Qu’apprend-on dans une école de cinéma ?

table ronde à la Cinémathèque française

La Lettre AFC n°157

Dans le cadre de la rétrospective " La fémis a 20 ans ", la Cinémathèque française organise une table ronde sur l’enseignement du cinéma le samedi 9 septembre 2006 à 17h, Salle Henri Langlois.
Au programme...

Qu’est-ce qui, du cinéma, s’apprend dans une école de cinéma ? Quelle est la part qui ne s’enseigne pas ? Qui enseigne et comment ? Quels enseignants pour quelle pédagogie du cinéma ? Comment apprend-on les différents métiers du cinéma ? Enfin quelle a été l’influence de cet enseignement sur le cinéma français de ces vingt dernières années ?

Avec Emmanuelle Bercot (cinéaste), Céline Bozon (directrice de la photographie), Jean-Paul Civeyrac (cinéaste, co-directeur du département Réalisation à La fémis), Stéphane Thiébaut (mixeur, co-directeur du département Son), Marc Nicolas (directeur de La fémis).
Débat animé par Serge Toubiana.

Messages

  • Un simple mot, suite à ce que je viens d’écrire :" Je ne suis ni directeur de la photographie cinématographique(CNC) et ni directeur de la photographie en télévision, en titre."
    J’ai fait 95% de ma carrière en télévision.J’ai travaillé sur des petites productions, quelques fois sous la tutelle d’un "chef op", quelque fois seul avec deux , voir trois éclairagistes, lorsque la production estimait que la présence d’un directeur de la photo n’était pas justifiée techniquement et surtout financièrement.Il en va ainsi en télévision !Je n’ai jamais intrigué et je n’ai jamais été "un briseur de carrière", qu’on se le dise !!Cà, l’école ne m’en avait jamais parlé !!!!Je l’ai appris sur le terrain.
    Mon vrai premier métier à été "LA CAMERA".
  • je viens de m’inscrire sur ce site, ayant fait une partie de mes "humanités" non pas à l’IDHEC ni même à la "Fémis" mais à Vaugirard Louis Lumière , à une époque où l’école était encore rue de Vaugirard à Paris.
    Peu importe l’enseigne de l’école me semble-t-il, après 35 années de carrière.
    Formé à l’école de la prise de vue, j’ai tout au long de ma carrière essayé de respecter ce que mes professeurs m’avaient appris lorsque je maniais encore de manière "gauche" mes premiers 1000W et 500W "Cremer" à Fresnel en ajustant un volet en "casquette".
    J’ai appris, me semble-til , à traduire ce que mon oeil voyait réellement ou à travers un viseur de champ, en langage cinéma, c’est à dire au travers d’une optique ,selon la "trame" d’un scénario.J’ai appris à choisir cette optique quand celà m’était possible, en fonction d’un plan ou d’une séquence donnée.
    J’ai encore appris à " essayer" de doser, dompter,de sculpter la lumière en fonction de ce que je voulais obtenir en lumière artificielle comme en lumière du jour.
    J’ai appris à éclairer de simples objets, comme des objets de collection, des outils, des plus humbles au plus complexes, ou même des tableaux de maîtres, des sculptures, j’ai appris tout au long de ma carrière sur les conseils de mes pairs, à leur donner tout ce qu’ils pouvaient traduire comme émotion dans un faisceau de lumière alors que dans la pénombre, ils pouvaient paraître sans vie et surtout sans âme.
    Il me revient un souvenir. A l’école, sur le plateau, il y avait un buste en plâtre de monsieur François Marie Arouet, dit Voltaire.Notre professeur, lors de notre premier contact avec ce fameux plateau, nous a dit : " Tant que vous ne saurez pas photographier(24X36) cette statuette correctement , sous tous les effets que je vais vous imposer, vous ne toucherez pas une caméra !"
    J’ai appris comment éclairer des personnages, à souligner les traits d’un visage expressif par le truchement d’éclairages minutieux, ponctuels et bien souvent "tramés".La pratique ,ensuite, durant les années a beaucoup contribué à me donner des "trucs" dans certaines situations embarrassantes.
    Ce que l’école, en revanche, ne m’a pas appris, c’est le contact avec les personnes que je devais filmer. Chaque visage a une expression particulière. Je me vois encore, devant une toute jeune comédienne, lors d’un tournage de télévision. Elle n’était pas encore majeure et sa maman, présente sur le plateau, m’a combien de fois dit :" faites ceci, ne faites pas cela !" J’ai utilisé toutes les astuces que je connaissais, ,trame, tulle, bas de femme, et bien sûr en collaboration avec une maquilleuse de talent, et grâce à un éclairage en gros plan, parfaitement dosé, j’ai pu enfin "rendre" toute la fraîcheur de l’expression du visage juvénile et ainsi tranquiliser la maman.
    J’ai de très nombreuses fois été en présence de vedettes du "show-biz" très connues du grand public, mais aussi très "pointilleuses"( femmes, mais aussi des hommes) quant au rendu de leur traits de visage ! Il faut utiliser toute une panoplie d’astuces pour "gommer" l’outrage des ans !!!! Cà, l’école ne me l’a pas appris.La manière d’éclairer dans ce cas joue un très grand rôle mais l’art de maquillage est totalement incontournable.
    J’ai appris a manier une caméra, 16, 35m/m mais aussi "vidéo", sur un simple pied, sur un pied "kino".Il est déjà bien difficile de faire des mouvements "coulés". Combien de fois avons nous recommencé des plans jusqu’à ce que le "pano" soit parfaitement régulier et amorti en fin de course.Notre professeur en prise de vue était un excellent pédagogue, mais aussi un "as" dans ce domaine.Il n’acceptait pas l’à peu près !!!
    Ce que l’école ne m’a pas appris, en revanche, c’est l’utilisation d’une grue, l’utilisation d’un pied pour prises de vues en hélico, le port d’un steadycam,l’utilisation d’un pied à ventouses de pare-brise.Et bien sûr toutes les "astuces" et bidouilles qu’on peut avoir à utiliser lors d’un tournage.
    Cela, je l’ai appris sur le terrain.
    Une école de cinéma est déterminante et surtout incontournable pour apprendre les bases du 7e art.
    Il y a certes des autodidactes, mais ceci semble de moins en moins possible, dans certaines disciplines, tant le métier est de plus en plus "pointu".
    Ceci dit, on ne sait pas tout. Loin de là. Même après 35 ans de métier, il y a dans ce domaine encore des tas de choses que j’ignore, surtout maintenant, à l’ère du numérique, à une époque où l’ordinateur prend la place du caméraman et du directeur de la photo.
    Bien sûr, à l’école il y avait des cours de chimie, de sensitométrie, de labo, de maths, de physique, comme dans bon nombre d’écoles, mais la présence sur un plateau était, si je me souviens bien, un moment exhaltant.Le contact avec une réalité "palpable".Cà, je l’ai appris à l’école de cinéma.