquelle sont trop souvent les membres des équipes de tournage. Extraits...

« Paul [Verhoeven] m’a dit : "Les raccords lumière, c’est “old fashion” !" J’ai ri et lui ai répondu que si c’était OK pour son montage, j’étais prête à le suivre ! »

Signant les images de Benedetta, de Paul Verhoeven, et de La Fracture, de Catherine Corsini, elle s’est formée avec André Téchiné et a travaillé par la suite avec notamment Romain Campillo, Arnaus Despallière ou Valeria Bruni Tedeschi. Patrice Carré

Vous sentez-vous plus à l’aise dans une certaine tendance du cinéma français ?
Je suis née en quelque sorte dans le cinéma d’auteur. J’avais fait mes derniers longs métrages en tant que premières assistante avec Thierry Arbogast. C’est ainsi que j’ai rencontré André Téchiné, Arbogast étant chef opérateur sur ses films. Et cela a été déterminant car Téchiné m’a fait passer à la photographie pour Les Roseaux sauvages, alors que j’avais à peine 30 ans. Ensuite j’ai enchaîné quasi naturellement dans ce type de cinéma, dans cette famille où je me sens mieux qu’ailleurs.

Ce que vous avez appris avec André Téchiné continue-t-il de vous influencer ?
J’ai en effet gardé certaines façons d’opérer. Téchiné était toujours à la limite de ne pas faire lire le scénario aux comédiens, leur donnant le texte de la scène au dernier moment. Il m’a appris aussi à ne pas savoir à l’avance ce qu’on va tourner, à toujours garder une sorte de souplesse, afin d’être capable de se servir de tout ce qui peut arriver, même par hasard. C’est pôur cela qu’il tournait à deux caméras. Si un acteur se trompait, il savait qu’il pourrait monter la scène car il avait déjà le contre-champ. Ça lui permettait d’introduire certains accidents. Et ça, je l’ai gardé.
Valeria Bruni Tedeschi cultive d’ailleurs à peu près la même approche. Elle fait lancer le moteur en toute discrétion afin que les acteurs soient les plus naturels possible. Quand on a tourné Les Roseaux sauvages, Téchiné m’avait dit : « Chez moi, dans le Sud-Ouest, le soleil est très fort mais à l’ombre, tout est noir. » À l’époque, j’avais fait des courts métrages pour lesquels j’avais surdéveloppé la pellicule. Cela poussait le contraste et donnait des couleurs saturées. Il a trouvé ça fantastique Et je continue à tourner de cette façon, avec une image en général contraste et assez colorée. [...]