Attention ! Une image peut en cacher une autre !
Education à l’image dans les collèges et lycées, par Gilles Porte, AFCJe me souviens... A l’époque, ma mère ne s’intéressait pas du tout au cinéma et avait pensé que j’allais voir un film du genre de Superman, Wonder Woman, Batman, Iron Man ou je ne sais quoi qui finit en "man". Bouleversé, j’avais obligé ma mère à aller voir le film de David Lynch à la séance suivante. Elle était rentrée en pleurs et n’a plus jamais commenté mes sorties au cinéma avec un haussement d’épaules !
Quelques mois plus tard, au lycée, j’étudiais Elephant Man en cours d’anglais grâce à une enseignante qui allait s’avérer être auprès de moi un véritable "Go Between". Même si, comme Federico Fellini et Titta (le collégien du film Amarcord), j’étais plus adepte de l’école buissonnière que de certains cours soporifiques d’un corps enseignant respectueux de la tradition, j’avoue que certain e s professeur e s m’ont ouvert des perspectives grâce à des arrêts sur images de films que je n’aurais sans doute jamais découverts si je ne les avais rencontrés au lycée. Qu’ils en soient à jamais remerciés !
Ma mère habite toujours Feurs. Le Ciné-Théâtre et Le Familia n’existent plus et ont été remplacés par le Ciné-Feurs, un cinéma avec deux écrans qui a la particularité d’être piloté à 100 % par des bénévoles parmi lesquels a figuré longtemps ma mère, devenue entre temps cinéphile.
En faisant un jour une intervention au bas d’un de ces deux écrans après la projection d’un film dont j’avais assuré la photographie, je rencontre Isabelle Dumas, enseignante et formatrice académique cinéma. En dehors d’enseigner "L’éducation à l’image" auprès de collégiens et lycéens, Isabelle fait partie de l’association "Les ailes du désir" qui publie une revue par an, depuis 1994. Analyses et études approfondies de films sont convoquées à l’intérieur de cette revue ainsi que des contributions de professeurs enseignant le cinéma au lycée ou à l’université. On y trouve aussi des entretiens avec des artistes, des metteurs en scène, des techniciens du cinéma et de l’audio-visuel. Tous ces témoignages ont pour vocation d’être un lieu d’échanges et de réflexion afin d’offrir des ressources permettant d’interroger les enseignements du cinéma dans leur double dimension pratique et théorique.
Après avoir eu droit, moi aussi, à un long entretien avec Isabelle autour du métier de "Directeur de la photographie" *, et conscient que la culture subit actuellement de lourdes coupes budgétaires, Isabelle et moi avons alors imaginé d’autres passerelles entre collégiens, lycéens et professionnels du 7e Art...
Certaines initiatives ne sont-elles pas salutaires afin de ne cesser de rappeler combien l’éducation artistique et culturelle est essentielle à la formation des citoyens de demain ?
C’est ainsi que le projet "Un pro dans ta classe : le métier de directeur de la photographie" est né, fin 2024 !

Grâce à Isabelle, j’ai rencontré le Festival National du Film Scolaire (de Lyon) et avec le partenariat de l’AFC, nous avons permis, ensemble, à des élèves de la région lyonnaise de découvrir le métier de directeur et directrice de la photographie en allant au plus près de la nouvelle génération, sur place, au sein même de leurs lycées et de leurs collèges. L’idée était de mettre en lumière un métier en expliquant parfois ce qui se cache derrière une image.
Six directeurs et directrices de la photographie (Nathalie Durand, Éric Guichard, Patrick Duroux, Jean-François Hensgens, Michel Benjamin et moi-même) se sont engagés entre novembre 2024 et mars 2025 pour faire découvrir notre métier à des collégiens et lycéens dont certains réalisaient eux-mêmes, dans le cadre d’ateliers ou d’option cinéma, des courts métrages. En allant à la rencontre des élèves, nous avons eu un échange concret et vivant entre le monde de l’école et du cinéma.


