La Mer à boire

J’ai rencontré Jacques Maillot il y a plus de 15 ans, dans une chambre de bonne. C’était à l’occasion de son moyen métrage 75 cl de prières, dont la postproduction était bloquée faute de moyens. Je possédais un Protools et je lui avais proposé de faire le montage son et le mixage du film. A l’époque, cette technique en était à ses balbutiements. C’était encore une usine à gaz qui ne permettait de relire que 4 pistes simultanément... Mais Jacques m’a tout de suite fait confiance. C’est ça qu’il y a de bien chez lui, il fait confiance. Une confiance toute réciproque qui a marqué le début de notre collaboration.
Sur le tournage de "La Mer à boire" - De gauche à droite, Jacques Maillot (réalisateur), Christian Metz (chef machino), Luc Pagès, AFC, Olivier Grandjean (1<sup class="typo_exposants">er</sup> assistant son), Patrick Renault (électro), Alexandra Denis (1ére assistante réal), Daniel Auteuil, Laurent Aube (skipper), Marc Quenum ("Camara"), Janicke Askevold ("Top modèle")
Sur le tournage de "La Mer à boire"
De gauche à droite, Jacques Maillot (réalisateur), Christian Metz (chef machino), Luc Pagès, AFC, Olivier Grandjean (1er assistant son), Patrick Renault (électro), Alexandra Denis (1ére assistante réal), Daniel Auteuil, Laurent Aube (skipper), Marc Quenum ("Camara"), Janicke Askevold ("Top modèle")

La Mer à boire est le cinquième film que nous faisons ensemble et nous avons pris des habitudes de travail : très peu de machinerie, une caméra essentiellement à l’épaule, très mobile, qui suit discrètement les comédiens dans tous leurs déplacements. Cette façon de faire nous paraît si naturelle que Jacques s’est posé la question de savoir s’il ne fallait pas la remettre en question pour ce nouveau tournage.
Comme il s’agissait d’une histoire autour d’un chantier naval qui fabrique des yachts de plaisance, Jacques se demandait s’il serait pertinent d’aller vers une image plus clinquante, qui restituerait mieux l’univers de luxe associé à cette fabrication : des mouvements de caméra plus stables, une lumière plus " publicitaire ". On a finalement décidé d’utiliser la grue pour des scènes spécifiques, sans toutefois abandonner complètement notre façon de faire habituelle. Ce qui a pu donner des plans hybrides assez jouissifs comme celui qui ouvre le film. La caméra, tenue avec l’Easy Rig, suit Daniel Auteuil qui se déplace dans les bureaux, puis monte sur la grue, toujours avec l’Easy Rig, pour le suivre à travers le chantier naval.

Depuis le tournage des Liens du sang, j’utilise beaucoup l’Easy Rig comme support principal de la caméra. C’est un bon compromis entre Steadicam et caméra portée. Il permet des mouvements fluides et nerveux, même quand on allonge les focales. En remplaçant l’œilleton par un petit moniteur fixé à la caméra, on peut la prendre à bras le corps, suspendue à son fil. Cela permet les recadrages latéraux en douceur, mais aussi des mouvements verticaux pour toujours placer le regard de l’objectif là où il semble le plus juste, sans être limité par les postures qu’exige notre hauteur d’épaule ou notre placement de tête contre l’œilleton.
Fixée à une des poignées bleues, une commande Heden me permet de jouer avec le diaph au cours des prises, que je contrôle en direct grâce à la courbe du signal inscrite en permanence sur le moniteur. Cela facilite les interactions entre le cadre et la lumière d’une manière presque intuitive.

Entre les fausses coques de bateaux à faire fabriquer, les vrais bateaux à louer et à transporter sur le décor, le film finissait par coûter cher. Il a fallu trouver un dispositif économique et souple pour éclairer le grand espace du chantier naval. On a opté pour l’utilisation de l’éclairage industriel du hangar venant du plafond, en changeant les lampes, alternant des rangées chaudes et froides pour donner ce mélange caractéristique du jour et du sodium. Le tout était renforcé par quatre Alpha4 de K5600 accrochés aux échafaudages à vue (mais mobiles...) de la déco, plus deux Gaffair 1 200 W d’Airstar sur pied, facilement déplaçables, pour arrondir les faces.

C’était la première fois que je travaillais avec l’Arri Alexa. Cette caméra m’a tout de suite séduit, car j’avais l’impression qu’avec elle je pouvais travailler l’image numérique comme j’avais l’habitude de le faire en argentique, en surexposant légèrement pour obtenir un négatif bien " plein ". J’ai voulu une image contrastée, mais avec des blancs qui diffusent légèrement, pour donner ce que j’appelle du " mœlleux " à l’image. Je n’aime pas trop diffuser à la prise de vues, en partie à cause des risques de double image et d’artefacts discrets que je trouve toujours délicats et ennuyeux à gérer et qui apparaissent toujours au plus mauvais moment.
Comme nous sommes à l’ère du numérique j’ai opté pour un filtre numérique à l’étalonnage. Cette possibilité n’existait pas encore sur le Colorus d’Eclair, mais cette lacune est maintenant brillamment réparée grâce au filtre qui a été a mis au point spécialement pour ce film et qui marche bien.

Équipe

1er assistante opérateur : Mathilde Cathelin
2e assistant opérateur : Matthieu Agius
Retour vidéo : Heidi Benoist
Data manageur : David Goudier
Photographe de plateau : Jessica Forde
Chef électro : Patrick Rebatel
Chef machino : Christian Metz

Technique

Matériel caméra : TSF Caméra (Arri Alexa, optiques série Ultra Prime)
Matériel machinerie : TSF Grip
Matériel électrique : Ciné Lumières de Paris
Laboratoire : Eclair
Etalonnage numérique et argentique : Bruno Patin
Développement du filtre numérique sur Colorus : Nelsy Zami
Effets spéciaux numériques : Def2shoot et Dame Blanche