Suite au décès d’Alex Lamarque, AFC, proches, amis et connaissances témoignent

Contre-Champ AFC n°335


Pour donner suite à l’article qui a fait part du décès du directeur de la photographie Alex Lamarque, AFC, nous publions ici divers témoignages de proches, personnalités amies et connaissances, soit parvenus à l’AFC, soit lus au cours de la cérémonie de dernier adieu à Alex au cimetière du Père Lachaise.

Texte écrit et lu par Christian Lamarque, père d’Alex, lors de la cérémonie au Père Lachaise
Alex,
Alex mon fils, tu seras passé parmi nous comme une étoile filante.
Une étoile, imprévue, et puis partie trop vite.
Une étoile qui aura brillé pour nous tous de façon magnétique, charismatique et chaleureuse.
Une étoile qui aimait la vie et que la vie aura quittée de manière injuste et douloureuse.
Douloureuse, elle le fut terriblement pour nous aussi les proches.
Pour Adelia, sa femme adorée, pour Bernadette sa mère et pour moi-même, assistant impuissant à ton combat, à ta souffrance et ta longue agonie.
Ces terribles mois de lutte furent pour lui et ceux qui l’entouraient comme un calvaire funeste, fait de tendresse et d’amour mais aussi de regards, de sourires, de mots, parfois insignifiants, rythmés par des silences qui devenaient assourdissants.
Et puis aussi par nos : C’EST LA MERDE de MERDE !!!
Pour conjurer l’inéluctable.
C’était le piège à RATS !
Dans sa vie, il y eut d’abord l’adolescence, à Ibiza avec Bernadette.
Avec le soleil, la mer et plein de copains puis des copines j’imagine :
Que du bonheur, des bonnes blagues et quelques joints.
Et puis il y a eu aussi l’espagnol.
L’espagnol première langue.
L’espagnol pour tchatcher, pour compter, pour réfléchir.
L’espagnol pour s’en payer des tranches, pour flirter et pour vivre…
L’espagnol qui te permettra plus tard… avec un peu d’anglais… de courir le monde en parfait polyglotte avec les deux Amériques pour bac à sable…
Et aussi la musique et les platines, avec ton pote Caesar, imperturbable DJ du Ku, et des afters sous les lunes d’Ibiza.
La musique qui sera une corde de plus à ton arc.
Que tu exploreras plus tard à l’hôpital Éphémère, avec ta production Prozac Trak et quelques joyeux artistes, bien barrés.
Et puis un jour… finies les vacances.
Retour à Paris après un passage à vide de quelques années, nous nous retrouvâmes pendant un tournage ou j’opérais au Centre américain du bd Raspail.
Tout d’un coup dans le viseur, juste avant le clap, en plein milieu du champ descendant l’escalier, mon Alex un peu perdu, et l’équipe s’esclaffant :
# Ben dis donc Christian, tu nous avais caché que tu avais un FRERE !!!
Ambiance…
Embrassades, retrouvailles émues un peu bêtes dans le genre :
# Ah mais t’as bien grandi depuis le temps !
William Klein qui me félicite pour ce grand beau bébé.
Mais tout de suite :
# CLAP DEMANDÉ ! MOTEUR ! ÇA TOURNE…
Et Alex, les yeux ronds, découvre avec délice le monde merveilleux de ce beau métier.
La nuit fut longue ce soir-là pour nous deux…
Le lendemain, Alex m’ayant demandé s’il pouvait venir sur le tournage, au bout d’une heure je lui lançai à la volée :
# Donnes donc un coup de main à "Paulo" pour rouler les câbles…
Et c’est ainsi que tout a commencé, début de l’histoire :
Après un premier clip, avec Paulo (Guilay pour les intimes)
Alex s’est totalement immergé dans les câbles, les projos, les filtres, et surtout… LA CAMÉRA !
AH ÇA, la caméra, ça l’a tout de suite branché, comme un papillon sur un abat-jour !
Tant et si bien qu’au tournage suivant, il était super pote avec mon assistant Éric, très vite expert en caisse d’objectifs, grandes branches, petites branches, zoom et j’en passe.
Un court métrage plus tard, il chargeait les magos de pellicule et déployait un tel entrain qu’il émargea vite en tant que stagiaire caméra sur des clips à no budget puis à petit budget et au final à budget normal…
Qui représentait pour lui déjà un BON budget.
À partir de là tout s’est accéléré :
Deuxième assistant caméra,
Premier assistant caméra,
Personnal assistant caméra, du genre :
# Tu pourrais me vérifier le diaph sur le comédien au fond et puis aussi sur la comédienne en passant…
Au final la cellule n’avait plus de secret pour lui…
Et la comète continuait à traverser le ciel, et de plus en plus haut, et en moins de temps qu’il n’en fallut pour l’écrire, il m’annonçait qu’il préparait un clip :
À la caméra.
Avec des potes à lui…
La roue commençait à tourner mais néanmoins nous primes le temps de faire ensemble quelques tours de cette planète qu’il n’était pas encore urgent de "sauver" mais plutôt de profiter au maximum d’un vie fascinante et parfois confortable.
Période bénie, où les grands moments, les anecdotes et hauts les faits furent nombreux, mais les sourires entendus et notre complicité, toujours infaillible… bien que parfois inavouable.
Merci à toi Alex d’être entré dans ma vie de la façon la plus légère et la plus merveilleuse.
Et puis il y eut le décollage de la fusée :
En catimini d’abord et en mode buzz de chez buzz, il y avait les tournages dont tu me parlais
ou dont j’avais écho plus tard quand nous nous retrouvions, après ton énième tour du monde
quand il me fallait un GPS pour te géo-localiser.
Tu étais devenu le chéri de tous les talents de l’image, des Michel, Dominique, Olivier, Jean Bat et Philippe bien d’autres.
J’étais fier et heureux de te voir grimper dans le ciel parmi d’autres étoiles, là où je n’aurais moi-même pas pu laisser de traces.
Puis, il y eu le drame : Le CRABE…
L’espoir d’abord, le tiens, le nôtre puisque la "Faculté" nous disait qu’aujourd’hui : ils géraient ce genre de mal, enfin, le plus souvent…
Mais le doute qui s’insinuait… bien qu’il y eut ta détermination, ton courage ta volonté de
refuser ce qui n’était pas inéducable qui nous rassurait.
Un peu…
Et puis ce fut la saison deux :
L’ENFER…
Ce qu’on refuse d’imaginer, la peine, l’angoisse, la main qu’on caresse, les mots qu’on ne prononce pas et ton regard, ton regard fixe, muet, terrifiant qui vous explose l’âme…

