Vers un circuit à deux vitesses ?

par Jean-Michel Frodon

La Lettre AFC n°111

C’est précisément pour celle-ci que plaide le producteur, distributeur et exploitant Marin Karmitz : « La technologie haut de gamme est un boulevard pour Hollywood. Au contraire, on peut utiliser les possibilités de la projection numérique pour rendre viable la diffusion de films économiquement modestes mais artistiquement ambitieux, qui ont de plus en plus de mal à être diffusés. J’ai installé le premier projecteur numérique léger dans ma salle du MK2 Beaubourg pour montrer ABC Africa d’Abbas Kiarostami, tourné en DV avec très peu de moyens. La continuité technique est cohérente avec une logique artistique, de la réalisation à la projection, et les cas de ce genre vont se multiplier. »

Marin Karmitz souligne que ce procédé est appelé à se développer, par choix esthétique, par nécessité économique ou pour déjouer la censure. Karmitz affirme avoir obtenu des projecteurs d’une qualité suffisante pour des bonnes projections sur des écrans de taille moyenne (moins de 10 mètres de base) à moins de 8 000 euros. Il affirme qu’il entend équiper peu à peu ses salles de ces dispositifs. Si les MK2 seront évidemment aussi dotés de projecteurs 35 mm, leur propriétaire n’en revendique pas moins le choix d’une inévitable cassure entre un cinéma " lourd " et une filière porteuse de la diversité et des recherches esthétiques.
(Jean-Michel Frodon, Le Monde, 16 mai 2002)