Une rétrospective Claude Lanzmann au Centre Pompidou, avec Caroline Champetier, AFC, et Michel Abramowicz, AFC
Seront projetés, entre autres, Shoah, 1re époque et 2e époque, photographié par Dominique Chapuis, AFC, William Lubchantsky, AFC et Jimmy Glasberg, AFC, assistés sur le film par Caroline Champetier, AFC, et Jean-Yves Escoffier, AFC, Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures et Napalm, photographiés par Caroline Champetier, AFC, mais aussi Tsahal, photographié par Dominique Chapuis, AFC, Pierre-Laurent Chénieux et Jean-Michel Humeau, AFC, Le Dernier des injustes, photographié par Caroline Champetier, AFC, et William Lubtchansky, AFC, ou Premier Convoi, de Pierre Oscar Lévy, photographié par Romain Winding, AFC.
- Caroline Champetier, AFC, sera présente pour une rencontre sur "Le geste Lanzmannien", dimanche 19 novembre de 15h à 17h, et à la projection du Dernier des injustes, dimanche 19 novembre à 17h.
D’autre part, samedi 28 octobre, Antoine Guillot recevait dans son émission "Plan Large" sur France Culture, entre autres intervenants, Caroline Champetier, qui a travaillé au côté de Claude Lanzmann pendant quarante ans, du tournage de Shoah à celui de Napalm, son dernier film.
- Lien, en cliquant sur l’image ci-dessous, vers l’article de France Culture permettant d’écouter le podcast de cette émission intitulée "Claude Lanzmann et John Zorn : des géants au travail, avec Caroline Champetier et Mathieu Amalric".
- Michel Abramowicz, AFC, sera présent à la projection de Tsahal (5h19), projeté en deux parties, respectivement à 14h et 17h.
- Pierre Oscar Lévy sera présent à la projection de Premier convoi, photographié par Romain Winding, AFC, le 27 novembre à 20h.
A propos de Premier convoi, de Pierre Oscar Lévy, photographié par Romain Winding, AFC
Sur les 1 112 personnes parties par le premier convoi pour Auschwitz en mars 1942, seulement une vingtaine a survécu.
Pierre Oscar Lévy et son équipe ont accompagné neuf d’entre elles, depuis le lieu de leur arrestation, à Paris, jusqu’à Auschwitz-Birkenau, en passant par le camp de transit de Drancy.
Pierre Oscar Lévy nous explique son dispositif de mise en scène :
« J’ai imaginé un dispositif précis pour permettre aux survivants de s’exprimer le mieux possible dans un cadre éloigné de celui du reportage, ou de l’interview télévisé : des plans fixes, pour la plupart, où le témoin s’exprime face caméra « à hauteur d’homme ». Romain Winding, AFC, m’avait convaincu d’utiliser des courtes focales afin d’ancrer les protagonistes dans les lieux-mêmes où ils décrivaient des "faits". Nous avons longuement échangé, réalisé des essais pour trouver l’éclairage et la couleur de l’ensemble. Le son de Pierre Excoffier laissant progressivement place à la "voix nue", sans plus.
« L’âge des protagonistes du film, et le sujet impliquaient un protocole accepté et discuté pendant les huit mois de préparation. J’avais insisté pour avoir des moyens de production de long métrage de fiction. Jamais la parole ne serait née si je n’avais pas demandé de faire éclairer certains lieux avec de nombreux projecteurs et un travail d’une équipe complète de cinéma qui demandait un long travail (les électriciens Dominique Dehoua et Marcel Goderniaux et le groupiste Robert Morsch).
« Chacun des témoins impressionnés par le respect et l’attention des membres de l’équipe, qui au fur et à mesure du travail ont été tellement touchés par ces récits que la concentration sur la technique empêchait tout sentimentalisme qui aurait pu générer des failles dans le plan de travail.
« Pour certaines scènes particulièrement pénibles, d’évocation de disparus, j’avais prévu des travellings. Jamais je n’ai imposé quelque question que ce soit, ils ont choisi de dire ce qu’ils voulaient dire, je n’ai forcé personne, je leur ai seulement offert un CADRE d’expression. Ils faisaient une déclaration à la caméra sur le modèle des prises de vues britanniques, à Bergen-Belsen que Hitchcock avait suggéré (une personne atteste que ces images sont réelles). Je me contentais de dire : "Vous pouvez raconter ce qui s’est passé ici ?"
« Ce sont mes leçons d’apprenti cinéaste et de de directeur d’acteur qui m’ont permis de le faire, pour être le plus respectueux de leur parole possible, et offrir au spectateur sa liberté totale d’interprétation. Il n’y avait pas de contrainte de temps, mais pour les scènes sensibles, je marquais au sol un parcours, qu’on répétait sans mots dire, pour que l’assistant opérateur, Stéphane Cami, AFC, puisse faire ses réglages de point, et surtout pour que Bruno Dubet, le machiniste, puisse pousser son travelling sans accroc. Le fait de répéter - comme des acteurs - permettait à ces vieilles personnes de se concentrer sur le parcours, les difficultés du sol, et ensuite de se jeter dans leur récit… qu’il n’auraient pas pu raconter sans larmes, sans cette contrainte imposée par moi-même. »
« Bruno Dubet racontera bien plus tard que c’est le film où il a pu exercer son métier de machiniste avec le plus d’intérêt. »
« Si j’ai demandé à ces personnes de refaire le parcours de leur déportation, ce n’est pas pour les "torturer" et montrer que je savais réaliser un beau film esthétique, mais parce que je voulais prouver qu’on pouvait filmer l’impensable, ce que Claude Lanzmann décrivait comme irreprésentable. Le cinématographe possède un pouvoir de vous faire revivre l’évènement, à nous de trouver à chaque fois la forme. Le cinématographe, c’est le jeu avec le hors-champ, plus que l’accomplissement d’une jouissance stérile de la pulsion scopique. Quand l’horreur doit être mise en scène il faut la suggérer, pour laisser libre chaque personne de se la représenter en fonction de sa propre émotivité. Bref, le contraire des images du Hamas, ou de Daech ?
« Cinquante ans après, la voix d’un témoin, dont la mémoire est réactivée par le lieu-même où il fut, vous fait revivre son vécu. La "beauté" de la photographie de Romain Winding n’existe que pour s’effacer derrière les images mentales qui s’installent dans la tête du spectateur saisi par le récit. Pas besoin d’images d’archives (il existe de très nombreuses photos réalisées par les services administratifs des Nazis conservées à Auschwitz), le cinématographe possède ce pouvoir d’évocation de n’importe quel crime...
« Les neuf personnes qui sont allées en pèlerinage à Birkenau avec le film en sont sorties guéries… Le cinématographe possède aussi le pouvoir de redonner la dignité à l’humilié. »
(Propos recueillis par Laurent Andrieux pour l’AFC.)
Pour aller plus loin :
- Caroline Champetier, AFC, parle de son travail avec Claude Lanzmann et de Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures, aux obsèques de Claude Lanzmann, le 12 juillet 2018.
- Caroline Champetier, AFC, parle de son travail sur Napalm.
- Jimmy Glasberg, AFC, parle à Gilles Porte, AFC, de son travail avec Claude Lanzmann.
- Lire et télécharger, ci-dessous, le programme complet du cycle " Claude Lanzmann, le lieu et la parole".