Christine Albanel veut maintenir l’allocation provisoire des intermittents au-delà de 2007

par Clarisse Fabre

Le Monde, 28 juillet 2007

Comme si elle souhaitait prévenir un nouveau conflit, la ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, a décidé de faire un geste pour les intermittents du spectacle. « La ministre va militer pour que le système d’allocation provisoire soit prolongé au-delà de 2007.

C’est un signe d’apaisement en vue de la renégociation de l’assurance-chômage à la fin de l’année 2008 », a déclaré au Monde le directeur de cabinet de la ministre, Jean-François Ebert. Peut-être est-ce aussi un moyen de déminer une rentrée qui pourrait être difficile.
Entrée en vigueur le 1er avril, la réforme des annexes 8 et 10 de l’Unedic reconduit, moyennant quelques aménagements, le protocole de juin 2003 qui avait provoqué la " crise " des intermittents. Les artistes et les techniciens doivent toujours réaliser 507 heures en dix mois (techniciens) ou en dix mois et demi (artistes) pour avoir accès à l’assurance-chômage.
Surtout, le nouveau système met fin au fonds de l’Etat qui, depuis juillet 2004, permettait d’indemniser, pendant huit mois, ceux qui ne réussissaient pas à faire leurs heures dans le temps imparti, mais y parvenaient en douze mois. Au mois de février 2007, plus de 40 000 intermittents avaient pu bénéficier de ce fonds, pour un coût évalué à 220 millions d’euros.

Exclusions sèches
A la place, un système provisoire est prévu pour l’année 2007 : les intermittents exclus peuvent recevoir une allocation pendant trois mois, plafonnée à 45 euros. C’est cette mesure que la ministre souhaite prolonger. Car, à partir du 1er janvier 2008, un autre dispositif, moins avantageux, doit prendre le relais : une allocation spécifique de fin de droits, limitée à 30 euros par jour et d’une durée variable selon l’ancienneté.
Mme Albanel obtiendra-t-elle gain de cause ? Son prédécesseur, Renaud Donnedieu de Vabres, avait déjà tenté d’obtenir cet arbitrage lors des négociations. « La ministre veut éviter un nouvel accès de colère. Depuis le 1er avril, on n’a plus de statistiques sur la situation des intermittents. On a de bonnes raisons de croire que le nouveau système entraîne des exclusions sèches, sans rattrapage », souligne Jean Voirin, de la CGT-Spectacle. Les différents protagonistes feront " un point " sur la réforme à l’automne.
En attendant, les intermittents se sont montrés discrets. La situation au Festival d’Avignon est un bon indicateur : les habitués n’ont pas vu un climat aussi calme depuis 2003. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, s’en est même inquiété, lors de son passage à Avignon, les 17 et 18 juillet, alors qu’il participait à des débats sur la culture : « Cela doit être une préoccupation de constater que dans des démocraties, il y a des insatisfactions qui ne s’expriment plus », a-t-il déclaré.

Samuel Churin, de la Coordination des intermittents et précaires, temporise : « On n’a pas fait d’action médiatique. Mais plusieurs compagnies programmées ont pris les choses en main », dit-il. Ainsi, l’équipe du Roi Lear, qui jouait dans la Cour d’honneur jusqu’au 27 juillet, a distribué aux spectateurs une lettre dénonçant un texte dont « il n’est même pas sérieusement démontré qu’il réduise les coûts et fasse faire les économies nécessaires ».
Samuel Churin le confirme : « Un rien peut mettre le feu aux poudres », dit-il en rappelant que « 80 % des théâtres se sont mis en grève en mars 2006. Qui l’aurait dit, quinze jours plus tôt ? ».
(Clarisse Fabre, édition du journal Le Monde du 28 juillet 2007)