La Prévisualisation On Set vue par Christian Guillon

La Lettre AFC n°263

L’hebdomadaire Le film français, dans son numéro 3686 du 18 mars 2016, a publié une enquête intitulée "La prévis, une solution encore méconnue". Christian Guillon, superviseur VFX, interrogé par Patrice Carré, revient sur le projet de recherche et développement collaboratif "Prévisualisation On Set" (POS), auquel ont participé, entre autres partenaires, l’ENS Louis-Lumière, Loumasystems et Technicolor.

Patrice Carré : La prévis englobe des prestations assez différentes. Comment la présentez-vous ?

Christian Guillon : Il y a parfois des confusions, cela arrive quand apparaissent de nouveaux concepts. La prévis est quelque chose que l’on fait depuis longtemps. On appelait cela autrefois un animatique. C’est devenu plus sophistiqué, on la décline à présent sous différentes formes : prévis, techvis, pitchvis, etc. Cela reste un film d’animation qui préfigure l’œuvre réelle, avant le tournage. Et puis il y a la prévis on set ou POS, qui permet de montrer sur le plateau, en direct et en temps réel, une préfiguration du mélange entre les éléments réels et virtuels d’une scène. La POS vient de faire l’objet d’un long projet de R&D collaboratif. Il a duré plus de deux ans et l’Ecole Louis-Lumière y a participé en partenariat avec Technicolor R&D Rennes, Ubisoft, Loumasystems, SolidAnim, Polymorph, ainsi que les universités de Rennes, Lyon et Grenoble. Nous avons pu expérimenter et confronter des dispositifs innovants avec le monde réel du tournage autour de ce concept de prévis on set.

Avez-vous tiré des enseignements concrets de ce travail ?

CG : La POS repose sur trois piliers. Le "tracking" caméra car il faut détecter les mouvements de caméra afin de pouvoir les reproduire en virtuel. Un moteur de rendu qui produise une image de qualité acceptable. Et enfin un outil de "compositing" qui opère le mélange entre les images filmées et les images calculées. Tout cela en direct et en temps réel.
On a expérimenté plusieurs solutions. Certaines n’étaient pas assez ergonomiques. D’autres se sont révélées plus adaptées au tournage en extérieur qu’en studio, et inversement. De leurs côtés, les professionnels du cinéma ont découvert un champ de possibilités qu’ils n’avaient pas imaginé. Ce projet a duré plus de deux ans et nous sommes à présent dans une phase de dissémination.

Le développement de la prévis peut-il influer sur la façon de faire des films ?

CG : Je crois que la prévis tout court contribue à l’évolution du processus de production. Elle aura tendance à amener les films de fiction vers un processus de production qui ressemblera de plus en plus à celui de l’animation. Traditionnellement, on tourne les séquences dans le désordre puis on passe au montage : c’est un processus vertical. Dans les films d’animation, le processus de production est plutôt horizontal : on préfigure le film très tôt dans son entièreté. La structure, le rythme du film existent dès la prévis, dans un état sommaire. Puis on l’upgrade par séquence ou même par plan, au fur et à mesure de l’avancée de la production. C’est moins artisanal et plus industriel.
Exactement à l’inverse, la prévis on set va rapprocher les films d’animation de la dynamique de production des films de prises de vues réelles. Elle permet de redonner de la liberté et de la souplesse aux mises en scènes de films se déroulant dans des univers graphiques. Le réalisateur et son équipe peuvent ainsi travailler dans une dynamique redevenue très proche de celle de la prise de vues réelles.

(Propos recueillis par Patrice Carré, Le film français, 18 mars 2016)