Les Rencontres Cinématographiques de l’ARP

Par Antoine Héberlé, AFC

par Antoine Héberlé La Lettre AFC n°269

Lors de ces journées, auxquelles j’ai été convié pour la seconde fois (du 20 au 22 octobre 2016 à Dijon), l’ARP réussit à rassembler un large panel de la profession et organise des débats de qualité avec des représentants de tous les secteurs d’activité du cinéma, tous possédant une véritable expertise. L’aréopage est rarement consensuel, et si chacun a laissé son flingue au vestiaire, il n’empêche que les choses sont dites sans ambages et en toute cordialité.

C’est plutôt rassurant sur l’avenir de notre exception culturelle dont fait partie le cinéma : nos représentants ainsi que les dirigeants de tous les secteurs se parlent et sont bien conscients de cette nécessité pour maintenir notre système, dont la plupart semble encore tirer leur épingle du jeu. Cependant, l’équilibre est précaire et demande régulièrement qu’on se penche sur lui. C’est ce que l’ARP s’efforce de faire chaque année.

J’ai pu assister à trois débats de haute tenue, certains parfois complexes techniquement pour un "observateur lointain" comme moi. On y parle rarement le japonais, mais les acronymes sont pléthoriques et nécessitent parfois une consultation Web discrète au creux du fauteuil. Pas de problème néanmoins pour capter la teneur générale des enjeux.

50 nuances d’agrément
Animé par Frédéric Brillion, producteur – Epithète Films, avec Jean Marboeuf, auteur réalisateur producteur, membre du bureau de L’ARP ; Christophe Massie, président d’Orféo, président délégué de la FICAM ; Ardavan Safaee, direction de la production de Pathé Films ; Patrick Sobelman, producteur – Agat Films & Cie / Ex Nihilo.

Ce débat fait suite au rapport établi – à la demande du CNC – par Alain Süssfeld (directeur général du groupe UGC) sur l’agrément et sa commission, en vue d’une réforme à venir. On a pu comprendre que cette réforme n’est pas simplement un ajustement technique mais qu’elle aura une portée sur la politique d’aide et d’attribution du (des) fonds de soutien. Le curseur d’ajustement pour l’attribution des points semble délicat à déplacer mais tous en reconnaissent la nécessité, surtout après la dernière augmentation du crédit d’impôt qui joue son rôle à plein pour relocaliser. L’agrément, comme le crédit d’impôt, a des effets concomitants sur les coproductions étrangères et particulièrement européennes, et donc sur l’emploi des techniciens et la bonne santé des industries techniques...
Pour la production indépendante, le fond de soutien, qui dépend des points d’agrément, reste souvent la seule remontée financière.

Cinéma et diffuseurs : vers un nouveau E-deal ?
Animé par Sarah Drouhaud, rédactrice en chef du Film français (Site Internet) et Florence Gastaud, déléguée générale de L’ARP, avec Jean-David Blanc, cofondateur de Molotov.tv ; Michel Combes, président directeur général de SFR ; Dante Desarthe, auteur réalisateur producteur, vice-président de L’ARP ; Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions ; Xavier Rigault, producteur – 2.4.7 Films, coprésident de l’UPC ; Maxime Saada, directeur général du groupe Canal+, président directeur général de Dailymotion.

Débat passionnant sur la refonte du système de diffusion, la recherche de nouveaux partenariats entre créateurs, producteurs et diffuseurs, alors que tout l’écosystème parait converger et s’amalgamer autour du grand diffuseur universel : Internet. Les diffuseurs semblent vouloir et pouvoir tout faire : de la télé linéaire à la papa, de l’abonnement, du rattrapage J+ ? , de la VoD, etc.
Alors que Canal+, pilier fragilisé mais historique du système, avance de nouvelles propositions qui semblent intéresser tout le monde, de nouveaux entrants comme Altice-SFR (qui possède une partie des tuyaux, donc) cherche leur voie mais sont bien décidés à prendre leur place et leur part. Tous leur souhaitent la bienvenue mais à condition de respecter les règles en place et de mettre la main à la poche pour la production d’œuvres originales.

France Télévisions, qui honore ses engagements au-delà de ses obligations, doit maintenir sa place en tant que service public dans un paysage de plus en plus libéral avec, sans aucun doute, beaucoup plus de comptes à rendre. Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions, impressionne et s’affirme avec un vrai souci pour la création originale comme première stratégie.
Le débat a bien sûr abordé la question de la chronologie des médias dont les curseurs vont vraisemblablement bouger afin d’équilibrer et de rentabiliser au mieux la carrière des films de cinéma dès et après la sortie en salles. Peu de marge de manœuvre là aussi, et tous ont conscience de la fragilité de l’écosystème et de l’intérêt à le préserver, le consolider, semble-t-il. A suivre.

Cinéastes
Dernier débat auquel j’ai pu assister de bout en bout, il s’agissait d’une belle rencontre informelle entre quatre réalisatrices, dont Julie Bertucelli, coprésidente de l’ARP, Brigitte Roüan et les sœurs Coulin, Muriel et Dominique, qui travaillent en duo. Un bel échange très ouvert et sincère sur leur travail avec les producteurs, les acteurs, les techniciens. La pétulance de Brigitte Roüan relatant ses débuts ou ses derniers combats captivait tout autant ses consœurs que la salle. Un beau moment de partage.
Vous pouvez voir que la qualité des intervenants était au rendez-vous et je vous invite à vous rendre sur lien suivant pour assister à ces débats enregistrés par Dailymotion.