Le chef opérateur Raphaël Vandenbussche parle de son travail sur "Calme ta joie", court métrage d’Emmanuel Laskar

Raphaël Vandenbussche termine actuellement son cursus à La fémis, avec un mémoire porté sur la représentation de la peau en numérique. Il a signé les images du long métrage Trois contes de Borges, de Maxime Martinot, et du court métrage Tant qu’il nous reste des fusils à pompe, de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Il a travaillé aussi sur Les Chercheurs, film de fin d’études du département Réalisation de La fémis, en compétition à la Cinéfondation. Calme ta joie, film court sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, est sa deuxième collaboration avec Emmanuel Laskar.

Sa femme Suzanne l’ayant quitté, Maxime, artiste peintre, vit dans son atelier en attendant de trouver un logement. Alors qu’il est en panne d’inspiration, sa première exposition approche.
Avec Maxence Tual, Anne Steffens, Jean-Luc Vincent, Emmanuel Laskar.

Comment as-tu rejoins le projet Calme ta joie  ?

Raphaël Vandenbussche : J’avais travaillé en 2011 avec Emmanuel pour un court métrage intitulé Action ou vérité. C’était une improvisation de six heures filmée à deux caméras à l’épaule, dans une maison de banlieue, la nuit. Le rythme de l’action était endiablé, à l’image des comédiens que j’aime beaucoup, pour la plupart membres de la troupe des Chiens de Navarre, dont Emmanuel fait lui-même partie. J’aime beaucoup ce rapport corporel à l’acteur qui improvise, cela demande une mise en alerte totale des sens. Et une anticipation au travail de la lumière car les acteurs pouvaient partir dans une autre pièce à tout instant.

Avez-vous repris le même dispositif ?

RV : Non, nous avions envie de centrer davantage les choses. Et c’est une histoire qui se bâtit sur plusieurs jours et plusieurs nuits. Certaines séquences étaient toujours improvisées, caméra à l’épaule, mais nous y avons posé des jalons, afin de garantir un certain rythme au film, dont l’écriture s’est affinée au fur et à mesure. Nous avions ainsi testé tout le découpage lors des repérages, avec un chercheur de champ (l’application Artémis de l’iPhone !).

Comment avez-vous envisagé l’image du film ?

RV : On voulait du soleil, de la chaleur étouffante et des couleurs vives. Avec un dispositif léger qui nous permette de tout tourner en six journées. Le village de Provence où nous étions offrait un décor encaissé idéal. Aux repérages, le relief des montagnes et l’épaisseur des nuages qui s’y attardent offraient des étonnants couchers de soleil rose-orangés très colorés. Mais les nuages se sont invités au tournage. Nous avons guetté les éclaircies et recréé le maximum de contraste.
J’avais une LUT Kodak, assez chaude, qui me donnait déjà un aperçu des contrastes et de la saturation. 
Au passage, je remercie vivement Cyrille Hubert, assistant opérateur, et Paul Texier, chef électricien-machiniste, de m’avoir accompagné sur cette aventure.

Quels ont été tes choix de matériel ?

RV : Nous avons tourné avec une Sony F5 en Raw (grâce à l’enregistreur AXS) de Photo Cine Rent. Je voulais y monter une série Zeiss G.O. 16 mm, en utilisant le "crop" 2K, mais l’aliasing dû au faible piqué des optiques s’est vite montré terrifiant (des franges magenta apparaissent). Ajouter le filtre OLPF sur le capteur générait une image bien trop floue ; nous avons donc embarqué une série G.O. 35 mm. Ce qui créait un niveau de détails assez doux.
J’aime cette caméra Sony car on peut la porter dans un sac à dos et tourner très rapidement. Son bruit à 1 250 ISO est intéressant et les carnations y sont assez justes. Même si nous n’avons pas hésité à rougir le personnage principal. J’ai choisi aussi la F55 pour Les Chercheurs, d’Aurélien Peilloux, sélectionné à la Cinéfondation.

Emmanuel Laskar y est aussi acteur, comment s’est passé votre collaboration ?

RV : Emmanuel est un excellent directeur d’acteur ; il sait aussi très bien ce qu’il veut capter avec la caméra, en créant des situations claires. C’est presque aussi simple de trouver les cadres lorsqu’il joue dans la séquence, car tout devient concret et évident. Il était assisté à la mise en scène par Jenny Teng, qui a beaucoup œuvré à la tenue du film.
Pour la séquence où Maxime peint la toile, on ne voulait pas filmer en champ (visage) contrechamp (pinceau). On a alors mis en place une chorégraphie entre la caméra, l’acteur et le peintre qui doublait sa main, de sorte à filmer le visage et la main dans le même plan. Le jour déclinait. Il y a eu une sorte d’urgence à faire cette chorégraphie, entre concentration et liberté de gestes. C’était un beau moment, comme tout le tournage, agréable, car porté par des comédiens à l’énergie folle.

Un mot sur l’étalonnage ?

RV : Nous avons étalonné en express pour Cannes chez CosmoDigital, avec Yannig Willmann, qui m’a poussé – avec raison – vers davantage de contraste et de couleurs.

(Propos recueillis par Jean-Noël Ferragut, AFC)