Le Système Victoria
Paru le Contre-Champ AFC n°364
La collaboration avec Sylvain s’est déroulé de manière très riche, autour de longues discussions sur la grammaire du film, et un découpage commencé avant même d’avoir les décors. L’un de nos grands questionnements portait sur la cohérence de représentation des univers des deux personnages, très différents : celui de David - le monde du chantier -, et celui de Victoria - le luxe et la puissance économique.
De suite, Sylvain m’a indiqué qu’il ne voulait pas être dans un univers naturaliste. Nous avons décidé de partir sur des références très marquées, comme Les Hommes du Président, pour la radicalité de la lumière ou Birth, de Jonathan Glazer, pour l’élégance avec laquelle il filme l’argent.

Néanmoins, la réalité économique du film (1,8 millions) nous a poussé à faire des choix de décors et techniques pour que l’on croit à ces deux univers.
Nous sommes partis sur un format CinémaScope ; Sylvain ayant réalisé aussi des documentaires, le 2.35 est un ratio qui lui raconte immédiatement un plan de cinéma.
Cela pourrait aller à l’encontre de l’idée du ratio idéal pour filmer l’architecture verticale mais cette tour impossible à réhabiliter est tout le temps coupée, ce qui la rend encore plus imposante, sans limites.

Pour cela, nous avons pris les Atlas Orion qui possèdent vraiment un beau "terrain de jeu" concernant les flous en arrière-plan.
Par exemple, lorsque David découvre l’un des visages de Victoria, en utilisant la focale à pleine ouverture, nous avons pu rendre l’arrière plan très dilué, comme une peinture qui coule à la verticale…

Nous avions aussi envie de filmer un Paris très sombre, qu’on a du mal à reconnaitre… Pour cela, nous sommes partis en Sony Venice 1, qui a une grande latitude chromatique, notamment dans les basses lumières. L’idée était de toujours aller vers l’étrangeté que proposait un décor : c’est ainsi que lorsque David et Victoria se rencontrent pour la première fois au centre commercial, avec le chef électricien Thibault Bru, nous avons décidé de ne garder que les néons bleus latéraux intégrés dans le décor, et de les renforcer.


Petit à petit, une dichotomie d’univers s’est précisée : le quotidien de David serait froid, métallique, alors que celui de Victoria serait chaud et saturé, jusqu’à atteindre une monochromie quasiment totale lors de la scène dans le club échangiste.


En ce qui concerne les mouvements, nous sommes restés sur des plans très ancrés, et nous avons cadrés majoritairement avec Dolly sur plaques, maniée par Gaston Grandin. Il n’y a que deux ou trois plans à l’épaule, il me semble…
La LUT et l’étalonnage ont été faits par Laurent Ripoll. Avec le matériel filmé lors des repérages techniques, nous avons réussi à faire une seule LUT, ce qui m’a vraiment permis de travailler les espaces intérieurs (restaurants, hôtels, voiture) avec le référentiel chantier / univers de David, sans modifier "l’émulsion numérique". La LUT fut en quelque sorte le liant du film et de ses univers.
Lors de l’étalonnage nous avons rajouté un grain 35 mm, jusqu’à utiliser du 16 mm pour l’épilogue.
Nous avons du tourné ce film dans un temps réduit, et cela n’aurait pu se faire sans une équipe extrêmement investie et sans la confiance de Sylvain.
- Bande-annonce officielle :
Équipe
Première assistante opératrice : Marine GoujetChef électricien : Étienne Lesur
Chef machiniste : Gaston Grandin
Etalonneur : Laurent Ripoll
Technique
Matériel caméra : Transpa (Sony Venice 1 et série Atlas Orion)Matériels lumière et machinerie : Transpa