Les expressions françaises selon un Britannique...

Rencontre avec Gerry Fisher, à Cannes en 2003, par Brigitte Barbier

La Lettre AFC n°122

Nous avons eu l’honneur de rencontrer Gerry Fisher, membre du jury du prix de la CST.
Olivier C. Benoist (membre consultant de l’AFC), qui fut très souvent son assistant, nous le présenta pour un entretien au stand de la CST.

Gerry Fisher : La première fois que je suis venu en France, c’était en 1975 pour un film de Joseph Losey, Monsieur Klein. J’ai rencontré des techniciens français et, la première semaine, j’ai appris les phrases importantes comme « J’ai la dalle », « Mes nouvelles pompes me font mal aux arpions » ou « On va s’en jeter un derrière la cravate » !
J’ai travaillé plusieurs fois en France et après j’ai été obligé de travailler aux Etats-Unis. J’aime l’atmosphère de tournage en France, ce n’est jamais triste, les machinos, les électros sont toujours prêts à rigoler un peu.
Je suis membre de la BSC, maintenant membre honoraire avec les années... Nous sommes environ 200 membres, directeurs de la photo et associés ; nous n’avons pas d’endroit particulier comme vous mais, grâce à Alan Parker, nous avons une petite maison (auparavant, celle des frères Lee) avec de vieilles photos, aux studios de Shepperton.
Nos actions ? Les droits d’auteurs... En Allemagne, ils ont un impôt sur les cassettes vidéo. Les réalisateurs, les directeurs photo, les décorateurs touchent un peu d’argent lors des diffusions.

Jean-Jacques Bouhon : Nous essayons à l’AFC de faire respecter une image – l’image du film, pas la nôtre ! – et c’est pour cela que nous voulons qu’une petite partie des droits d’auteurs nous revienne, ce n’est pas pour l’argent que cela représente, évidemment ceci engendre des discussions avec les réalisateurs et les auteurs, car ce serait en moins pour eux.

G. F. : Oui, ce sont des sujets délicats, mais l’industrie du cinéma n’est pas facile... Nous travaillons dans une industrie qui est en crise depuis cinquante ans, des studios se sont fermés, d’autres se sont ouverts, c’est comme la marée... Ça n’arrête pas de bouger ; par exemple, moi, j’ai été assistant pendant dix ans, un travail agréable pour moi, je ne pensais pas à autre chose et puis j’ai fait une journée comme cadreur avec un grand chef opérateur qui s’appelle Jack Hildyard, et c’est comme ça que je suis devenu cadreur ; j’ai passé vingt ans à travailler avant d’être directeur de la photo, mais ce n’est pas rien, j’ai appris, beaucoup... Même si je ne voulais pas !

Maintenant les jeunes qui sortent des écoles, ils sont directement réalisateurs ou directeurs photo, bon ! ... Tout le monde peut écrire une lettre, mais le problème, c’est ce qu’il y a dedans, personne n’est interdit d’écrire, de rêver, mais le problème aussi c’est la stabilité, une industrie stable. Comment peut-on avoir une vie de famille, une vie stable dans une industrie qui ne l’est pas...
La vidéo, pour moi, c’est un support, mais ça ne change pas le film, c’est comme un écrivain qui a l’habitude d’écrire à la main et qui achète une machine à écrire électrique, ça ne change pas l’histoire...
Et si l’on tourne Le Pont de la rivière Kwaï en vidéo, les gens regarderont toujours ; un bon film ne peut pas être détruit par la vidéo. Donc je suis à l’aise avec ça. Maintenant avec la haute définition, c’est parfois difficile de voir la différence. En tout cas le spectateur ne voit pas la différence.

Jean-Michel Humeau : Si, nous la voyons.

G. F. : Mais nous ne faisons pas des films pour nous. Vous savez, nous sommes toujours réticents avec les nouveautés. Par exemple quand j’étais assistant, je devais utiliser une Arri IIC. Le chef opérateur n’avait pas confiance et refusait de l’utiliser parce qu’il n’y avait pas de contre-griffe, alors j’ai fait une fixité avec la Mitchell et l’Arri et nous avons comparé les deux, il n’y avait aucune différence. J’ai commencé en 1946 et la première machine, c’était la Super Parvo Debrie. C’était une machine que j’aimais beaucoup et pourtant, au départ, elle n’avait pas l’air d’une machine si sûre que ça !

J.-M. H. : Moi aussi, je l’ai eue, c’était une machine formidable...

J.-J. B. : Monsieur Klein était-il le premier film que vous ayez fait en France ?

G. F. : Non, j’ai fait comme assistant un film ici à Cannes avec un réalisateur américain qui s’appelle David Miller avec Ginger Rogers et Jacques Bergerac, et j’ai rencontré un électro qui s’appelait Pichou, il m’attendait au Bourget et je ne parlais pas français. Nous avons voyagé jusqu’à Cannes avec la voiture travelling et tout le matériel, nous avons mis trois jours ! C’est là que j’ai commencé avec la langue française.
Voilà, c’était très agréable !