Le Petit lieutenant

Le Petit lieutenant est ma troisième collaboration avec Xavier Beauvois, c’est dire que nous commençons à nous connaître et que la rencontre avec le film à faire n’est en balance avec aucune autre. Il faut du temps à Beauvois pour parcourir le territoire de son film, dans celui-ci la deuxième division de police judiciaire de Paris.

Il y a eu des amis, qui l’ont accepté comme " auditeur " libre
des mois durant. Des cadavres identifiés au petit matin aux remontées à
contresens avec deux tons et gyrophares, il s’est baigné dans ce monde assez
longtemps pour que l’humanité apparaisse. Mes résistances de départ à le
suivre rue Louis-Blanc rencontrer ses copains flics sont tombées petit à petit,
j’ai compris que souvent ces commissaires divisionnaires font un boulot que
personne ne veut faire, comme des éboueurs...

Techniquement, les deux données principales du film étaient la présence de
Nathalie Baye et la cinquantaine de décors que nous avions à filmer, une
caméra ergonomique et silencieuse : la Moviecam compacte et la 5229 de
Kodak, pour laquelle je me suis personnellement battue avec Guy Manas à
l’époque, parce que la 18 est souvent trop dure pour les visages, une pellicule
plus douce dont je peux faire varier les temps de développement grâce à la
complicité d’Eclair, plus particulièrement de Gérard Savary, sont des outils
irremplaçables pour un film comme celui là.

Un des investissements principaux à été la reconstitution de la deuxième DPJ,
plusieurs centaines de mètres carrés, qui reproduisent exactement les
bureaux de la rue Louis-Blanc grâce au travail d’Alain Tchillinguirian et de son
équipe et " prelightés " par la mienne : Emmanuel Demorgon, Thibaud Charles
et les autres, orgie de Kino Flo, ce qui nous permettait d’être très réactifs par
rapport à la lumière extérieure et stable en température de couleur. Les autres
décors posaient chacun un problème particulier auquel nous répondions à
chaque fois différemment, d’où des échanges fréquents de matériel avec TSF,
souplesse luxueuse que permet un tournage à Paris.

Enfin ce film ne serait pas ce qu’il est, et ne serait tout simplement pas, sans le
support, la patience, et je crois la tendresse de Nathalie Baye qui malgré son
allergie pour les flingues et les talkies-walkies (accessoires nécessaires des
flics) donne au commissaire Vaudieu quelque chose d’irremplaçable.. »