La Môme


Le film terminé, on a toujours une impression étrange… On se demande : « Aurais-je mieux fait en faisant ceci et cela ? »
On y trouve toujours des passages à améliorer… Mais, avec le recul, j’ai le sentiment que ce film va dans le bon sens de l’histoire. Il y a de l’humanité et de la sincérité, c’est une sorte de voyage émotionnel, un authentique film d’auteur et non pas un docu-drama.
Le processus de préparation au tournage a été assez complexe et laborieux.
Il fallait traverser plusieurs époques de la vie d’Edith Piaf : de l’enfance à l’âge d’or, ainsi que la fin de sa vie, au cours de laquelle plusieurs grands événements historiques se sont succédé. On les ressent dans l’histoire, mais ils ne priment pas sur l’image de Piaf qui est indéniablement la quintessence de l’artiste.
Des nuances de tons démarquent les différents passages de sa vie : l’enfance, au bordel, avec des couleurs délavées proches de la peinture, l’âge d’or aux couleurs flamboyantes. J’ai eu une intense collaboration avec Olivier Raoux, chef décorateur, qui m’a soutenu artistiquement et au sens pratique. Olivier Dahan désirant tourner des scènes au Steadicam ou à l’épaule, nous avons trouvé ensemble les innombrables solutions aux problèmes d’installation lumière.

Comme j’ai pratiquement toujours employé des " lumières praticables ", il fallait les intégrer entièrement aux décors.
J’ai éclairé l’époque de la pauvreté et de la misère avec soit une ampoule, soit des bougies pour que le ton de l’image devienne chaud et monochrome. Les couleurs des costumes et du décor étaient d’une importance capitale. Le travail avec Marit Allen, chef costumière, a été un vrai bonheur…
Pour symboliser l’espoir de la petite Edith dans ces périodes de famine, j’ai souvent employé des sources de lumière très fortes et utilisé régulièrement l’effet " flare ".
1935, pour les débuts de Piaf au cabaret et au music-hall, j’ai choisi de travailler en rouge et or. Changer les couleurs des décors n’étant toujours pas possible, le résultat est un peu différent de ce que j’avais imaginé mais pas inintéressant.
Pour les scènes dans l’appartement à New York, l’aéroport ou les combats de boxe, j’ai expressément travaillé en doré par rapport à l’époque et aux lieux.

La période la plus difficile à traiter a été celle du crépuscule et de la fin de sa vie. Particulièrement par rapport à son maquillage…. Transformer une belle et jeune actrice et la rendre vieille et abîmée ce n’est pas une mince affaire. J’ai adapté à chaque scène une lumière bien différente ; parfois la lumière était trop dure et cruelle, mais indispensable pour souligner la dramaturgie de l’image. Au début, après plusieurs essais de maquillage, nous avons dû nous rendre à l’évidence qu’une prothèse était indispensable pour accomplir la métamorphose de Marion Cotillard. La lumière à elle seule ne pouvait pas la vieillir à ce point…. Dès lors, avec l’aide d’une équipe anglaise, le résultat fut saisissant…
De Prague à Paris ainsi qu’à Los Angeles, Edith Piaf, à travers Marion Cotillard, nous a accompagnés tout au long de cette incroyable aventure. L’ambiance sur le tournage était particulièrement intense. L’équipe artistique était soudée dans une entente professionnelle rare. Personnellement, j’ai été soutenu par toute mon équipe caméra, par mon cadreur, par mon chef électro et chef machiniste. Olivier Dahan m’a donné sa confiance. Humainement, j’en garde un très bon souvenir. Tout cela se ressent à l’image. N’est-ce pas là la vraie alchimie du cinéma ?








NB La Môme, en compétition au Festival à Berlin, en a fait l’ouverture.
La photo de l’équipe du film ci-dessus est de Bruno Calvo, les photos légendées sont de Tetsuo et Eliane Nagata.
Crew
Opérateur Steadicam : Roberto De Angelis1er assistant caméra : Christian Abomnes
Chefs électriciens : Patrick Contesse, Roman Hodek (Prague)