Moi, Président

Par Gilles Porte, président de l’AFC 2018-2019

by Gilles Porte AFC newsletter n°295

Pas certain du tout, lors du mandat qui s’achève, d’avoir été un président à la hauteur de ce que vous attendiez de ma fonction. Pour être sincère – et certains d’entre vous le savent – je ne souhaitais pas être président l’année dernière, pensant que j’avais encore beaucoup de choses à apprendre sur le fonctionnement d’une association et sachant que je risquais de tourner beaucoup.

Je voudrais remercier celles et ceux qui m’ont entouré cette année où le Conseil d’Administration de l’AFC a dû prendre des décisions importantes. Merci aux membres du Conseil d’Administration d’avoir été très présents cette année. Votre présence régulière – même avec des pouvoirs – était indispensable afin de pouvoir procéder régulièrement à des votes et d’entériner des décisions, aussi délicates soient-elles. Merci aux membres du bureau que l’association a sollicités plus que d’ordinaire cette année… Merci au bureau très raccourci – composé d’Eric Guichard et Caroline Champetier – lorsqu’il a fallu rebondir très vite par rapport à des faits qui nous étaient imposés… Merci évidemment à Marie Garric qui avait, début février, comptabilisé 250 heures en plus… Merci à Jean-Noël Ferragut pour sa bienveillance… Merci à Isabelle Scala pour avoir compris les nouveaux besoins de l’association… Merci à Dominique Gentil et Claude Garnier, pour avoir été très présents bien que non élus au sein du Conseil d’Administration…

Avant notre prochaine Assemblée Générale qui se tiendra samedi 9 mars, j’estime que chaque membre actif est en droit de savoir si je me représenterai ou pas… Voici donc quelques mots dont beaucoup sont empruntés à un autre président qui ne fut d’ailleurs jamais réélu !

Moi président de l’AFC, écouterai et observerai ce qui se dira au cours de notre assemblée générale afin de prendre le pouls de celle-ci et savoir si une autre directrice ou un autre directeur de la photographie sont intéressés par cette fonction et m’engagerai derrière celui ou celle que la majorité d’entre nous désignera…

Moi président de l’AFC, essaierai d’avoir de la hauteur de vue, pour fixer avec le Conseil d’Administration les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps, je ne m’occuperai pas de tout, et j’aurai toujours le souci de la proximité avec les directeurs et directrices de la photographie qui composent nos membres actifs…

Moi président de l’AFC, ne traiterai jamais les membres du prochain Conseil d’Administration comme de simples collaborateurs…

Moi président de l’AFC, continuerai à faire des débriefings avec le maximum d’entre vous afin de garder un regard critique sur les actions de l’AFC, afin d’essayer, toujours, de nous améliorer en n’oubliant jamais qu’il est toujours plus facile de "détruire" que de "construire"…

Moi président de l’AFC, essaierai de privilégier le dialogue à l’affrontement en n’oubliant jamais cependant les mots d’un poète : « A l’heure où les faux culs font la majorité, gloire à celui qui dit toute la vérité. » (Georges Brassens)

Moi président de l’AFC, n’hésiterai pas pour autant à affronter des obstacles de face si l’exercice l’impose en n’occultant jamais que parfois « penser c’est dire non… » (Alain) car la pensée véritable ne suppose-t-elle pas parfois une élaboration critique, une table rase des idées reçues et donc, un examen de ce qu’elle admet par facilité ?

Moi président de l’AFC, continuerai à croire à l’existence de nouveaux groupes de travail, ouverts à n’importe quel membre actif, au sein de notre association avec chaque fois un membre de ce groupe comme rapporteur. Je ne nommerai pas les rapporteurs car cela sera décidé au sein du Conseil d’Administration avec des précisions et sans doute des échéanciers pour tenter d’être plus fédérateurs et plus efficaces que nous l’avions été l’année précédente…

Moi président de l’AFC, continuerai à exhorter n’importe lequel d’entre vous à se rendre au moins une fois à un Conseil d’Administration de l’AFC pour que chacun mesure à quel point la parole y est libre…

Moi président de l’AFC, demanderai une nouvelle fois à ce que chaque nouveau membre de l’AFC se présente en début d’un CA afin de désacraliser une association où il fait bon se rendre, surtout pas avis de tempête…

Moi président de l’AFC, continuerai de faire en sorte que l’engagement de chacun derrière des images et des films puisse rayonner bien au-delà de note propre pré carré, dans des festivals, de La Rochelle à Arles, en passant par Chalon-sur-Saône sans oublier la Cinémathèque et les festivals étrangers souvent si respectueux de notre cinématographie…

Moi président de l’AFC, souhaiterai continuer à tisser des passerelles avec les autres associations de "professionnels du cinéma", à commencer par les réalisateurs, afin de mieux veiller à ce que notre exception culturelle reste debout au milieu d’un monde de plus en plus horizontal…

Moi président de l’AFC, ne négligerai plus jamais l’effet d’une simple cale sifflet et promet à mes machinistes d’être encore plus prudent quand je monterai ou descendrai d’un travelling…

Moi président de l’AFC, souhaiterai travailler d’avantage avec les écoles de cinéma en France mais aussi en dehors de nos frontières…

Moi président de l’AFC, continuerai à lutter avec vous pour une plus grande transparence sur la manière dont se comportent certaines productions qui nous engagent avec nos partenaires...

