Les documentaristes s’unissent pour dénoncer le formatage de leurs films

par Catherine Bédarida

La Lettre AFC n°163

Le Monde, 8 février 2007

Plusieurs associations regroupant des auteurs de films viennent de constituer le Réseau des organisations du documentaire (ROD), pour alerter les responsables des télévisions et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur les évolutions récentes du genre.

« Il n’y a jamais eu autant de programmes appelés documentaires sur les principales chaînes du service public alors qu’ils relèvent de plus en plus souvent du divertissement et du journalisme », note le réseau, constitué de sociétés professionnelles (Union syndicale de la production audiovisuelle, USPA, Société des réalisateurs de films, SRF) et d’associations (Collectif des réalisateurs Electrons libres, Association des cinéastes documentaires, Club du 7 Octobre).
Après avoir observé huit mois de programmation des cases consacrées au documentaire sur France 2 et France 3, le réseau estime que, de plus en plus, « leurs sujets correspondent au découpage en catégories préétablies de la fiction télévisée (la police, les médecins, les pompiers, les professeurs...) ».

Célébrités
Les réalisateurs dénoncent un recours croissant aux célébrités, des délais de travail trop courts, une priorité aux sujets commémoratifs et hexagonaux, alors que le documentaire est, à leurs yeux, « le lieu d’un regard sur le monde », selon l’expression de Serge Lalou, producteur. S’ils reconnaissent que les chaînes affichent une volonté de défense du documentaire, ils critiquent un formatage croissant, au détriment de « la diversité d’écritures et de points de vue d’auteurs ».
Pour Pierre-Oscar Lévy, de la SRF, les chaînes imposent des contraintes telles aux auteurs que leurs oeuvres s’en trouvent parfois profondément modifiées : « La musique choisie par l’auteur peut être remplacée. Des commentaires ajoutés en voix off viennent alourdir le film. Les titres sont changés. » Ces tendances font craindre aux membres du ROD une dérive vers « au pire, une télévision de divertissement et, au mieux, un didactisme bien-pensant ».

En se constituant en réseau (www.reseau-doc.org), ces professionnels espèrent pouvoir établir un dialogue régulier avec France Télévisions et Arte, et envisager ensemble un code de bonne conduite. Compte tenu de la période électorale, ils entendent interpeller les partis et les candidats sur l’enjeu de la télévision publique. « Le service public audiovisuel crée ce lien social dont les politiques parlent beaucoup. Pourtant, ils ne s’emparent pas du débat sur la télévision publique », critique Sophie Goupil, de l’USPA.
(Catherine Bédarida, Le Monde, 8 février 2007)