Dominique par Jean-Patrick Lebel

par Dominique Chapuis La Lettre AFC n°105

Je n’arrive pas à effacer ton nom dans le répertoire de mon mobile. Quand je fais défiler les numéros, je vois Dom Chap et je pense à toi. Je t’appelais « Cha-puits de science », parce que j’avais l’impression que tu savais tout sur tout. Mais ce n’était pas un savoir imbu de lui-même, c’était un savoir ouvert, généreux, curieux, qui voulait embrasser le monde à belles dents. Cette générosité éclairée et éclairante que l’on retrouvait sur les tournages, où tu donnais tout au film, aux réalisateurs. Avec cette délicatesse un peu bourrue qui te portait vers les premiers films, en particulier les films de femmes. Ce pourquoi nous t’avions surnommé par plaisanterie, Christiane et moi, l’opérateur de ces dames.
Quand nous nous sommes connus, nous étions tous les deux assistants dans nos branches respectives. Quand nous nous sommes retrouvés, tu étais devenu " chef " et moi j’étais parti faire ce que je m’entêtais à appeler du cinéma en banlieue. Nous avons fait des films ensemble en U-matic, en Hi-8, en Beta, en DV, en 16 mm et même, un peu, en 35 mm. Tout le temps tu y mettais ce soin attentif, ce goût de la belle ouvrage, ce talent et cette inventivité. Quand nous avons écrit ensemble le scénario de Tableaux intimes sur le passage de la cinquantaine, nous n’imaginions pas que ce passage pouvait être mortel. Malgré notre admiration commune pour les mêmes cinéastes, nous n’avons jamais pensé que le cinéma c’était la mort au travail, mais bien, plutôt, la vie au travail vingt-quatre fois par seconde. Dominique, tu resteras toujours présent sur l’écran de ma mémoire.