Raoul Coutard, le sens du don et du risque

par Eric Gautier La Lettre AFC n°270

Dans le cadre de l’hommage que la Cinémathèque française avait rendu au directeur de la photographie Raoul Coutard en 2007, Eric Gautier, AFC avait écrit pour le programme un texte de présentation. En voici un extrait...

J’ai découvert Raoul Coutard à la toute fin des années soixante-dix. J’étais alors étudiant en fac de cinéma à Censier, préparant le concours d’entrée à l’École Louis-Lumière. Le ciné-club projetait alors un cycle de films de Godard des années soixante (il n’était pas encore revenu au cinéma en salles avec Sauve qui peut… la vie).
Je ne savais pratiquement rien du cinéma ni de sa fabrication. Pourtant, je me souviens parfaitement du choc et de l’attrait immédiat de ces films réjouissants. J’aimais leur liberté de ton et la vérité qu’ils véhiculaient, et surtout leur audace formelle, leur fluidité chaotique, les accidents et les surprises, et leur grande beauté (même si elle ne correspondait pas aux canons officiels). Raoul Coutard avait signé toutes ces images.
Et je fis le lien avec la photographie d’autres films que je découvrais à l’époque : Alice dans les villes (Wim Wenders, photo Robby Müller), Kes (Ken Loach, photo Chris Menges), Taxi Driver (Martin Scorsese, photo Michael Chapman), tous très emblématiques. Tous ces opérateurs étaient des héritiers de Coutard.

C’est parce qu’il n’était pas du "sérail", qu’il n’avait pas approché ces grands directeurs de la photographie jaloux de leurs secrets et imposant une hiérarchie écrasante, qu’il n’était pas carriériste, que Coutard a pu être si audacieux et novateur. Il n’a jamais rien eu à voir avec ceux que Godard appellera « les professionnels de la profession », c’est-à-dire des professionnels irréprochables sachant exactement comment faire les choses, donc rassurants.
Raoul Coutard est partie prenante du film plus que de son image. C’est pourquoi son association avec Godard fut si précieuse : Godard est un chercheur, un (ré)inventeur, il triture, casse la structure, écarte les clichés – ou alors joue avec.

Cette liberté est liée à un petit budget, qui fait que l’expérimentation est possible, sans obligation de succès commercial. Les moyens matériels sont pauvres, l’équipe est réduite au minimum. Et le temps de tournage ne dépasse pas quelques semaines. Coutard est l’opérateur de la rapidité, de l’instantané, de l’improvisation.
« Aller à la simplicité pour donner plus de temps à la mise en scène, c’est plus important pour moi que de peaufiner ma photo. Il faut juste savoir si l’effet est suffisant pour l’émotion qu’on veut obtenir. » (Lumières – Les Cahiers AFC n°2 – 2006) [...]

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  • Lire ou relire aussi "Cinémathèque française : l’hommage à Raoul Coutard", par Willy Kurant, AFC, ASC.