Robert Redford, un artiste engagé

Hollywood, instrument de propagande de Washington ?

La Lettre AFC n°106

La carrière de Robert Redford se trouve souvent au croisement de ses engagements politiques et de ses exigences artistiques. Sa démarche de réalisateur est animée par le même souci de cohérence. Il est également le créateur du Sundance Institute, qui relança le cinéma indépendant américain au début des années 1990.

Il y a vingt-cinq ans, Robert Redford avait déjà eu des démêlés, potentiellement mortels, avec la CIA pour qui il travaillait dans Les Trois jours du condor, et le revoilà en agent secret chevronné et omniscient dans Spy Game, sorti le 21 novembre aux Etats-Unis Redford, dont le personnage de Nathan Muir représente la vieille école du renseignement humain face à l’espionnage moderne électronique. Les événements du 11 septembre donnent une pertinence nouvelle à ce film d’espionnage.

« Depuis le 11 septembre, en deux heures, soudain, nous sommes devenus membres de la communauté internationale parce que nous avons appris ce que c’était de souffrir d’une façon que nous ignorions. Nous avions éprouvé les dégâts causés par notre violence intérieure, mais nous n’avions jamais su ce que c’était d’être envahis.
Après le 11 septembre, le pays devait se regrouper, être uni et solidaire derrière une voix, celle du président des Etats-Unis. Le pays avait besoin d’un certain patriotisme, de se retrouver autour du symbole que représente le drapeau. Jusque-là, ça me va, c’est comme une façon de cicatriser. Mais, quand les gens qui posent des questions, demandent des explications ou même émettent une critique, sont perçus comme manquant de patriotisme, cela devient dangereux, c’est une menace contre le principe démocratique de la liberté d’expression.

Venir à Hollywood pour demander du soutien (ne pas faire de films critiques, par exemple), est une manœuvre politique. La communauté hollywoodienne doit faire ce qu’elle a à faire sans recevoir d’instructions de Washington. On a déjà vu ça pendant la deuxième guerre mondiale, quand Disney est devenu une machine de propagande gouvernementale. Mais il y a cinquante ans, ce soutien était peut-être nécessaire.
Aujourd’hui, le monde a changé, les gens sont plus cyniques. Alors demander à Hollywood de faire passer un message ! Mais quel message et avec quel contenu ? Je ne pense pas du tout que Hollywood va se précipiter et se laisser utiliser comme instrument de propagande. »
(Propos recueillis par Claudine Mulard, Le Monde, 13 décembre 2001)