Une part du ciel

« Premier film de fiction de Bénédicte Liénard, réalisatrice Bruxelloise.
En Super 16 mm, tourné en Kodak. Machiniste et assistant opérateur belges et équipe électrique française.
Deux principaux décors : une usine au Luxembourg, une prison, à Liège. Durant les repérages, une évidence:que des lieux remplis de néons. Pour l’usine, on en avait deux cents au-dessus de nos têtes. Il a fallu les équilibrer, les éteindre partiellement, les renforcer par endroits.
Pour la prison, tous les néons étaient de construction ancienne, c’est-à-dire "automatiques", qui ne pouvaient donc pas être remplacés par des
"équilibrés". Ils avaient entre 10 et 40 points dans le vert, peu lumineux et jaunis par toute la nicotine qui s’y était déposée.
Tout était donc à changer, tout refaire électriquement, et le tout "proprement", car les nouveaux néons qui allaient éclairer les personnages allaient également être dans le champ, vu la faible hauteur des plafonds.
Dix jours donc d’atelier "néonique" pour mon équipe électrique et pour moi-même. Sans jamais laisser traîner nos cutters, nos tournevis, nos prolongateurs, le fil de fer, nos ciseaux, même un simple bout de ficelle.
Et pendant le tournage, ne pas créer des zones d’ombres dans les couloirs, afin d’éviter des déambulations non contrôlables par les matonnes.
Ne pas utiliser d’échelle dans le préau, ni même un pied avec une rallonge sans surveillance entre l’enceinte de la prison et le mur d’extérieur.
Nous avons donc construit sur mesure des cadres de densité neutre en laissant libre la partie haute non filmée des fenêtres.
Les cadres se changeaient très rapidement, sans outils, avec juste des sifflets pour les maintenir.
Un projecteur manipulable à hauteur d’homme dont le faisceau tapait en "point chaud" sur la partie haute des fenêtres, venait se réfléchir sur le plafond des cellules, de la salle de travail commune, dans le bureau des matons.
Il était d’ailleurs impensable de surexposer les découvertes, car le vis-à-vis devait être visible. Si l’image avait effacé ce que l’on pouvait voir des fenêtres, nous aurions été plus tranquilles en studio.
Faire également un plan de travail en fonction des horaires inflexibles du règlement, surtout pour les scènes de nuit en mars-avril, où nous devions libérer impérativement les lieux avant 21 h 30. Donc nous faisions un plan par soir de la même séquence et réinstallions le lendemain.
Les préoccupations de ce genre m’ont bien évidemment permis de ne pas trop être sensibilisée par le contexte qui nous entourait, qui nous envahissait.
Une photo de groupe, où rares sont les personnes extérieures qui ont pu deviner qui faisait partie de l’équipe et qui faisait partie de la prison. Il n’y avait aucune différence entre une détenue et moi-même, par exemple.
Où se situait donc cette mince différence ?
En attendant une fin de jour pour le dernier plan du tournage, je suis restée assise pendant plus d’une heure, à attendre, et là, toutes les sensations de la prison me sont apparues de plein fouet, je ne pouvais plus me réfugier dans le travail, j’étais foutue, coincée, je voulais partir, partir vite. »