Entretien avec François Reumont et Henrik Moseid à propos d’exposition photo et de rétroéclairage à LEDs
Par Jean-Noël Ferragut, AFC" Lumières du Nord ", qui se tient à l’espace " showroom " de Softlights jusqu’au début du mois de mai, est-ce ta première exposition ?
François Reumont : Oui et non. Non parce que j’avais déjà participé, il y a trois ans maintenant, à une exposition commune avec Pauline Pallier, une amie photographe. Cette exposition ne durait qu’une seule journée, et n’avait ni l’ampleur ni les moyens de celle-ci. Cette fois-ci, je peux dire que c’est ma première exposition en tant que photographe, avec douze tirages rétroéclairés.
Comment as-tu eu l’idée de ce thème de la lumière du Nord et as-tu pris ces photographie en pensant les exposer un jour ?
FR : Je suis parti par le train pendant un mois en Scandinavie en août 2012. Le projet était en lui même assez physique, sac au dos, dans des conditions de trek, avec le choix radical d’une chambre Toyo 4x5 pouces, de deux optiques, un 90 et un 180 mm, et de leurs accessoires. Ce qui représente à peu près cinq kilos, même si j’avais réduit ce matériel au strict minimum.
J’avais l’intention de faire une série de photos en essayant de capter les ambiances lumineuses nordiques mais sans sujet précis… Par contre, je savais déjà que je voulais faire des grands tirages et que j’allais les rétroéclairer. Cette technique existait chez Softlights et comme Henrik souhaitait développer cette activité dans le cadre de sa société, je me suis dit que c’était le moment idéal pour essayer de profiter de l’espace pour montrer à la fois les œuvres et ce qu’on peut faire aussi en termes de technologie.
En quoi consiste au juste le rétroéclairage en photographie ?
Henrik Moseid : La conception de caissons lumineux éclairés par derrière soulève des questions purement techniques mais aussi financières. Les caissons lumineux sont beaucoup plus chers qu’un éclairage normal pour diverses raisons. Il y a d’abord la partie lumière qui a un coût, ensuite le traitement de l’image lui-même qui est différent, et enfin la manière dont on arrive à protéger l’image par l’avant. Est-ce qu’on met du verre, est-ce qu’on utilise un tirage déjà protégé sous plexiglas Diasec par exemple. Il y a des techniques différentes mais aucune n’est répertoriée et il n’existe aucun procédé préétabli.
Ici en France, deux sociétés fabriquent des caissons lumineux, disons plutôt artistiques, mais elles le font de façon extrêmement simplifiée. Notre démarche est plus personnalisée vis-à-vis des artistes : c’est une démarche sur la lumière et aussi sur une certaine interprétation des images. On joue également un rôle de conseiller pour déterminer avec eux le cadre à l’intérieur duquel on va pouvoir travailler ensemble.
Dans le monde de l’art, ça fonctionne de manière un peu particulière. En général, ce ne sont pas les artistes qui financent la présentation de leurs œuvres, c’est plutôt une commande qui vient d’une galerie. On est donc aussi dans une problématique de prix, on doit décider à l’avance combien ça va coûter et, pour quelque chose qui est fait sur mesure, ça se peut s’avérer un peu compliqué.
Pour cette expo-ci, j’avais trouvé un profilé en bois avec lequel on pouvait fabriquer des cadres en évitant ainsi d’avoir à sous-traiter la tôlerie. Ce qui était une manière de diminuer le coût et en plus de pouvoir être parfaitement autonome vis-à-vis de leur fabrication. En même temps, l’expo de François permettait de voir un peu les limites de la taille d’un cadre en bois et par ailleurs d’augmenter un peu la palette de ce qu’il est possible de faire, c’est-à-dire du bois d’un côté, rétroéclairé, ou du métal de l’autre. Il faut dire que du côté du contenant lui-même, ça fonctionne plutôt bien. Et ça peut donner aussi des idées à d’autres artistes photographes de faire des cadres de manière différente.
