Le travail du chapeau...

Par Matthieu Poirot-Delpech, AFC
On vous le dit : les métiers du cinéma sont des métiers à part, ils ne ressemblent à aucun autre. Voici l’argument souvent repris pour justifier une dérégulation au doigt mouillé de toute une branche d’activité…

Quelle déception pour le chirurgien entamant la troisième thoracotomie de la journée sous l’œil médusé du jeune interne, pour le gardien de phare refermant son hublot pour échapper aux embruns, pour le dompteur, la tête enfouie dans la gueule du fauve : ce qu’ils font n’ont rien d’exceptionnel. Ils pensaient, eux aussi, pratiquer LE métier pas comme les autres. Quel orgueil ! Il n’en est rien : c’est le cinéma qui a ce privilège !
Lorsque l’on nous demande à quoi peuvent bien ressembler nos métiers, les images vont bon train. Certains parleront d’un orchestre sous la baguette de son chef, d’autres du bâtiment qui se construit sous l’œil de l’architecte…

Akira Kurosawa, dans son livre de mémoires Comme une autobiographie (Seuil – Cahiers du cinéma – 1985), tentait lui aussi de répondre à cette question.
Shinga Naoya, un écrivain japonais venait alors de faire publier dans une revue littéraire un texte écrit par son petit-fils. Le titre en était Mon chien. Cela commençait ainsi : « Mon chien ressemble à un ours ; il ressemble aussi à un blaireau ; il ressemble aussi à un renard… » Après une longue énumération de tous les animaux qui pouvaient lui faire penser à son chien, l’enfant finissait par conclure : « Mais c’est avant tout un chien, donc il ressemble surtout à un chien. » Belle définition, en creux, de notre profession…

Nos métiers, au gré des scénarios et des décors, nous permettent de côtoyer des univers très divers. Nous avons tous tourné dans des usines, dans des prisons, dans les sphères de la haute finance, aux urgences de l’hôpital, dans les mines, les écoles… Force nous est de constater que nous pratiquons un métier à part dans un monde où tous les métiers sont à part. Le seul privilège que nous avons au milieu de ce monde de bizarreries est d’en être au mieux les témoins, au pire les touristes.

Matthieu Poirot-Delpech est coprésident de l’AFC.