Le directeur de la photographie Thomas Brémond se confie à Panavision France pour son travail sur "Prosper", de Yohann Gloaguen
Comment avez-vous été impliqué dans le projet ?
Thomas Brémond : Prosper est le premier film de Yohann Gloaguen. Le hasard a fait que la thématique du projet croisait mon travail photographique. Dès notre première rencontre, la discussion a été fluide. Nous avons même fini ce premier entretien en repérages au New Morning, qui est devenu un décor important du film.

Comment décririez-vous le look du projet ?
TB : Dans Prosper, le fantastique fait irruption dans le cadre très réaliste de la vie du personnage principal, chauffeur Uber. Il fallait donc construire un univers qui permette des allers et retours fluides entre ces deux aspects, réaliste et fantastique.
L’histoire se passe dans le milieu de la Sape à Paris, saturé de couleurs vives, il fallait donc rendre hommage à ces couleurs, mais tout en étant saturée, l’image reste mate, avec une épaule de courbe très longue.

Le film est au format 1,85, pris dans le 2,40 anamorphique d’une Arri Alexa LF. Le monde derrière les visages est donc souvent très abstrait, dans les magnifiques flous de la série d’optiques Technovision.

Y’ a-t-il des références visuelles qui vous ont inspirés ?
TB : Yohann Gloaguen est arrivé avec une référence visuelle forte, le film des frères Safdie, Uncut Gems, [photographié par Darius Khondji, AFC, ASC NDLR] pour ses hautes lumières très sales et la texture des arrière-plans. On a aussi parlé du film de Julian Schnabel, Le Scaphandre et le Papillon [photographié par Janusz Kaminski NDLR], pour induire les éléments fantastiques en utilisant une optique à décentrement libre.
Les costumes des sapeurs et les véhicules convoquent aussi des références comme les photos de Francis Wolf et de Reid Miles pour les albums de Blue Note, ou certaines images de Roy Decarava, pour les nuits très sombres.

Qu’est-ce qui vous a amené chez Panavision pour ce projet ?
TB : Je travaille depuis longtemps avec Panavision et j’avais déjà utilisé la série Techno-Zeiss sur le film Bazigaga, de Joe Ingabire Moys.
Nous étions en préparation quand Alexis Petkovsek m’a annoncé que cette série venait d’être modifiée pour couvrir le Plein Format.
Faire un 1,85 dans le Scope LF était un parti pris très fort qui correspondait la demande de Yohann Gloaguen, nous en avons parlé puis fait des tests qui ont fini de nous convaincre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir directeur de la photographie ?
TB : Une expérience fortuite de comédien lorsque j’étais enfant m’a fait découvrir les plateaux.
Je suis ensuite devenu photographe tout en étant très cinéphile.
Un déclencheur a probablement été Histoire de Marie et Julien, de Jacques Rivette, photographié par William Lubtchansky, AFC, qui m’a fait prendre conscience de la puissance de la lumière comme instrument de narration.

Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?
TB : La réponse est vaste et pourrait être différente tous les jours !
J’ai la chance d’avoir reçu un très beau scénario pour un tournage à la fin de l’année, j’y pense beaucoup…
Au quotidien, l’inspiration peut naître d’un rebond surprenant de lumière entre deux immeubles. Dans les photos de David Allan Harvey, Alex Webb ou Joseph Koudelka. Le début de Golden Door, d’Emanuele Crialese, dont chaque plan d’Agnès Godard, AFC, est une grande photographie, mais j’aurais tout aussi bien pu citer des films de Terrence Malick, d’Andrea Arnolds, Steeve McQueen ou tant d’autres…

(En portfolio de cet article, deux photos du tournage prises par Stéphanie Branchu, photographe de plateau.)