Depuis quand t’es-tu lancé dans la fabrication de caissons lumineux ?
HM : Je me suis mis à en fabriquer de manière disons professionnelle, c’est-à-dire au sens où l’on gagne de l’argent en les faisant, pour la galerie Baudoin Lebon, une galerie spécialisée dans la photographie. C’était en 2009, pour la première. Avant cela, je considère que c’était plutôt du bricolage.
Avant d’expliquer comment vous avez travaillé ensemble, parle-nous rapidement de ton travail sur les images de l’artiste chinois Yang Yongliang qui expose en ce moment à la galerie Paris-Beijing.
HM : Avec mon complice Alain Freville, on a dessiné pour l’occasion un cadre métallique qu’on a fait fabriquer par notre tôlier habituel. On est passé de l’aluminium à l’acier, dans le but d’obtenir un cadre qui soit le plus grand , le moins profond et le plus solide possible. Pour la galerie Paris-Beijing, ce sont des cadres qui font 1,40 m par 1,40 m, ce qui fait pratiquement deux mètres carrés, C’est du volume et ça devient assez grand ! Le rétroéclairage est fait avec des LEDs très puissantes et de façon très uniforme, c’est en tout cas ce qu’on nous avait demandé.
Pour ces caissons-là, on a utilisé de l’acier un petit peu particulier car il fallait avoir des rebords aussi fins que possible, on a finalement un rebord qui ne recouvre l’image que sur 12 mm seulement, ce qui a été très apprécié.
Mais nous avons toutes sortes de demandes, des caissons encore plus grands et d’autres beaucoup plus petits, mais on tourne toujours autour de ce même type de technologie.
Il nous arrive aussi de faire des choses assez différentes. Par exemple, un nouveau client s’est manifesté pour une expo à Marseille, ce n’est pas de la photographie mais c’est une artiste qui a fait couler de la cire sur des panneaux de résine et il est prévu également de les rétroéclairer, ce qui fonctionne parfaitement bien. On a aussi conçu d’autres caissons lumineux pour un événement à Abou-Dhabi.
La première impression que l’on a en regardant ces photographies rétroéclairées, c’est que la luminosité qui s’en dégage semble parfaitement étalée et répartie. Peux-tu nous parler de ce que vous avez mis en œuvre ?
HM : C’est un peu comme chez ma marchande de fruits et légumes, c’est un étal de lumière… [Rires]
FR : Il y a eu trois grandes étapes. Le premier défi technique se situe au niveau du tirage des photos. Là, et c’est particulier à cette expo – chaque photographe ou chaque artiste ayant ses propres contraintes –, sachant que les photos étaient faites à la chambre, il fallait bien sûr les scanner pour aboutir à des tirages qui pouvaient aller jusqu’à 1,2 m – le plus grand tirage fait 1,20 x 1 m. On a fait pas mal d’essais, on est allé dans presque tous les labos parisiens, en tout cas ceux qui sont abordables au niveau du prix.
Finalement, on a abouti à la solution de tirer numériquement sur du " papier " film Kodak Translucent, avec développement chimique chez Picto. Outre la garantie du support photo (75 ans minimum pour les tirages), il a l’avantage d’offrir un système de tirage en ligne particulièrement économique, ce qui fait que finalement le tirage revient à un prix abordable pour une expo qui est autofinancée.
Peux-tu préciser ce que c’est, un tirage en ligne ?
FR : On envoie le fichier en ligne sur Internet et on reçoit le tirage directement, il n’y a aucune intervention humaine, entre guillemets, ce qui permet de diminuer les coûts. Au contraire du tirage classique qui existe aussi chez Picto, où là, on va voir sur place, on dépose le fichier, on discute avec le tireur, etc. Il faut nécessairement avoir un écran calibré et faire quelques essais auparavant en format réduit...
