Son nom de Nuytten dans Calcutta désert

Par Michel Benjamin, AFC

par Michel Benjamin

A l’occasion du festival Camerimage, j’ai rencontré MA Légende. Bruno Nuytten, l’homme qui m’a inspiré et donné envie de faire ce métier. Je n’avais jamais osé l’approcher. Moi qui aurais adoré l’accompagner sur ses tournages et suivre ses traces, je me retrouve face à lui, au vernissage de son exposition photo. Bravant ma propre pudeur, je lui déclare ma "flamme" professionnelle, nous laissant l’un et l’autre dans une sorte de timidité et de gêne.

En à peine une quinzaine d’années, son travail de directeur de la photographie lui a rapporté un nombre considérable de prix et nominations pour une carrière fulgurante d’une trentaine de films. Je crois que c’est le seul chef opérateur récompensé de la sorte en si peu de temps. C’est dire l’importance de sa contribution et l’empreinte magnifique qu’il a laissée dans le cinéma des années 1970 et 80. Ce cinéma qui, à mes yeux, a produit quelques chefs d’œuvre comme Garde à vue, Tchao Pantin ou Les Sœurs Brontë . Ils ont été pour de nombreux confrères et moi-même des références et la marque d’un vrai renouveau cinématographique.
J’ai rencontré un homme qui n’en a que faire de toutes ces récompenses et qui se définit lui-même comme un "bricoleur". Il a tiré sa révérence après s’être essayé à la mise en scène et l’écriture. Il s’est définitivement, dit-il, éloigné des plateaux. Mais, en réalité, il se redéfinit à chaque étape de sa vie. Aujourd’hui, la ferveur et la brillance dans ses yeux lorsqu’il parle de son nouveau travail de photographe ne font pas illusion. Il a repris le flambeau et l’image, oui l’Image, reste proche de son cœur et de sa sensibilité, et cela ne peut que nous réjouir.
J’ai découvert un homme d’une humilité et d’une sensibilité tellement évidente. J’ai eu le privilège d’un dîner en sa compagnie et J’avais des étoiles dans les yeux à l’écouter nous raconter ses anecdotes de tournage.

Bruno, tu n’as pas fini de nous épater. Tout parait limpide et clair quand tu te racontes, comme la transparence et la modernité de ta Photo, tes photos. Tes images ont toujours été une source d’inspiration pour moi. Ne m’en veux pas si cette déclaration met mal à l’aise ta modestie naturelle mais quelle rencontre cela a été pour moi !
Comme cette réplique tirée d’ India Song : « Son nom de Venise dans Calcutta désert ». Fidèle lecteur à l’époque de Pilote, le journal s’en moquait gentiment au fil de ses numéros. Je n’ai toujours pas compris ce que ça signifiait mais ça m’a accompagné des années. Peut-être simplement que l’émotion est intraduisible !