Thierry de Segonzac : "Les images de synthèse coûtent moins cher"

La Lettre AFC n°242

Le Figaro, 3 mars 2014
Entretien - Président du groupe TSF, qui loue des moyens techniques pour un tournage (caméras, lumière…), vice-président du pôle image du Grand Paris, Thierry de Segonzac est aussi président de la Ficam, la Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia.

Le Figaro : Les ennuis de Locatema, c’est la fin d’une époque ?
Thierry de Segonzac : Je suis atterré ! J’ai failli racheter cette société il y a six ans. Si c’est un souci d’urbanisme, je connais plusieurs oreilles qui seront très attentives : je travaille avec les élus de Seine-Saint-Denis depuis 1987 pour le développement de l’industrie du cinéma dans le département.

Pourquoi les métiers d’accessoiristes et de décorateurs sont-ils en difficulté ?
Construire un grand décor grâce aux effets spéciaux et aux images de synthèse, tourner sur un fond vert où le cinéaste intègre ensuite une image numérique est devenu bien moins cher que de construire un décor en réel. Une société comme Locatema est nécessairement touchée par ce phénomène.

Les délocalisations jouent-elles aussi un rôle ?
Évidemment. Sur un gros tournage en studio, l’un des plus importants postes de dépense est celui de la main-d’œuvre attachée à la construction des décors. En République tchèque, en Roumanie et en Bulgarie, les salaires coûtent trois fois moins qu’en France. Les producteurs français sont coincés.

Quel a été l’impact du crédit d’impôt proposé par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, et voté par le Parlement fin 2012 ?
En 2013, le nombre de films délocalisés a chuté de moitié. J’en suis très content.

Côté tournages, comment se passe le début d’année ?
Le premier trimestre est dramatique. Comparé aux premiers trimestres des trois dernières années, le nombre de tournages a baissé de 38 %. Pire encore : le cumul des budgets de tous ces films est en baisse de 55 %.

Pourquoi autant de tournages sont-ils bloqués ?
Les distributeurs de films ont vécu une année 2013 terrible. Leurs sociétés sont fragilisées. Ils n’ont plus la capacité d’apporter un soutien financier aux producteurs. Nous avons demandé à Frédérique Bredin, présidente du CNC, d’optimiser le fonds de soutien à la distribution pour leur apporter le renfort dont ils ont besoin aujourd’hui. Le CNC dispose d’un excédent très significatif dont la mise en œuvre immédiate débloquerait la situation.
(Propose recueillis par Lena Lutaud, Le Figaro, jeudi 3 avril 2014)