Le deuxième point, c’était de trouver techniquement comment faire l’encadrement – Henrik disait toute à l’heure qu’il y a plusieurs méthodes. Nous avons choisi la solution en sandwich avec un verre antireflet en première façade, le tirage au milieu et une plaque de plexiglas dépoli derrière pour diffuser la lumière. Là également, on a fait quelques essais, quelques recherches. Le verre antireflet permet d’avoir une bonne vision même quand il y a de la lumière ambiante.
Comme l’image est collée au verre, qu’il n’y a pas de distance entre lui et le tirage, on peut considérer qu’il est dans le plan de focalisation du verre, on ne voit quasiment pas la différence. De plus, comme il n’y a que peu de reflets, on peut considérer aussi que les noirs sont plus profonds qu’avec du verre clair.
La dernière chose, c’était d’éclairer avec des LEDs, et c’est là la particularité de cette expo parce que j’ai décidé de ne pas éclairer uniformément chaque image. Au contraire, la démarche était de faire un éclairage par zones qui permette de retrouver la sensation de lumière que j’avais eue à la prise de vue. C’est vraiment une démarche qui s’apparente à celle de l’étalonnage film où on fait une prise de vues et on rectifie au final pour être au plus proche de ce que l’on a imaginé.
Cela fait penser aussi au tirage à l’agrandisseur, à la manière dont les tireurs travaillent en exposant plus longtemps certaines zones pour les rééclaircir ou en en masquant d’autres pour éventuellement les densifier.
FR : On retrouve vraiment cette sensation où, une fois que l’on a récupéré le tirage transparent, on le place dans le cadre, il est pris en sandwich, on l’a dépoussiéré – ça, je passe là-dessus, c’est un cauchemar tellement ça prend de temps [rires] pour des tirages de 1,2 m. Une fois avoir fait ça, on attaque la partie vraiment de recréation de la lumière et c’est là où ça devient passionnant parce qu’en fonction de l’endroit où l’on place les LEDs, de leur couleur, on va recréer une sensation de lumière qui est pour moi impossible à réaliser en tirage classique éclairé par devant.
Cette synthèse additive des couleurs fait que non seulement on peut avoir un contraste énorme entre les hautes lumières et le noir – sans avoir à décoller les noirs, justement – mais aussi cette sensation de pureté de lumière qui est liée en fait à ce phénomène additif.
En tout cas, pas mal d’opérateurs sont venus voir l’expo lors du vernissage et j’en ai discuté notamment avec certains qui étaient fascinés par cette sensation.
Dans la pratique, c’est toi qui place les LEDS aux endroits que tu souhaites ?
FR : Oui, pour cette expo, c’est partie intégrante du processus de création. C’est vrai qu’on pourrait demander à un " tireur "..., enfin je ne sais pas comment on pourrait l’appeler, un " éclaireur de tirage ", de le faire… Je pense que personne ne le fait pour l’instant parce que c’est vraiment une démarche que je n’ai vue nulle part ailleurs.
Une démarche expérimentale ?
FR : Je fréquente beaucoup les manifestations et les expositions... Des œuvres unitaires rétroéclairées, il y en a quelques-unes, et presque toujours de façon uniforme. De ce point de vue-là, je pense que faire une expo entièrement rétroéclairée non uniforme, c’est une démarche unique.
Quand tu dis uniforme, c’est parce que cela te paraît uniforme.
FR : On le voit en général sur l’œuvre parce que les noirs sont souvent décollés et la lumière est partout la même. La sensation de profondeur est à mon sens différente. Mais ça dépend beaucoup des photos exposées et de la démarche de chaque artiste.
Comment as-tu travaillé, par tâtonnements, en positionnant les LEDs et en prenant du recul ?
FR : J’ai commencé par le plus dur, le plus grand format sur lequel j’ai passé une semaine quasiment à trouver le bon choix de LEDs... [Photo ci-dessus] Sur 1,2 m de base, le nombre de LEDs augmente de façon exponentielle pour assurer un éclairage uniforme dans les zones qui le nécessitent. Ensuite vient l’expérience et ça devient plus simple. Maintenant, il me faut peut-être trois heures pour illuminer un tirage 30x40.
