Mieczyslaw Jahoda (1924 – 2009)

par Marc Salomon, membre consultant de l’AFC

La Lettre AFC n°188

Né à Cracovie le 21 décembre 1924, Jahoda étudia le cinéma juste après la guerre au sein de la toute nouvelle école de Lodz tout en débutant comme assistant opérateur d’Andrzej Ancuta sur Le Moulin du village, premier film de Kawalerowicz (1951).
Au sortir de l’école, il collabore avec l’opérateur Seweryn Kruszynski au diptyque de Kawalerowicz (Cellulose) : Une nuit de souvenirs et Sous l’étoile phrygienne en 1954.
Mieczyslaw Jahoda à l'œilleton d'un Caméreclair 300
Mieczyslaw Jahoda à l’œilleton d’un Caméreclair 300

Moins connu que ses confrères Jerzy Lipman, Jerzy Wojcik et Witold Sobocinski, de la même génération, c’est surtout son travail avec Aleksander Ford en 1960 (Les Chevaliers teutoniques) et Wojciech Has, quatre ans plus tard (Le Manuscrit trouvé à Saragosse), qui l’aura fait connaître au-delà des frontières.
Mais ces deux grandes fresques historico-romanesques semblent avoir aussi éloigné Jahoda d’un cinéma plus engagé, celui qui germa au sein de la nouvelle école polonaise à partir de 1956. Il ne travailla d’ailleurs qu’une seule fois avec Wajda, mais sur un film – La Croisade maudite en 1967 – qui ne fut jamais distribué et que le réalisateur lui-même a tendance à désavouer.

"Le Manuscrit trouvé à Saragosse" - de Wojciech Has, photographié par Mieczyslaw Jahoda
"Le Manuscrit trouvé à Saragosse"
de Wojciech Has, photographié par Mieczyslaw Jahoda

Des Chevaliers teutoniques, avec en particulier la séquence de la bataille de Grunwald, on a pu évoquer une parenté avec Alexandre Nevski d’Eisenstein, mais c’est aussi avec ce film que Jahoda introduisit le Scope (procédé français Dyaliscope) et la couleur (Eastmancolor) dans le cinéma polonais.
Quant au Manuscrit trouvé à Saragosse, restauré en 1996 dans sa version longue d’origine (trois heures) grâce à l’entremise de Martin Scorsese, il est devenu au fil des ans un film culte, inclassable, à la fois récit initiatique et fable à tiroirs, film d’aventures picaresques, érotiques et terrifiantes où les histoires et les personnages s’entremêlent dans une construction virtuose sur l’écran large du Dyaliscope. Ce film fait partie des cent films sélectionnés dans Making Pictures...

Dans sa filmographie, on retiendra sa collaboration avec W. Has (Le Nœud en 1956, Les Adieux en 1958, Les Codes en 1966) et avec Jan Rybkowski. Il signa aussi la photographie d’un film du célèbre écrivain et scénariste Tadeusz Konwicki, Si loin, si près en 1971.
Signalons encore qu’en 1967, il accompagna Andrzej Zulawski dans ses premiers pas comme réalisateur avec deux courts métrages tournés pour la télévision (Pavoncello et Le Chant de l’amour triomphant).
Depuis 1963 il enseignait à l’école de Lodz et travailla aussi régulièrement pour la télévision. Il est décédé le 16 mai 2009.

"Les Adieux" - de Wojciech Has, photographié par Mieczyslaw Jahoda
"Les Adieux"
de Wojciech Has, photographié par Mieczyslaw Jahoda