Le CNC échappe à la ponction lourde

par Clarisse Fabre

La Lettre AFC n°204

Le Monde, 27 novembre 2010

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a eu chaud. Le compte de soutien du CNC, consacré essentiellement à la production et à la création cinématographique et audiovisuelle, a failli perdre 130 millions de recettes lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2011, au Sénat, mardi 23 novembre.

Pointant du doigt l’envolée des recettes du CNC en 2010 (+ 174 millions d’euros), le rapporteur général du budget, Philippe Marini (UMP), a présenté un amendement visant à effectuer un « prélèvement exceptionnel » de 130 millions d’euros. Un surcroît de recettes risque d’entraîner une « hausse immodérée » des dépenses, plaide M. Marini.
Dans l’hémicycle, des sénateurs membres de la commission des affaires culturelles, de gauche et de droite, se sont opposés à l’amendement, soulignant que le CNC doit faire face au grand chantier de la numérisation des œuvres et des salles de cinéma. Après discussion, M. Marini a accepté de limiter la ponction à 20 millions d’euros – ce qui laisse au CNC une enveloppe de 154 millions de recettes supplémentaires. L’amendement ainsi rectifié a été voté.

Symboliquement, l’épisode n’est pas anodin : le Parlement a choisi de retirer de l’argent à la culture pour la réinjecter dans le budget général. L’initiative a surpris jusqu’au ministre du budget, François Baroin, lequel a émis un « avis défavorable », au nom de l’exception culturelle...
Ces dernières années, les recettes fiscales du CNC enregistraient une hausse annuelle d’environ 5 %. L ’année 2011 s’annonce exceptionnelle : la taxe devrait rapporter 750 millions d’euros en 2011 (+ 30,2 %), contre 576 millions d’euros en 2010, du fait, notamment, de la forte croissance des recettes des opérateurs télécoms (offres triple play, télévision, Internet, téléphonie).

« Le pire a été évité »
Ni le CNC ni le ministère de la culture n’ont souhaité réagir officiellement après l’adoption de l’amendement. « Le pire a été évité, le prélèvement de 130 millions d’euros aurait été catastrophique », confie-t-on dans l’entourage du ministre de la culture, Frédéric Mitterrand.
La prochaine étape sera la commission mixte paritaire (CMP), à la mi-décembre, au cours de laquelle députés et sénateurs tenteront de concilier leur point de vue. L’amendement Marini sera-t-il retoqué ? On peut en douter, les jeux semblent faits : comme le fait remarquer un proche du dossier, le gouvernement, bien qu’hostile à la cure de rigueur du CNC, n’a pas essayé de « faire sauter » l’amendement Marini, comme il aurait pu le tenter en demandant une « seconde délibération », à l’issue de l’examen de la première partie du projet de loi de finances...

Clarisse Fabre, Le Monde, 27 novembre 2010