Chaque tirage a sa combinaison, on peut à la fois rassembler les LEDs ou les écarter, on peut mélanger les températures de couleur. Dans certains tirages, j’ai trois températures de couleur de LED différentes, qui s’apparentent grosso modo à du 5 500, du 4 000 et du 3 200 K.
On peut doser en fonction des effets que l’on veut faire. Tout ça en se basant sur cette mémoire visuelle de l’image. C’est vrai que beaucoup de gens me disent : « Mais comment, tu te souviens encore de ça ? » Quand on travaille à la chambre, on fait peu de photos (j’avais emporté 60 plans films pour 30 jours, soit deux photos par jour en moyenne) et chaque photo prend en général un quart d’heure ou une demi-heure à faire, on a le temps de se souvenir de ce qu’on a pris.
Raymond Depardon, dans son livre-projet La France, dit quelque chose de très juste à ce sujet : « La chambre posée sur son trépied, tel un chevalet, c’est le fondement même de l’acte photographique ». J’ai retrouvé sur ce projet exactement cette sensation de peintre de la lumière.
Et pour les fonds de ciel clairs, est-ce la même configuration de LEDs ?
FR : Une autre technique consiste à éclairer par la tranche. Les LEDs sont fixées sur la tranche supérieure du bois. Elles éclairent en tapant sur le tirage de façon rasante et aussi dégradée, comme ça on retrouve exactement la direction de la lumière du ciel sans que cela n’ait trop d’influence sur le reste de la photo. On peut aussi utiliser des plaques de plexiglas avec un maillage de LEDs à l’intérieur, fixées sur la tranche, ce qui permet d’avoir une uniformité de lumière sur l’ensemble de la plaque.
Jusqu’à présent, vous avez parlé de l’aspect artistique du rétroéclairage mais d’un point de vue plus technique, quels types de LEDs employez-vous, y a-t-il plusieurs fabricants, ont-elles des qualités diverses et variées, où en est-on des problèmes de colorimétrie ?
HM : Il y a énormément de fabricants. En fait, il y a maintenant un grand marché industriel de rétroéclairage dans le domaine des panneaux pour les enseignes. Il existe toute une gamme de matériel chez plusieurs types de fabricants et personnellement, j’utilise principalement des LEDs de la marque Tridonic (1) pour diverses raisons.
La LED elle-même donne une lumière blanche. En fait, c’est une LED bleue, filtrée à l’avant avec du phosphore, d’une longueur d’onde bleue de 430 nm pour être précis, et toutes les autres couleurs proviennent du filtrage de cette LED bleue.
Ce qui fait que dans la lumière émise par une LED dite " lumière du jour ", qui fait 6 500 K en architecture – il y aura plus de bleu que de rouge... Sur les LEDS lumière naturelle 4 000 K, il y a un plus grand équilibre entre le rouge et le bleu de la LED. En ce qui concerne les LEDs plus chaudes, style, en kelvin, 2 800 ou 3 000 K, on a tendance à partir dans du jaune un peu bizarre parce qu’il y a aussi du vert, donc vert et rouge avec un peu moins de bleu dedans.
Si l’on veut faire une lumière disons " naturelle ", on peut très bien mélanger les couleurs de différents types de LED, on peut travailler sur du 4 000 K, avec un peu de LEDs à 6 500, d’autres à 3 000, etc.
Par ailleurs, une LED est un composant électronique, elle a besoin de son propre voltage, qui se situe en général aux alentours de 2 à 3 volts, et d’un ampérage bien défini, et, de ce fait, s’il y a des petites variations dans le couple d’énergie voltage-ampérage, on n’obtient pas le même blanc. Si l’on prend un rouleau basique de LEDs, il est alimenté en 12 V, chaque LED est entre 2 et 3 V, donc , on va mettre des modules de quatre LEDs ensemble pour adapter au voltage. De plus, une diode, une fois allumée, change de caractéristique selon qu’elle est chaude ou froide, et, en plus de ces variables internes, avec le temps, elle change de couleur. Et ça peut même aller relativement vite si la LED n’est pas de très bonne qualité. Pour des tirages noir et blanc par exemple, on va très vite voir s’il y a des dominantes et ce n’est pas bon.
