"Près de cent producteurs et réalisateurs s’insurgent"

Une tribune pour défendre le documentaire de création publiée dans "Le Monde"

Contre-Champ AFC n°327

Après l’accord entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les services de vidéos à la demande (Netflix, Amazon, Disney +, Apple TV) sur le financement de la création, une centaine de professionnels disent, dans une tribune publiée dans Le Monde des 19-20 décembre 2021, leur colère face à la part dérisoire accordée à la non-fiction.

Près de cent producteurs et réalisateurs s’insurgent : « Les documentaires informent et émancipent, comment le CSA a-t-il pu les sacrifier ? »
Après deux ans d’un immense effort, tant au niveau national qu’européen, devant amener les plates-formes de SVOD américaines (Amazon Prime Video, Disney + et Netflix) à contribuer à la création française, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a choisi de conclure, dans la précipitation, des conventions avec celles-ci en écartant les créateurs et leurs représentants.
Un des aspects essentiels de ces négociations portait sur la question de la diversité de la création indépendante. Inscrite dans le décret SMAD (relatif aux services de médias audiovisuels à la demande), qui régit les obligations d’investissement de ces plates-formes en France, cette disposition devait permettre d’en flécher une partie vers d’autres genres que la fiction.

Respecter la diversité de la création indépendante, c’est s’assurer d’une pluralité des points de vue et des sensibilités. Aucun genre n’incarne mieux cette préoccupation que le documentaire.
Pour les professionnels, l’enjeu était de taille. Dans un environnement économique qui ne cesse de se dégrader, les plates-formes apparaissent en effet comme le seul relais de croissance d’une filière à bout de souffle. Croissance économique bien sûr, mais aussi artistique, les plates-formes ayant révolutionné les codes du genre documentaire et son attractivité.
Depuis le choc Making a Murderer [thriller documentaire de Laura Ricciardi et Moira Demos diffusé sur Netflix entre 2015 et 2018], un nouveau public s’est ouvert au réel et va chercher de nouvelles formes de récits, devenues la marque de fabrique de ces plates-formes. Le documentaire est ainsi un marqueur de leur offre, certaines séries devenant même de véritables succès mondiaux, comme Wild Wild Country (2018), de Jay et Mark Duplass, Notre Planète (2019), de David Attenborough, ou Formula 1. Pilotes de leur destin, par exemple.

Des chiffres effrayants
Progressivement, des séries françaises ont fait leur apparition sur Netflix comme Gregory, de Gilles Marchand (2019), 13 novembre : Fluctuat Nec Mergitur, de Jules et Gédéon Naudet, ou le récent Les Rois de l’arnaque, de Guillaume Nicloux, démontrant avec brio que notre filière dispose du savoir-faire et des talents lui permettant de faire entendre sa voix. Amazon a suivi en lançant la série Montre jamais ça à personne, de Clément Contentin, et on attend celle de Disney + sur le chanteur Soprano.

Les planètes s’alignaient et il ne restait plus au Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’à consolider une évolution permettant aux documentaires français d’accompagner cet essor, et d’y jouer leur partition. Las ! Le CSA a révélé, le 9 décembre, les termes de l’accord. Pour la filière documentaire les chiffres sont effrayants : en 2022, Netflix devra allouer au minimum 0,6 % de ses investissements audiovisuels dans le documentaire, Disney + 1,5 % et Amazon 0,9 %.