Passagère du silence

de Fabienne Verdier

La Lettre AFC n°141

Extraits choisis par Diane Baratier

Le beau en peinture, selon l’enseignement des vieux Maîtres, n’est pas le beau tel qu’on l’entend en Occident. Le beau en peinture chinoise, c’est le trait animé par la vie, quand il atteint le sublime du naturel. Le laid ne signifie pas la laideur d’un sujet qui, au contraire, peut-être intéressante : si elle est authentique, elle nourrit un tableau. Le laid, c’est le labeur du trait, le travail trop bien exécuté, léché.
Les manifestations de la folie, de l’étrange, du bizarre, du naïf, de l’enfantin sont troublantes car elles existent dans ce qui nous entoure. Elles possèdent une personnalité et une saveur propres, une intelligence. Ce sont des humeurs qu’il faut développer. Toi, en tant que peintre, tu dois saisir ces subtilités. Mais l’adresse, l’habileté, la dextérité qui, en Occident, sont souvent considérées comme une qualité, sont un désastre, car on passe à côté de l’essentiel. La maladresse et le raté sont bien plus vivants.
Le raté n’est pas mauvais du tout. La faiblesse peut même être d’une élégance folle. La maladresse si elle vient du cœur est bouleversante. La maladresse peut même constituer l’esprit du tableau. Si l’expression est sincère, elle habitera forcément l’esprit qui la contemple.
Recherche sans cesse et sans répit le singulier, l’insolite, n’aie pas peur de paraître folle ou excentrique car il s’agit de retrouver les mille et une manifestations de la nature des choses.

La suite des citations du vieux Maître s’adresse plus à la réalisation en général.

Il s’agit de suggérer sans jamais montrer les choses. L’ineffable, en peinture, naît de ce secret : la suggestion.
La danse du pinceau dans l’espace laisse des blancs pour permettre à celui qui regarde de vivre l’imaginaire dans le tableau, d’aller découvrir le paysage seul, par la suggestion, sans trop en dire, pour faire jaillir la pensée. Si tu tentes d’enfermer une composition, elle meurt dans l’instant.