Merci à tous…
Merci pour votre compassion.
Et merci Adelia, du fond de mon cœur détruit, toi qui l’auras chéri jusqu’à son dernier souffle et qui l’auras veillé dans ses nuits de douleur, de panique et d’effroi.
De profondis dit-on.
Moi je te dis plutôt :
HASTA LUEGO HIJO,
EN EL CIELO.

Alex Lamarque sur le tournage de "La Mécanique de l'ombre", en 2016 - Photo Benoît Delfosse
Alex Lamarque sur le tournage de "La Mécanique de l’ombre", en 2016
Photo Benoît Delfosse

Témoignages

Bruno Aveillan, artiste visuel, photographe et réalisateur
Un homme merveilleux est parti. Alex, pas assez de mots, pour exprimer ma tristesse qui se joint à celle de tous ceux qui ont eu la chance, car cela en est une incontestablement, de croiser ta route.
Tu étais un seigneur de la vie, généreux, altruiste, courageux, talentueux, charismatique, tu étais LA MUSIQUE, et tu étais L’HUMOUR ! Mais tellement ! Tant de fous rires sur les plateaux et en dehors…
Le dernier message que j’ai reçu de toi, alors que tu connaissais l’issue proche de cette saloperie de maladie, était une leçon de force, de dignité et d’humanité, teintée de l’élégante désinvolture bravache qui te caractérisait… Ta signature…
Conscient que ma démarche est peu commune, je me permets néanmoins de le publier en partie car je suis certain qu’il pourra aider et devenir une source d’inspiration pour beaucoup... Ton énergie bienveillante te survivra et continuera à nous irradier. Toujours.
You are Legend !

Alex Lamarque, photographié par Bruno Aveillan
Alex Lamarque, photographié par Bruno Aveillan

Isabelle Huppert, comédienne, actrice et productrice
C’est avec une très grande tristesse que j’ai appris la disparition d’Alex Lamarque.
J’ai eu la chance et le bonheur de travailler trois fois avec lui.
Alex avait du cœur, Alex avait du talent. Il va me manquer, il va manquer au monde du cinéma.
Je pense à sa famille, je pense à ses amis.

