Tijuana Bible

Tijuana Bible commence pour moi en 2014. Après être allé à Cannes avec Mange tes morts, Jean-Charles me propose de l’accompagner à Tijuana, plus précisément dans la Zona Norte, quartier populaire et zone hors-la-loi où il a déjà tourné plusieurs courts métrages et son premier long métrage, Carne Viva. Nous y tournons là-bas un film qui deviendra Topo y Wera, un documentaire sur un couple de voleurs de rue.

Mais là-bas commencent également les premières recherches de ce qui deviendra Tijuana Bible. Tandis que Charlie erre dans la rue pour y rencontrer les gens qui peupleront son scénario, je fais les premières images qui viendront sédimenter notre réflexion et le découpage une fois que nous serons rentrés.
Le film se peuple d’hommes et de femmes qui n’ont ni aujourd’hui ni demain. Qui n’ont qu’un ici et maintenant. Là-bas, nous filmons une femme qui se baigne dans le caniveau en riant. Une autre qui se peint le visage en blanc, folle. Des camés aux visages ravagés par la drogue.
Tijuana est une plage où viennent s’échouer tant de damnés : migrants d’Amérique du Sud bloqués face au mur, ex-militaires mexicains ayant servi pour l’armée américaine, militaires américains déçus des États-Unis, hors-la-loi venus se cacher. La ville est une cour des miracles, un purgatoire pour naufragés.

Les premières images de repérages, en Super 8
Les premières images de repérages, en Super 8



L’image du film s’est construite à partir de ces rues larges, de ces voitures des années 1970, de ces ruines fantasmées sur lesquelles la ville s’est construite. L’anamorphique s’est imposé d’emblée : pour donner une dimension de western, de film épique. Nous avons opté pour des Lomo anamorphiques qui avaient une qualité exceptionnelle : doux et piqués. Nous avons fait tout le film avec deux focales, un 50 mm et un 75 mm. Les optiques ne déformaient pas trop. Au vu des conditions de tournage dans des décors compliqués et dangereux, nous ne faisions pas les back-ups sur place, mais directement au laboratoire.

Photogramme


Durant la préparation, Jean-Charles accorde beaucoup d’importance à l’image, travaillant souvent avec des références, des couleurs, des dessins. La lumière est souvent pensée en amont, avec la mise en scène, elle fait partie intégrante de la mise en scène. Ce qui donne une grande force aux choix plastiques. Parfois, c’est même une idée de lumière qui guide la mise en scène.

Le storyboard de la séquence de Camera Obscura
Le storyboard de la séquence de Camera Obscura


Une image de la séquence dans le film - Photogramme
Une image de la séquence dans le film
Photogramme


Au plateau, j’ai pu travailler la lumière avec Oscar Inzunza. Un 12 kW HMI pour les entrées brutales de lumière, et des LEDs légères planquées un peu partout en prélight. Pour les extérieurs de rues, occupées par les gens de la zone, nous sommes restés légers : pratiquement aucune lumière additionnelle. Le plus souvent, nous avons placé des sources assez loin, pour laisser les décors complètement libres, y compris dans le studio à la fin. Jean-Charles a besoin de pouvoir croire au décor et la technique peut l’encombrer parfois.

Les vrais tunnels où il est impossible de tenir debout et ceux du studio
Les vrais tunnels où il est impossible de tenir debout et ceux du studio


Une des images de référence pour les tunnels : "L'Incendie", de Goya
Une des images de référence pour les tunnels : "L’Incendie", de Goya


La scène des tunnels dans le film - Photogramme
La scène des tunnels dans le film
Photogramme



À partir du moment où Nick quitte la ville, nous découvrons le désert, et une ambiance de western, et nous avons arrondi les lumières pour donner de l’éclat et adoucir les contrastes et donner à ces lieux une ambiance plus douce malgré la dureté de la lumière.

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Nous avons étalonné le film avec Yov Moor, qui a su trouver des couleurs saillantes, tout en gardant une dimension sobre de l’image : Paul Anderson est puissant, visible et traverse les espaces. Le film est une sorte de "road movie", de quête initiatique : nous n’avons pas hésité à donner à l’image des couleurs singulières qui donnaient vie à chacun de ces espaces, à chacune de ces personnes.

La force du film vient de cette rencontre entre Jean-Charles, les naufragés et Paul Anderson, acteur puissant qui se fond complètement dans le décor. À dire vrai, le film est un document sur son corps abîmé. On croit à ce type perdu, esquinté par la vie, qui cherche désespérément le salut.

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  • Voir la bande annonce officielle :

https://youtu.be/BHldZsZfM8c

Équipe

Première assistante opératrice : Céline Croze
Deuxième assistant opérateur : Daniel Castro
Stagiaire combo : Diego Quintero
Data Manager : Fernando Guzman
Cadreur caméra B : Adrian Duranzo
Premier assistant opérateur caméra B : Julio Lara

"The border boys"
Gaffer : Oscar Inzunza
Best Boy : Benito Guerrero Terrazas
Electriciens : Abel Coronilla Mercado, Javier Garcia, Victor Francisco Oliva Arce

Technique

Matériel caméra : Spécola, à Tijuana, et La Film Boutique, à Los Angeles (Caméra Arri Alexa Mini, optiques Lomo Anamorphic 50 et 75 mm)
Matériel électrique : Film and Video Lighting / BarnDoor Lighting Outfitters (Etats-Unis)
Postproduction : Cosmo Digital (Paris)
Etalonnage : Yov Moor

synopsis

Nick, un vétéran américain blessé en Irak, vit dans la Zona Norte, le quartier chaud de Tijuana. Il y fait la connaissance d’Ana, une jeune Mexicaine à la recherche de son frère disparu depuis quelques semaines. Ensemble, ils vont plonger dans les bas-fonds de cette ville aux mains des narco-trafiquants.