Camerimage 2021
Retour sur la conférence "EL Zone System" d’Ed Lachman, ASC
Par Margot Mancel Neto, étudiante à La FémisMercredi 17 novembre, à Toruń, devant une salle pleine, Ed Lachman, ASC, et Marko Massinger ont présenté leur projet de nouvel outil de mesure d’exposition pour les opérateur(rice)s. Cachée derrière l’intitulé mystérieux : "Ed Lachman Zone System", c’est une présentation de prototype que l’on découvre.
Leur démarche part du sentiment de lassitude d’Ed Lachman face aux outils d’exposition numérique et de sa volonté d’y faire intervenir les méthodes de pose argentiques.
A propos du "waveform" qu’il trouve imprécis Ed Lachman nous dit : « I want more specific information than just "good" ».
Lassés par les "waveforms" et autres "false colors", ils cherchent à développer une alternative à ces outils en ramenant la méthode du Zone System dans les caméras. Le Zone System est une méthode d’exposition mise au point par Ansel Adams, photographe américain du XXe siècle, qui a lancé les recherches sensitométriques. Cette technique est une méthode d’exposition qui fonctionne en valeurs de luminances, réparties en 11 valeurs entre le 0 du noir absolu et du 10 du blanc absolu. Cette méthode d’exposition permet d’optimiser finement les possibilités de la plage dynamique en fonction de la scène. Outil dont les opérateurs se sont saisis comme d’un moyen d’exposer et d’éclairer une scène : le travail du chef opérateur est alors de faire une interprétation et une proposition artistique de la répartition de la dynamique qui va dans le sens du film. Technique d’exposition qu’Ed Lachman utilise en posant toujours ses scènes pour les visages, avec une finesse que ne permettent pas les outils numériques.
Le projet qu’ils portent à Camerimage, devant les grands constructeurs de l’industrie, est d’inclure enfin un outil d’exposition fin et fiable dans les caméras. Le prototype qu’ils proposent s’apparente aux "falses colors" que l’on connaît déjà, avec des correspondances de couleurs basées sur une échelle de 15 valeurs de diaphs entre la sous-exposition et la surexposition centrée sur le gris à 18 %. Ils demandent, comme une faveur aux constructeurs, de transformer les caméras en outils d’exposition plus intuitifs et précis au demi-diaph. Une technique qui permet pour la première fois de fusionner l’optique du film et celle de la cellule. L’"Ed Lachman Zone System" permettrait d’avoir une représentation colorée et immédiate de la répartition du contraste directement dans le viseur. Un outil qui relierait un peu plus le chef opérateur à l’exposition, qui tend de plus en plus vers un travail de DIT, puisque ce sont finalement des questions de signal qui se posent, et non de contraste.
L’idée va même plus loin en proposant d’ajouter cette représentation dans les metadonnées de l’image, et de créer ainsi pour chaque image une archive très précise de son exposition. Une archive que l’on pourrait retrouver facilement en post production, et servir au travail du contraste en étalonnage et aux incrustations VFX. Par ailleurs, ces archives serviraient d’outils d’éducations très riches, en révélant le détail de l’exposition des images. La possibilité nouvelle de pouvoir partager facilement ces informations ouvre la question du contraste à d’autres domaines du cinéma et peut être aux réalisateurs.
Enfin, le grand avantage de cette méthode est qu’elle est universelle à toutes les caméras et à tous les constructeurs, puisqu’elle délie l’exposition et le traitement du signal, la mesure d’exposition se jouant avant la transformation électrique de la lumière par le capteur. Toutes les caméras du monde pourraient ainsi être exposées avec un outil neutre et indépendant de la politique du constructeur – problématique de plus en plus centrale pour les opérateurs, comme le montre l’explosion de l’utilisation de l’ACES.
Être le premier à placer une caméra avec ce système sur le marché s’apparente à un enjeu commercial important. Pourtant, les constructeurs restent étonnamment sceptiques, obligeant les deux opérateurs à d’âpres négociations – seul Panasonic semble y trouver un moyen de se renouveler. En effet, si l’on parvient à mettre en place ce système (ce qui paraît très à la portée de nos avancées technologiques), on pourra très facilement se rendre compte de la réalité des dynamiques de nos caméras. Posez une scène avec des valeurs de diaphs sur toute la dynamique annoncée, avec toutes les couleurs du ELZS représentées, et vous pourrez facilement voir si Arri tient la promesse de ses 14 diaphs de dynamique.
- Lire l’article "EL Zone for VariCam", en anglais, sur le site Internet de Panasonic.
En vignette de cet article, une image de la conférence vue sur un des écrans de Camerimage - Photo Jean-Noël Ferragut.