« Certains élèves et rencontres ont profondément marqué les élèves. Beaucoup ont été fascinés par les explications techniques sur les choix de la lumière, les mouvements de caméra ou encore la composition des plans : des savoirs souvent invisibles pour les spectateurs, mais essentiels dans la construction d’un film. D’autres ont apprécié la disponibilité et l’écoute des directeurs de la photographie, impressionnés qu’ils prennent le temps de leur donner des conseils concrets pour leurs futurs tournages. Pour plusieurs élèves, ce fut aussi l’occasion de découvrir des parcours inspirants, faits de passion, de curiosité et de persévérance. Certains ont même confié que ces rencontres leur avaient donné confiance en eux et ouvert des perspectives pour envisager d’en faire un jour leur métier. » (Un professeur de français)


Ce projet n’aurait pas pu voir le jour sans l’implication de nombreux enseignant e s passionné e s qui portent au quotidien des projets culturels, initient les jeunes à l’analyse d’images, la création cinématographique, l’interrogation du réel à travers le prisme de la caméra.
N’est-ce pas grâce à des espaces d’éveil artistique et de réflexion critique comme celui-ci que des élèves comprennent aussi que le cinéma est un merveilleux outil d’expression, de transmission et de construction personnelle ?
Bien que la question du chiffre ne soit pas ce qui nous a animés de prime abord, force est de reconnaître qu’à travers les engagements de directeur rice s de la photographie, membres de l’AFC, et de professeurs, ce sont onze établissements de la région lyonnaise qui ont ouvert leurs portes à cette expérience : 11 lycées et collèges pour 12 interventions de 2 heures chacune.
Les collégiens en atelier cinéma
- Collège Aragon / Vénissieux (professeur Nicolas Billoud)
- Collège Michelet (Vénissieux) (professeur Yza Mouhib)
- Collège Dargent (Lyon 3e) (professeur Rodolphe Gueldry)
- Collège Alain (Saint Fons) (professeur Pauline Ogier)
- Collège Champagnat (Saint Symphorien / Coise) (professeur Isabelle Dumas-Richard)
Les lycéens en option ou spécialité cinéma
- Lycée Belmont-St Marc / Lyon (7e) (professeur Christian Fauvet-Messat)
- Lycée Lacassagne / Lyon (3e) (professeur Fabien Marsella)
- Lycée Champagnat /Saint Symphorien sur Coise (professeur de Franck Ville)
- Lycée Saint-Just / Lyon (5e) (professeurs Édith Madinier et Isabelle Bory)
- Lycée La Xavière / Lyon (8e) (professeur Myriam Ziani)
- Lycée Notre-Dame de Bel Air / Tarare (professeur Jérémie Baré)
Dans le contexte de réduction des moyens alloués à la culture, ce genre de projet n’est-il pas essentiel auprès d’une génération où les jeunes produisent et consomment des images en continu ?
N’est-il pas plus que jamais nécessaire de leur donner les clés pour les aider à comprendre, décrypter et surtout créer avec exigence et conscience des contenus qui se retrouveront sur la toile ou autres supports ?
Permettre aux élèves de dialoguer avec des professionnels, de poser des questions, d’observer leur démarche, n’est-ce pas leur ouvrir un champ des possibles et leur montrer que la culture leur appartient ?
Grâce aux soutiens financiers de la DRAC Auvergne Rhône-Alpes et de la cité éducative Vénissieux - Saint Fons, de l’investissement de forces vives au sein de l’AFC, du Festival National du Film Scolaire de Lyon et d’enseignant e s, ce projet a pu voir le jour et a démontré que lorsque l’école s’ouvre au monde professionnel, que la culture entre en classe, et que des artistes et techniciens prennent le temps de transmettre, alors l’éducation devient vivante et inspirante !
Afin de permettre à d’autres élèves de pouvoir faire aussi des rencontres en bas de grands écrans et de susciter peut-être de nouvelles vocations, nous réfléchissons actuellement comment un nouveau partenariat entre l’AFC et l’association des "Ailes du désir" ( Association Nationale des Enseignants et Partenaires des Classes Cinéma Audiovisuel) pourrait permettre de déployer une initiative à l’échelle nationale, plus particulièrement auprès des classes à option et spécialité cinéma.
Notre ambition sera de multiplier les rencontres entre élèves et directeurs de la photographie dans les établissements scolaires de tout le territoire... Ne serait-elle pas alors une belle manière de prolonger une dynamique et de renforcer les échanges culturels, entre pédagogie, création et transmission au milieu d’un temps où l’on semble construire plus de murs que de ponts ?
Gilles Porte, AFC
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* Télécharger ci-dessous le PDF de l’entretien avec Gilles Porte paru dans le n°31 de la revue "Cahier des ailes du désir"