Guermantes

Début juillet 2020, Christophe Honoré m’appelle pour me demander si je veux bien l’accompagner sur une expérience particulière entre cinéma, théâtre et documentaire. Il a un théâtre disponible, le Marigny, une troupe composée de comédiens du Français, une pièce de théâtre, Guermantes, de Proust, des costumes et 10 jours de disponibilité de l’ensemble.

La Comédie Française et France 2 lui ont proposé de tourner un film autour de cette pièce, qui devait se jouer en avril mais qui a été repoussée pour cause de pandémie : un "empêchement" de taille qui rend triste et malheureux l’ensemble des protagonistes. La perspective de représentations s’éloignant, Christophe a rebondi sur ce contretemps et me propose de filmer cette expérience d’"empêchement" et non de renonciation pour garder en mémoire le long travail de répétition et cette frustration de non jouer. Une sorte de « L’état des choses » dont on ne maîtrise pas les éléments.

Un chef électricien, un "focus puller", un second et un chef opérateur de son... et nous voilà partis dans le théâtre Marigny pour 10 jours de "shoot" entre 15h et 23h. Pas de scénario, pas de situation écrite, pas de document de travail : on filme comme on ressent cette attente, ce questionnement, ces doutes qui habitent tous ces comédiens-personnages. On navigue entre réel et onirisme, entre fiction et documentaire. Filmer l’attente, le doute de la représentation… On arrive aux portes des questionnements personnels, on se fâche entre personnages avec toujours un mot, une phrase de Christophe pour débuter la journée et lancer une intention, une émotion. Proust est toujours présent, dans les couloirs, la nuit le jour, en backstage, … les couples se forment, l’histoire avance.
10 jours plus tard, un film est né… Il faut le monter…Christophe et sa monteuse, Chantal Hymans, vont merveilleusement inventer l’histoire de ce renoncement de jeu, malgré les acteurs prêts à tout moment à repartir, à faire vivre la salle de spectacle.

Une partie de la troupe du Français - Photo Rémy Chevrin
Une partie de la troupe du Français
Photo Rémy Chevrin

Cela a été une de mes expériences de cinéma la plus enrichissante, la plus envoutante, la plus incontrôlable mais la plus passionnante. Moi-même acteur au milieu des acteurs, sans connaitre un mot ou un déplacement qui allait se produire dans ce beau théâtre et ses alentours (la Concorde, le Ritz et un appartement), j’ai beaucoup marché, caméra à l’épaule, à voir mais surtout écouter pour guider mon regard.
Merci à Pierre Chevrin, mon frère et valeureux "focus puller", qui a fait des merveilles ainsi qu’à son assistante, Carmela Duport.
Merci à David Kremer, chef électricien.
Merci à Jacky Lefresne, étalonneur.
Super merci à la troupe du Français et ses acteurs exceptionnels que j’ai eu le plaisir de côtoyer.
Et un grand merci à Christophe de m’avoir fait confiance et proposé de l’accompagner sur ces terres inconnues.
Sortie du film le 29 septembre dans les salles et ensuite sur France 2.

Nota bene
« Et les gens vont dire
Que dans un lointain avenir
On saura discerner
Le faux et le vrai

Que le faux disparaîtra
Alors qu’il est au pouvoir,
Que le vrai adviendra
Alors qu’il est au mouroir. » (1938)
Odon von Horvath, dramaturge et écrivain de langue allemande, né en 1901, mort le premier juin 1938 face au théâtre Marigny, tué par une branche de marronnier arrachée par la tempête.

Portfolio

Équipe

Premier assistant opérateur : Pierre Chevrin
Deuxième assistante opératrice : Carmela Duport
Chef électricien : David Kremer

Technique

Matériel caméra, lumière et machinerie : TSF Caméra (Arri Alexa Mini, zoom Angénieux Optimo) - TSF Lumière - TSF Grip
Postproduction : Mikros
Étalonneur : Jacky Lefresne

synopsis

Paris, été 2020. Une troupe répète une pièce d’après Marcel Proust. Quand on lui annonce soudain que le spectacle est annulé, elle choisit de continuer à jouer malgré tout, pour la beauté, la douceur et le plaisir de rester ensemble.