Moi président de l’AFC, continuerai de garder les mots du cinéaste John Casavetes comme repères : « À trop y réfléchir on finit par ne pas le faire »…

Moi président de l’AFC, ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire, même si la tâche s’avère énorme et c’est pour cela qu’il est primordial que d’autres m’entourent et jouent le jeu de "garde-fou" comme Caroline, Eric, Nathalie, Isabelle, Pierre-William, Marie et Jean Noël pourraient en témoigner au cours de l’année écoulée…

Moi président de l’AFC, continuerai parfois – comme je l’ai appris avec le développement argentique et les tournages en studio – à "mettre le rouge" et parfois des touches du jaune et du bleu pour tendre pourquoi pas vers le vert, même si ce n’est pas la couleur la plus appréciée sur les plateaux…

Moi président de l’AFC, assumerai que cette fonction me condamne parfois à m’exprimer en mon nom propre sans jamais ignorer que je ne serai jamais qu’un seul membre de notre association dont les décisions seront toujours prises par la majorité d’entre nous…

Moi président de l’AFC, n’aurai pas plus de voix lors d’un CA que n’importe lequel des membres du Conseil d’Administration et ce, même si les textes actuels maintiennent l’inverse…

Moi président de l’AFC, continuerai à faire voter les membres du Conseil d’Administration aussi souvent que nécessaire afin que le plus grand nombre d’entre nous entérine des décisions…

Moi président de l’AFC, m’engagerai derrière chacune des décisions prises par le CA de l’AFC et ce, même si je ne la partage pas…

Moi président de l’AFC, tenterai toujours de travailler comme "cinéaste" en parallèle de cette fonction, aussi chronophage soit-elle…

Moi président de l’AFC, aurai aussi à cœur que le CNC, la Mission cinéma de la ville de Paris, l’Île-de-France, continuent d’être des complices d’une politique culturelle ambitieuse en n’occultant aucune zone d’ombre lorsqu’il s’agira d’échanger…

Moi président de l’AFC, continuerai de faire en sorte qu’une plus grande parité existe au sein de notre association, où seulement 10 % de directrices de la photographie nous représentent…

Moi président de l’AFC, veillerai à un code de déontologie pour les membres de notre Conseil d’Administration, afin qu’aucun d’entre nous ne rentre dans des conflits d’intérêts…

Moi président de l’AFC, insisterai pour une meilleure participation de nos membres actifs au sein de notre association, une plus grande transparence, une meilleure communication…

Moi président de l’AFC, souhaiterai une plus grande passerelle avec les anciens de l’AFC, un meilleur suivi…

Moi président de l’AFC, ferai en sorte que les partenaires de l’AFC puissent être toujours considérés, aussi bien les organisations professionnelles, les industries techniques, les productions que les syndicats, afin que nous puissions avoir régulièrement une discussion pour savoir ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation…

Moi président de l’AFC, réfléchirai, avec les membres du Conseil d’Administration, à de grands débats sur la profession que nous représentons et la manière dont nous souhaitons continuer à l’exercer... On a évoqué ceux ouverts avec les journées autour de la postproduction que beaucoup souhaitent pérennes… Il est légitime qu’il puisse y avoir, sur ces questions-là, de grands débats entre celles et ceux qui font les films et sont responsable des images du début de leurs réflexions jusqu’à leurs projections, sur tous supports…

Moi président de l’AFC, m’engagerai à mieux respecter le nombre de signes de mes éditos…

François Hollande – à qui j’ai emprunté cette anaphore - avait évoqué une "présidence normale" lors d’un grand débat devenu célèbre et je souhaite demeurer "normal", même si les conditions sont exceptionnelles…
A l’heure où le cinéma français traverse une crise majeure…
A l’heure où beaucoup s’interrogent sur les modes de diffusion en cours et le irrespect d’une politique que beaucoup souhaiterait plus vertueuse…
A l’heure où le principe des "tax shellters" et des délocalisations continuent de fragiliser nos industries et nos techniciens…
A l’heure où les studios disparaissent de l’Hexagone et ne sont tenus que par une poignée de résistants…
A l’heure ou des querelles de clocher fleurissent tous les jours dans notre petit milieu, sur les plateaux, autour de la postproduction, lors des choix de workflow, l’AFC ne doit-elle pas être encore plus présente autour de certaines tables, quitte à en renverser quelques-unes ?

Nous devrons, je crois, continuer d’être capables de comprendre ce qui se joue, de l’analyser, de se taire parfois, d’écouter, de laisser la parole à d’autres plus légitimes que nous sur de nombreux sujets parfois mais ne surtout pas hésiter à prendre la parole quand les images des films que nous faisons et notre fonction sont en danger…

Que notre Assemblée Générale puisse participer à libérer la parole afin que chaque membre actif et chaque partenaire qui le désirerait puisse la saisir car, cette année écoulée, j’ai mesuré combien certains points d’exclamation pouvaient être changés parfois en points d’interrogation, puis en points de ponctuation…