Disparition du chef opérateur et réalisateur hongrois Sándor Sára, HSC
Par Marc Salomon, membre consultant de l’AFCNé à Tura le 28 novembre 1933, géomètre de formation (comme le héros de La Pierre lancée, son premier long métrage en tant que réalisateur, en 1969), il étudie le cinéma à l’École supérieure d’art dramatique et cinématographique de Budapest de 1953 à 1957, sous l’égide de György Illés qui, bien des années plus tard, évoquera ainsi l’arrivée de Sándor Sára au concours d’entrée : « La plupart de mes étudiants étaient d’excellents photographes et, au fil des années, nous avons vu beaucoup de photos brillantes. Je me souviens qu’il y a des années, un jeune homme est arrivé de la campagne et nous a présenté la série de photos la plus fascinante. Il avait un esprit magique. Il s’appelait Sándor Sára. »
Il commence par filmer de nombreux documentaires pour la MAFILM tout en s’affirmant rapidement comme un des meilleurs opérateurs de la nouvelle génération hongroise avec János Kende, János Zsombolyai, Elemér Ragályi, János Tóth (décédé le 29 août 2019) *...
Sa carrière en longs métrages de fiction démarre en 1962 avec Asszony a telepen, d’Imre Fehér puis il enchaîne avec Remous, le premier film d’István Gaál, en 1963. Ils s’étaient connus à l’école de Budapest et Sándor Sára avait signé la photographie du premier court métrage du réalisateur en 1957 (Pályamunkások) ainsi qu’un documentaire, Oda-vissza, en 1962.
Dix mille soleils, de Ferenc Kósac, a été tourné entre 1965 et 1967 dans le format Agascope (procédé suédois) et en noir et blanc. Dans la grande tradition des opérateurs hongrois, formés à l’école de Budapest, Vilmos Zsigmond en tête, Sándor Sára nous épate par cette manière particulière d’unir personnages et paysages dans une réelle virtuosité du cadre, des mouvements, des longues focales et des zooms. Un style de mise en scène et de mise en images que résumait parfaitement Ferenc Kósa : « Chez nous, non seulement dans le film, mais aussi dans notre vie privée, jamais le paysage ne demeure indifférent, mais il exprime toujours quelque chose, surtout quand il entre dans une composition. »
Pour sa première réalisation, La Pierre lancée, Sándor Sára choisit un sujet à caractère autobiographique : Pásztor Balázs , fils de cheminot, se voit refuser l’entrée à l’école de cinéma de Budapest car son père a été condamné, à tort, pour faute professionnelle. Il suit alors une formation de géomètre avant d’être missionné dans la campagne hongroise afin de participer à la mise en chantier de la réforme agraire. Après voir été confronté à la réticence des paysans ainsi qu’à la violence des autorités, il finira par revenir vers le cinéma pour témoigner. Photographié en Scope noir et blanc par Sándor Sára lui-même, on y retrouve cette même osmose entre visages et paysages de la campagne hongroise dans une grande fluidité formelle.
Parmi les films marquants de Sándor Sára, à la fois réalisateur et chef opérateur, il faut encore citer 80 Hussards (1978), épopée historique sur fond de Révolution de 1848 : en territoire polonais sous domination autrichienne, une troupe de hussards hongrois décide de rentrer en Hongrie contre les ordres du commandement militaire supérieur.
On notera encore que Sándor Sára contribua à former János Kende, qui deviendra le chef opérateur de Miklós Jancsó à partir de 1968 (Silence et cri).
En 2018, Sándor Sára avait reçu le Grand Prix Kossuth, la plus prestigieuse des distinctions dans le domaine des arts et de la culture, remise par le président de la République de Hongrie, János Áder.
- Signalons que Remous (István Gaál), Dix mille soleils (Ferenc Kósa), Père (István Szabó), La Pierre lancée (Sándor Sára), Sindbad (Zoltán Huszárik) et 25 rue des sapeurs (István Szabó) sont disponibles en DVD chez Potemkine.
- Lire les propos de Sándor Sára sur le site “ardècheimages”, propos recueillis et traduits en 2014 par Dario Marchiori et Judit Pintér.