Thomas Kruithof, réalisateur et scénariste
J’ai tourné mes deux longs métrages avec Alex Lamarque, et je mesure tout ce qu’il m’a appris, tout ce qu’il m’a transmis. La chance que j’ai eue de le rencontrer, de travailler avec lui et de devenir son ami.
Alex s’investissait totalement dans un film, avec une générosité, une passion et une endurance sans limite. Il était présent dès les premiers repérages, et s’animait avec son Reflex dès qu’on arrivait sur un lieu. Son talent au cadre nous donnait des premières pistes de découpage, nous permettait d’explorer très vite le potentiel d’un décor.
On aimait "rêver" le film ensemble en amont. On s’échangeait des images, on regardait des films, on partageait des intuitions, le plus souvent autour d’une bouteille de vin. On cheminait, on avait des bonnes et des mauvaises idées, mais on finissait par arriver à forger une vision commune avant de tourner. Durant les premiers jours de tournage, on mettait à l’épreuve ce qu’on avait imaginé, on s’ajustait, et on finissait de définir la grammaire du film.
Sur le plateau, il installait avec son équipe une ambiance douce, concentrée, très respectueuse des autres techniciens, et des comédiens. Alex était autant inspiré par les grands directeurs de la photo du cinéma "classique", qu’il était friand de "jouer" avec les dernières évolutions techniques du métier.
Bien entendu, il aimait construire avec la lumière l’atmosphère d’une scène, composer un cadre, mais par-dessus-tout il aimait les acteurs. Il était passionné par leurs visages et ne perdait jamais de vue que notre travail consiste avant tout à savoir placer la caméra au meilleur endroit pour capturer les émotions que vont donner les comédiens. La première image qui me vient quand je pense à Alex, c’est ce regard qu’il me lançait après une prise, quand la vibration des acteurs l’avait traversé comme elle m’avait traversé.

François Cluzet et Alex Lamarque, à la caméra, sur le tournage de "La Mécanique de l'ombre", de Thomas Kruithof, en 2016 - Photo Benoît Delfosse
François Cluzet et Alex Lamarque, à la caméra, sur le tournage de "La Mécanique de l’ombre", de Thomas Kruithof, en 2016
Photo Benoît Delfosse

Et aussi...

Texte lu au nom de l’AFC lors de la cérémonie au Père Lachaise
Cher Alex,
Nous sommes des gens d’image, pas forcément doués pour s’exprimer, mais cela nous sommes sûrs que tu le comprendras.
Notre association dont tu faisais partie a été frappée par la terrible nouvelle de ton décès.
Nombre d’entre nous se sont exprimés sur notre liste d’échanges interne de l’AFC.
Les éloges sont nombreux, sincères, nous ne pouvons pas tous lire à cet instant, ils reflètent toute l’amitié, le respect que nous avions pour toi et ton travail, ta personnalité.
Parmi les mots écrits durant nos échanges AFC, revient : un grand opérateur, talentueux, énergique, toujours disponible, chaleureux, solaire, curieux, d’une grande gentillesse, une belle personne en mouvement.
Tous ces mots et bien plus encore nous aideront à se souvenir de ta présence, de ton rire, de la joie de vivre et de travailler qui t’animait. Nous conserverons le souvenir d’une personne solaire, positive, toujours prête à aider et à partager ses aventures cinématographiques. 
Nos pensées vont à Adélia, ta sœur Angélica, ta maman Bernadette, ton père Christian. Et ceux qui ont travaillé avec Christian ont alors rencontré un jeune Alex dans ses 20 ans…
Vers les étoiles que tu as rejointes, nous sommes certains que tu vas détourner le télescope James Webb et nous envoyer des photons avec de belles images, tu savais si bien les inventer, et pour nous faire plaisir, ne pas oublier la bande son, alors balancer de la musique à des milliards d’années lumière en éclatant de ton rire si communicatif.
Bon voyage, Alex !

Christian Abomnes, AFC
Alex était d’une vraie gentillesse.

Martin de Chabaneix, AFC
Alex était si curieux de tout et si partageur de ses découvertes.

Alex Lamarque, sur le tournage d'un film publicitaire Jean-Paul Gautier réalisé par Jean-Baptiste Mondino - Photo Martin de Chabaneix
Alex Lamarque, sur le tournage d’un film publicitaire Jean-Paul Gautier réalisé par Jean-Baptiste Mondino
Photo Martin de Chabaneix

Rémy Chevrin, AFC, Patrick Duroux, AFC, Eric Guichard, AFC
Alex était non seulement un ami mais un grand opérateur, talentueux, énergique, toujours disponible, chaleureux.
Il restera toujours avec nous, dans nos mémoires, comme une très belle personne toujours en mouvement, bien au-delà de ses talents d’opérateur.

Axel Cosnefroy, AFC
Mon cœur est lourd aujourd’hui,
Mais quand je repense à nos moments ensemble, sur Le Petit Poucet, d’Olivier Dahan, j’arrive quand même à sourire grâce à toi.
Car c’est un souvenir mémorable, gravé à jamais...
Le film était fou et à l’époque, nous l’étions aussi.
Merci pour ta confiance Alex,
Pour les films fais ensemble et merci de m’avoir soutenu.
Car ma rencontre avec toi a été un tournant dans ma vie.
Et tu peux être fier de la personne que tu es.
J’aurais juste aimé te dire ces mots avant
Mais on n’est jamais prévenu quand ces choses-là arrivent.
Bon voyage Alex,
Tu seras toujours là pour moi, pour nous.

