Lettre ouverte de l’APC aux salariés de la production cinématographique

par Eric Altmayer, président

La Lettre AFC n°166

Plusieurs tournages ont été marqués par les grèves de certains techniciens les 3 et 4 mai derniers, mouvements auxquels se sont rattachées plusieurs manœuvres d’obstruction sur les plateaux et chez certains loueurs de matériel.
L’Association des Producteurs de Cinéma, respectueuse du droit de grève, condamne vivement ces pratiques d’obstruction, d’autant qu’elles furent sciemment engagées au mépris total du calendrier de négociations pourtant unanimement adopté quelques jours plus tôt par l’ensemble des partenaires sociaux réunis en commission mixte paritaire.

L’APC est hostile au déni du dialogue social. C’est la raison pour laquelle elle a souhaité tenir son engagement et remettre aux organisations de salariés le 10 mai, comme elle s’y était engagée, un dernier projet de texte conventionnel intégrant un engagement ferme sur des rémunérations minimum garanties qui entendent répondre aux inquiétudes exprimées par les salariés.
Afin de clarifier une fois pour toutes la position des producteurs et d’éviter la récupération biaisée de nos propositions, nous souhaitons ici rappeler les objectifs de notre projet.
1) Le projet de nouvelle convention collective reconnaît et confirme la spécificité du régime des salariés du cinéma.
Nous souhaitons absolument maintenir pour nos films le haut degré de spécialisation et la grande qualité du travail des ouvriers et de techniciens travaillant sur les films français. En s’engageant sur un projet de convention collective susceptible d’être étendue à l’ensemble de la profession, les producteurs de l’APC entendent clairement s’écarter du droit commun en matière de salaire (SMIC) et étendre à l’ensemble des salariés, y compris ceux qui n’en avaient jusqu’à lors jamais bénéficié, les bénéfices du régime conventionnel.

2) Le projet de nouvelle convention collective garantit le respect de la législation sur la durée du travail.
Depuis plus de deux ans que les négociations ont débuté, les producteurs aujourd’hui réunis au sein de l’APC n’ont cessé de rappeler leur objectif principal : définir une règle du jeu rendue obligatoire à toute la profession sans exception, qui permette d’organiser le travail, et en particulier le décompte des heures, conformément au Code du Travail. Il en va de la survie de nos entreprises, puisque la loi sanctionne désormais sévèrement toute entreprise qui ne déclarerait pas la totalité des heures effectivement travaillées par les techniciens et ouvriers, y compris les heures de préparation et de rangement.
Nous voulons déclarer toutes les heures de travail, jusqu’à 48 heures par semaine en période de tournage. En finir avec les « petits arrangements » et les « cadeaux d’heures ». Nous voulons créer un traitement homogène pour l’ensemble des personnels de la production cinématographique et rendre à la France son attractivité pour l’accueil des tournages étrangers, grâce à une organisation du travail ainsi clarifiée.

3) Le projet de nouvelle convention collective, contrairement aux allégations qui ont été faites par certains syndicats de techniciens, ne réduit pas, voire augmente le pouvoir d’achat des salariés.
S’obligeant à rémunérer l’ensemble des heures supplémentaires dans la limite des 39 heures (en préparation) et de 48 heures (en tournage), les producteurs de l’APC s’engagent au respect d’une grille égale, voire parfois supérieure aux barèmes de référence actuels, pour tous les films « de marché ».
Par ailleurs, nos propositions intègrent et revalorisent pour tous les salariés les indemnités minimum de repas hebdomadaires ainsi que les indemnités de temps de trajet et de transports.
La grille de salaires jointe instaure donc un véritable plancher de rémunération garanti à tous les salariés.

4) Le projet de nouvelle convention collective préserve le nombre de films et le volume d’emplois du cinéma français.
Cette proposition intègre en effet une Grille Socle qui vise à sauvegarder les films à l’économie plus fragile, qui font la renommée de notre cinématographie dans les festivals du monde entier, mais dont l’existence même serait remise en cause par l’application de tels niveaux. Afin de garantir une parfaite transparence quant à la possibilité de négocier ces tarifs a minima, nous proposons que la mise en application de la « Grille socle » soit fixée sous le contrôle du CNC, en tenant compte des critères suivants :
- budget du film
- niveau de rémunération des rôles principaux
- niveau de rémunération du producteur
- niveau de préfinancement du film
- nombre de jours de tournage
Une étude menée conjointement avec le CNC permettra d’apprécier la pertinence de ces critères, de les préciser, et de fixer les niveaux appropriés au regard des pratiques constatées par la Commission d’Agrément sur les films d’initiative française.

Il s’agit d’un enjeu culturel et social essentiel, puisqu’il garantit le nombre de films produits et le volume global de l’emploi dans le secteur. Ce principe a d’ores et déjà été accepté par la majorité des organisations de salariés dans la convention collective de la production TV.
Pour la première fois depuis 50 ans, les rémunérations que nous proposons sont de véritables socles minima, opposables à tous les employeurs sans exception, au bénéfice de tous les salariés. Un plancher absolu, qui apporte de nombreuses garanties qui vont bien audelà du SMIC et du Code du Travail.
Il s’agit d’un progrès social majeur pour l’ensemble des salariés de la production cinématographique.
Les producteurs de l’APC se tiennent à la disposition de chacun pour expliquer cette proposition qui sera officiellement présentée en Commission Mixte Paritaire le 30 mai prochain.
Paris, le 10 mai 2007