Le blues s’installe chez les producteurs indépendants

par Nicole Vulser

La Lettre AFC n°115

« Deux semaines, c’est le temps désormais accordé pour imposer un film en salles. Avant, les producteurs et les distributeurs pouvaient compter sur trois mois, le bouche-à-oreille pouvait s’installer », affirme Margaret Menegoz (Les Films du losange). « Ce qui oblige les distributeurs à consacrer davantage d’argent à la publicité et au nombre de copies ».
Outre les difficultés de distribution, les déboires de Canal+ et de sa maison-mère continuent de peser fortement sur le financement du cinéma.

David Kessler, directeur général du CNC, affirmait, lors du dernier festival de Cannes, que certains « films ne pouvaient plus se faire, faute de financement ».
Pour Laurent Vallet, directeur général de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic), « le nombre de projets apportés par les établissements bancaires ne baisse pas, mais certains dossiers, sont considérés comme plus fragiles. On voit surtout des financements de films plus acrobatiques que par le passé. ».
De plus, la crise majeure, que traversent toutes les télévisions payantes européennes, constitue un handicap grave.

Dans cette conjoncture difficile pour la production indépendante et donc pour les films à petits ou moyens budgets, la réforme de fond du financement du cinéma français devient urgente. Ce chantier a fait l’objet d’un rapport d’un groupe de travail mis en place par le CNC.
Le conseiller d’Etat Jean-Pierre Leclerc a été chargé d’étudier la faisabilité d’une réforme et doit rendre ses conclusions mi-janvier 2003. Une réévaluation de la contribution de la vidéo et du DVD (un marché en croissance de 24 % en 2001) au soutien financier de l’Etat à l’industrie cinématographique serait une des solutions les plus rapides.
Si ce marché, aujourd’hui taxé à hauteur de 2 % du chiffre d’affaires des éditeurs, l’était à 5,5 % comme les télévisions, cela fournirait une nouvelle manne de 15,2 millions d’euros. Reste à craindre le piratage.
Un consensus pourrait se dessiner pour modifier l’assiette de la taxe et imposer, toujours à 2 %, non plus le chiffre d’affaires des éditeurs, mais celui du prix de détail de la vidéo.

Les autres pistes de financement sérieusement envisagées, comme le doublement de la collecte des Sofica, la création de fonds régionaux ou, à terme, l’augmentation significative de l’enveloppe dédiée à l’avance sur recettes, dépendront surtout de la capacité du ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, à convaincre son homologue du budget à lâcher du lest.
Ce qui reste à prouver.
(Nicole Vulser, Le Monde, 23 octobre 2002)