Les LEDs de bonne qualité que j’utilise ont une régulation de l’intensité du courant et du voltage sur chaque élément... De cette manière, dans chaque gamme, on a la même couleur pendant toute la durée de vie de la LED. Il y a relativement peu de fabricants qui intègrent cette régulation du courant sur les LEDs elles-mêmes. Ça offre une garantie d’au moins cinq ans sur la colorimétrie des LEDs. C’est la même philosophie que celle d’Howard Preston : « On est trop petit pour s’occuper du service après-vente, donc on préfère mettre des composants haut de gamme ! »
Ce sont des LEDs que l’on pourrait utiliser pour fabriquer des projecteurs ?
HM : Sur les caissons lumineux, on n’a pas la même qualité que pour les LEDs dont on se sert pour éclairer les visages par exemple. Dans l’absolu, on aurait les mêmes besoins de qualité mais comme il s’agit de rétroéclairage, on est dans le domaine de la relativité. Un caisson lumineux n’est pas destiné à être filmé ou pris en photo mais comme on se base sur une certaine subjectivité du regard, on aura tendance à être un peu plus souple que pour un appareil à LEDs destiné à éclairer quelque chose devant une caméra.
Par exemple sur la définition de l’IRC, ou indice de rendu des couleurs, c’est un terme qu’on utilise à propos des LEDs quand on parle de qualité par rapport à l’œil humain, donc une interprétation subjective de la couleur. C’est à mon sens complètement inexact de vouloir l’utiliser au sujet d’une caméra qui, elle, ne va pas interpréter des couleurs mais va enregistrer sur un capteur de la lumière et certaines couleurs et ensuite fabriquer une image.
Sauf que si l’on prend la lumière d’un tube fluorescent, qui est une source pour laquelle on a l’habitude de lier la qualité des couleurs obtenues avec son IRC, on sait par expérience que plus cet IRC tend vers l’indice maximum 100, plus les couleurs seront fidèles à la réalité. Et moins on aura de risque de récupérer de dominantes, du vert par exemple, et meilleure sera la prise de vues, on dépasse là le domaine de la subjectivité.
HM : Effectivement, mais ce n’est pas de savoir si l’on aura moins de vert, c’est plus une question de définition de couleurs à l’intérieur de la LED. C’est-à-dire que c’est une manière d’associer un terme technique vers la prise de vues alors qu’à la base, c’est un terme d’appréciation des couleurs qui appartient uniquement au monde architectural.
Personnellement, je n’utilise jamais l’IRC en termes de définition de la qualité d’un tube parce qu’il ne donne aucune information sur les caractéristiques chromatiques de la source elle-même. On peut tout simplement l’employer pour mieux définir l’aspect décoratif des couleurs.
Par contre, là où l’on peut avoir confiance, concernant la définition des qualités chromatiques d’une source par rapport à une autre, et c’est la seule chose véritablement fiable, c’est de faire une spectrographie. On ne regarde que les longueurs d’onde présentes dans la source et là, on peut voir exactement ce qui va être restitué. Que ce soit pour les LEDs ou en fluorescence, on est en quelque sorte dans le même type de combat !
C’est très différent de la température de couleur, qui est quelque chose que l’on peut évaluer avec un appareil de mesure type Minolta. L’IRC n’est pas un calcul, c’est une procédure de constatations qui sont faites par un panel d’observateurs sur une gamme de couleurs et dans des cultures différentes. Le but final étant l’appréciation subjective de ce que l’on voit.
Par ailleurs, ce que je trouve assez intéressant, c’est l’analogie que tu as faite avec le tireur qui, avec son agrandisseur, son éclairage, généralement en halogène, expose un papier photo. Il va masquer alors que là, au lieu de masquer, on va rajouter quelque chose, c’est vraiment un processus additif et non pas soustractif qui fait qu’on ajoute de la lumière et c’est vraiment très différent de mettre de la lumière plutôt que d’en enlever.