Patrick Duroux, AFC
Avec Alex même une image fixe rappelle son mouvement, son élégance dans ses approches, comme souvent en déséquilibre vue sa hauteur et son humour...

Eric Guichard, AFC
Je me souviendrai toute ma vie de notre première rencontre.
Durant la nuit sur un tournage, j’étais alors assistant, et ayant un petit problème de réglage, j’étais affairé sur la caméra. Une ombre s’approche, qui pour moi était celle de Christian Lamarque, chef opérateur que j’accompagnais depuis longtemps.
Sans me tourner vers lui, je dis que la caméra n’est pas encore prête suite à un petit souci. L’ombre ne bouge pas ni ne me répond. Je me tourne alors vers Christian et découvre Alex !, portrait craché de son père, et qui part d’un grand éclat de rire devant ma mine un peu surprise en me disant : « Je suis Alex, le fils de Christian… » !
Ce fut notre premier échange et cet éclat de rire raisonnera souvent dans toutes les aventures qui suivirent.
Alex faisait de la photographie et désirait aborder le cinéma, d’où sa venue à Paris, reprenant contact avec son père qu’il n’avait pas vu depuis des années.
Christian me demanda alors si je pouvais l’aider dans sa démarche professionnelle.
Ni une ni deux, nous avons rapidement commencé à travailler ensemble, mais Christian a aussi confié Alex à Pal Gyulay, son gaffer (nom peu connu à l’époque)… Pal, au physique de géant, a pris Alex comme stagiaire puis électro pendant plusieurs mois.
Sous son air sévère, Pal est une personne riche qui lui enseignera la rigueur, l’humilité, mais lui apprendra aussi à éclairer un visage comme il avait le secret. Ce sera un enseignement de la transmission des savoirs qu’Alex retiendra toute sa vie et appliquera plus tard lui-même.
Alex avait du talent et de l’aisance, et ne resta pas longtemps assistant caméra parvenant rapidement à s’exprimer à l’image.
Il viendra avec moi en Espagne faire la seconde caméra de la partie espagnole de Latcho Drom, de Tony Gatlif.
La suite est une succession de films publicitaires magnifiques, de clips musicaux toujours originaux et pleins de trouvailles techniques parce que la musique était sa seconde passion à l’égal de celle pour l’image, et bien sur les longs métrages qui lui permettront d’entrer à l’AFC et dont le premier geste fut d’offrir un mac "surboosté" à notre association qui était dans une période de vaches maigres financières.
Cher Alex, mes pensées vont à Adélia ton épouse, ta sœur Angélica, ta maman Bernadette, ton père Christian.
Parti trop tôt, bien trop tôt, comme me l’écrira Claude Garnier, que le souffle du talent continue à te porter et nous offre des images de toi à jamais éternelles.
Bon voyage.

Hawaii - Photo Alex Lamarque
Hawaii
Photo Alex Lamarque
Los Angeles - Photo Alex Lamarque
Los Angeles
Photo Alex Lamarque

Jean-François Hensgens, AFC, SBC
J’ai croisé quelques fois Alex et je garderai le souvenir d’une personne solaire, positive et toujours prête à aider et à partager ses aventures cinématographiques.

Darius Khondji, AFC, ASC
Je n’avais vu que peu de fois Alex mais je l’aimais beaucoup, ainsi que son énergie et son optimisme.

Nicolas Loir, AFC
Alex était solaire.

Steeven Petitteville, AFC
Alex a jalonné ma vie professionnelle à chacun de ses tournants-clés.
À la fois rigoureux et évaporé, toujours créatif et dans la recherche, il incarnait pour moi la bienveillance, parfois rare, que peuvent avoir nos paires.
Je l’ai assisté sur La Vie promise, d’Olivier Dahan, puis retrouvé dix ans plus tard à Los Angeles quand je m’y suis installé. Nous avions récemment commencé un projet d’échange et de discussion sur les utilisations de l’étalonnage...
Il était toujours capable de conserver une légèreté communicative en toutes circonstances, était d’excellents conseils et d’un grand soutien, sans jugement ni condescendance. Et j’ai toujours trouvé qu’il avait une voix incroyable aussi.
On se sentait toujours d’égal à égal avec Alex.
Sa passion et sa curiosité n’avaient pas de limites.
Il restera l’un de ces référents importants et son souvenir continuera de me guider dans la bonne humeur et la générosité qui le caractérisait.

Gilles Porte, AFC
Mais qu’il est difficile de regarder une image fixe quand on sait que celle-ci est figée à jamais.