" Le Roi danse " récompensé à Camerimage 2001
Gérad Simon nous parle du Roi danse.
Confronté aux films d’époque et leurs éclairages bougie ou lampes à huile, je me pose toujours le problème du réalisme et de la vraisemblance de la lumière : à quel point les quelques 1 250 bougies des grands lustres du théâtre royal rendaient-elles l’éclat des fêtes somptueuses qui s’y déroulaient ? Que voit-on dans une chambre éclairée d’une seule bougie ? Que doit-on laisser voir au spectateur ? Est-ce que le faste s’accommode de la pénombre ?
J’ai essayé de faire la lumière la plus juste possible, en respectant assez strictement les sources, dans leur position, leur " puissance " et leur température de couleur. Jusqu’à tenter de reconstituer le caractère sautillant de la lumière des bougies : j’ai ainsi, pour les scènes de nuit, doublé systématiquement toutes les sources par la même source, mais installée sur une " flicker-box " au scintillement aléatoire.
Malgré tout, la nécessité de traduire le luxe conduit à des rendus probablement plus brillants qu’ils ne le seraient réellement...
Pour les intérieurs jour, j’ai eu le même souci " vériste " : je n’aime plus beaucoup ces grands rayons de soleil improbables et providentiels qui transpercent les fenêtres et zèbrent les décors (et peu plausibles, le soleil n’allant aussi loin dans une pièce qu’aux heures du levant ou du couchant). J’ai essayé d’opter pour des lumières, ou plus douces, ou plus hautes, plus complexes, qui éclairent par réflexion (bien que le plan que je préfère soit celui tourné dans la galerie des Glaces du château de Versailles au couchant du solstice d’été).
La collaboration avec Gérard Corbiau fut un rêve : courtois et passionné, timide mais précis et décidé, il rend extrêmement communicatif son bonheur de tourner.
Facilité par un story-board complet (deux tomes de 200 pages !), le tournage s’est bouclé en 56 jours (parfois deux ou trois caméras pour les scènes de représentations). C’est la première fois que je tournais un film à 80 % en studio et ceci dans les confortables studios MMC de Cologne où nous avions trois plateaux en parallèle, système rendant les " prelight " et les changements de décors aisés et rapides.
Gérard Corbiau avait tourné Farinelli en 1:1,85. J’ai réussi à l’entraîner vers mon format favori, le 1:2,35 anamorphique en lui promettant que tout serait aussi facile qu’en sphérique. Les objectifs Hawks ont fait le reste : compacts, complets, j’avais pu, lors d’essais comparatifs pour un précédent film, constater à quel point ils n’avaient rien à envier à des concurrents plus encombrants. Insensibles au " flare ", lumineux et très bien corrigés, ils ont aussi une jolie rondeur sur les visages.
La qualité exceptionnelle de costumes d’Olivier Beriot et des décors d’Hubert Pouille m’a régalé l’œil pendant tout le tournage.
Merci enfin à toute l’équipe allemande de Cologne, à Stéphane Rother, chef électricien qui a dû assurer tout le câblage doublé des sources, et tout spécialement à Robert Patzelt qui a fait le point sur les Hawks avec une nonchalante virtuosité et laissait les comédiens en paix !