Splice

Deux ans après leur première collaboration, Tetsuo Nagata, AFC retrouve le réalisateur Vincenzo Natali pour Splice, une histoire de science-fiction qui se déroule dans l’univers de la génétique. Adrien Brody et Sarah Polley incarnent deux scientifiques devenus des experts dans l’art de manipuler l’ADN du monde animal. Ils décident d’introduire un gène humain au cœur de leur expérimentation et créent ainsi de toute pièce une créature-femme surnommée Dren. En se métamorphosant et en se révoltant, elle devient progressivement une menace pour les deux scientifiques et pour l’humanité tout entière.

Dans le cinéma de science-fiction, les références sont légion et notamment dans le cinéma japonais qui a toujours largement puisé dans le vivier.

Tetsuo Nagata : Comme assistant au Japon, j’ai effectivement déjà travaillé sur ce type de films, mais à l’époque, nous étions très limités par la technique ancienne des transparences et des miroirs.
Quand j’aborde une histoire, je ne pense à aucune image particulière, à aucun film précis, je ne fais pas appel à ce type de mémoire. Mes influences viennent plutôt de l’architecture ou de la peinture. Mon point de départ, c’est le scénario. Dès la première lecture, j’imagine des choses et parfois, je pars très loin.
En ce qui concerne Splice, je m’étais préparé à un éclairage très stylisé et assez design avec pas mal de brillance en profitant du fait que le film devait se tourner majoritairement en studio. Malheureusement, cette conception de lumière était incompatible avec le budget. J’avais imaginé un laboratoire futuriste et je me retrouvé confronté à une vraisemblance scientifique contemporaine, donc à devoir éclairer des laboratoires et des décors standards comme on en voit partout. Or, la lumière ne vit pas toute seule, elle dépend des lieux, de l’espace, des matières. Un laboratoire avec quatre feuilles de décor et un plafond limite vos possibilités. Cela se résume vite à une lumière fluo et " électrique " qui tombe du plafond.

Filmé à plusieurs caméras Panavision équipées d’optiques Primo durant l’hiver 2007-2008, Splice est l’un des tout premiers films à avoir été entièrement tourné avec la pellicule Kodak Vision3 500T 5219.

TN : Ce qui me plaît dans une image, c’est le contraste. Quand on travaille comme moi dans les basses lumières et que l’on recherche de la texture dans les noirs, il n’existait jusqu’à aujourd’hui d’autre solution que de " pousser " les pellicules.
Augmenter l’intensité de la lumière n’a jamais été une solution puisqu’elle génère une montée de grain. Avant le tournage de Splice, j’ai donc procédé à des essais avec la Vision3 500T 5219. En la poussant d’un " stop ", je n’ai pas senti le moindre grain et là où, à deux " stop " supplémentaires, on générait jusqu’à présent un grain terrible, on obtient ici le même résultat que si l’on traitait de façon normale l’ancienne 500 ISO.
C’est, pour moi, une pellicule relativement douce et étalonnée qui correspond à ma vision. C’est important, car une fois les premiers rushes étalonnés, je n’utilise pratiquement plus ma cellule sur un plateau.

C’est aussi une pellicule facile à travailler en postproduction numérique. Comme Splice contient beaucoup d’effets spéciaux et de travail en 3D, il était indispensable de pouvoir proposer une image de très bonne qualité avec peu de grain. L’histoire du grain, c’est de toute façon quelque chose d’assez mystérieux en ce sens qu’il ne faut pas non plus l’éliminer. Il existe un grain très agréable. Un beau grain, c’est magnifique et c’est ce qui fait la différence avec les caméras numériques.
Ce n’est pas pour rien si ces nouvelles générations de caméras cherchent aujourd’hui à ajouter du grain pour approcher la texture de la pellicule. Ce qui est gênant, c’est quand le grain est un peu " grisé " ou bien quand il est trop " mou ".

Tourné à Toronto de novembre 2007 à février 2008, Splice est un film dont les conditions du tournage ont parfois touché à l’extrême, le choix du support pellicule s’est avéré le bon.

TN : Dans la forêt canadienne, il fait couramment moins vingt degrés, mais une nuit, la température a dû chuter brusquement à moins trente degrés, voire davantage.
Rien qu’en saisissant les manivelles, je sentais le froid qui me pénétrait par le bout des doigts, la batterie de ma cellule se déchargeait en dix secondes et celles de l’ingénieur du son, même neuves, ne tenaient guère plus d’une minute.
L’électronique n’aurait jamais permis d’affronter ce type de situations.

Comment éclairer un lieu où la nuit, par définition et à moins de se servir de la lune comme d’un postulat de lumière, on est censé se trouver dans le noir ?

TN : La nuit, on peut oser des choses un peu plus fantastiques. Dans Splice, j’ai tout de suite mis de côté le réalisme de la forêt, notamment parce qu’il y avait beaucoup de poursuites. La séquence dans la forêt étant longue, assez surréaliste et filmée à trois caméras dans tous les axes avec un Steadicam et une Technocrane, je n’ai pas cherché à justifier mes sources de lumière. J’ai travaillé de manière plutôt classique à base de grosses sources disposées en contre-jour sur des grues et couplées avec des lumières latérales.

Splice, un film difficile à faire ?

TN : Il nous a manqué du temps, c’est sûr, à moi comme au réalisateur, mais en même temps, il est rare de pouvoir travailler dans le confort.
Sur La Môme, c’était le maquillage qui était très long. Vers la fin de la vie de Piaf, je devais changer ma lumière pour que le personnage soit plus crédible dans la fatigue et la maladie. Sur chaque film, il se passe quelque chose. La lumière doit vivre avec l’acteur.

(Extrait de l’entretien que Tetsuo Nagata a accordé à Dominique Maillet, pour la revue In Camera de Kodak en octobre 2008.)

Technique

Pellicule : Kodak Vision 3 500T 5219
Caméras : Panavision
Optiques Primo