Dans cette image de sous-bois que François a faite, il y a des LEDs plus chaudes style 3 200 K pour la partie ensoleillée, et là où le ciel est plus blanc, les LEDs sont moins rouges, donc il y a plus de bleu par rapport au centre et au reste de l’image.
Et là où sont ces sortes de rails de travelling, ça paraît très bleu, en tout cas beaucoup plus froid.
FR : En fait, ce sont des LEDs neutres. Mais il y a une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est la couleur du tirage lui-même. En fait, le rétroéclairage est un mélange de plusieurs de paramètres, à la fois la couleur de la LED, la couleur du tirage, etc. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le premier obstacle technique consiste à savoir sur quel support on fabrique les tirages.
On en a essayé plusieurs... Mais trop souvent, comme sur les tirages jet d’encre destinés au rétroéclairage, une dominante jaune apparaît sur un tirage noir et blanc neutre. Le respect de cette transparence et de la neutralité du support est particulièrement important.
Une autre chose importante, c’est que je n’ai pas réétalonné mes clichés numérisés en fonction de l’éclairage des LEDs... J’ai fait un étalonnage sur mon écran calibré, et après, j’ai retravaillé avec les LEDs en m’adaptant au tirage. Il y a un moment où il faut se fixer des paramètres parce que si on commence à jouer sur toutes les variables, on ne s’en sort plus.
HM : Je voudrais aussi aborder un aspect un peu particulier mais qui peut être très intéressant. Parfois les artistes souhaitent avoir un seul exemplaire de leur œuvre, c’est quelque chose de vraiment unique. S’ils demandent une lumière plutôt homogène, c’est souvent par souci de reproduction dans le cas où il faudrait plusieurs exemplaires.
Même pour des images comme celles de François qui ne sont pas du tout homogènes, dans le sens où elles sont éclairées par derrière de manière uniforme, on peut toutes les reproduire, chaque caisson ayant ses propres caractéristiques. Tout y est répertorié : l’image, le tirage, les LEDs, quelle qualité, l’endroit où elles sont fixées, quel est leur ampérage, etc. C’est à la fois une pièce unique mais on peut également la reproduire.
Ensuite se pose le problème de la sécurité électrique du matériel. Quand on livre des caissons lumineux à une galerie, on pose dessus un certificat qui le considère aussi comme un luminaire. Ils sont en basse tension – ils sont tous ici en 12 V, le transfo étant à l’extérieur. Les caissons beaucoup plus grands sont, eux, alimentés en 220 V, c’est un peu différent.
Ce sont quand même des éléments électriques et chez bien d’autres fabricants de ce type de caissons, cette partie purement technique de contrôle qualité est complètement ignorée. Ça prend évidemment du temps mais on y passe celui nécessaire pour qu’ils soient conformes.
Bien souvent, on n’a pas la moindre idée de leur destination. Qu’ils partent en Amérique, au Japon ou en Chine, on n’en sait rien.
Pour finir, une différence notable également, et c’est un point intéressant, c’est par rapport à la vision même de la chose, quand un galeriste vend une photo, il vend une photo, pas forcément son cadre. Un caisson lumineux, c’est un tout. L’image appartient à son caisson, ça devient un tout, un objet unique. Quand une cliente, qui est vidéographe, vous demande par exemple un caisson lumineux pour son expo à Abou-Dhabi, je reviens à ce genre de chose parce que, dans le monde institutionnel de l’art, c’est un objet qu’on échange contre de l’argent. On s’inscrit vraiment dans une production d’œuvre d’art, et, évidemment, sa finition doit être absolument irréprochable.
(Propos recueillis en avril 2013 par Jean-Noël Ferragut, AFC)
Exposition " Lumières du Nord "
Espace " showroom " de Soflights
25, rue de Château-Landon – Paris 10e
Jusqu’au vendredi 10 mai 2013