Un couple parfait

« Au départ il y a le désir de Nobuhiro Suwa que nous retravaillons ensemble après H Story. Les deux premiers films de Suwa Deux Duo et M/Other m’ont passionné dans leurs dispositifs de mise en scène : plans fixes, larges, très scénographiques, entrées, sorties de champs remarquables par la certitude de leur durée. J’avais particulièrement aimé dans M/Other la dissolution de certains plans dans l’ombre, une ombre poreuse et douce, tout sauf photographique qui amenait à elle, donc à la situation. (...) »

Sur le filmage, notes et propositions

« Le travail sur H Story s’est établi sur un rapport à M/Other, découvrir d’autres terrains d’investigation pour l’image. J’ai donc demandé à Nobuhiro Suwa ce qu’il n’avait pas fait mais aimerait faire, il m’a assez spontanément dit vouloir s’approcher des visages puis en arrivant au Japon quelques semaines avant le début du tournage, j’ai été saisie par la blancheur de la lumière, aveuglante parfois. Donc se rapprocher des visages (celui de Béatrice Dalle) et intégrer le blanc ont été au départ du travail d’H Story, les repérages par la suite nous ont entraînés vers le chromatisme, n’ayant peur d’aucune couleur (vert du bar, rouge du musée, bleu des pins de jour), tout cela dans des rapports de proximité assez libres, proches ou plus large mais le plus souvent il ne s’agissait de filmer qu’un personnage dans son rapport aux autres et au monde.

Différente est la proposition d’Un couple parfait où le personnage principal devient le couple donc 1+1 ou 2-1, il y a même parfois une résurgence de M/Other, entre autres dans les scènes de chambre d’hôtel.

La projection des essais de retour au film pour A tout de suite de Benoît Jacquot avait séduit Nobuhiro Suwa : la souplesse et la légèreté du cadre, quelque chose d’aérien aussi dans la couleur (le film a été finalisé en noir et blanc) donc nous nous sommes dirigés vers la DVX 100 de Panasonic qui oblige à un geste de filmage mobile et proche des acteurs. C’est un corps qui joue avec ceux des acteurs. Certaines séquences d’Un couple parfait demandent sans doute cette énergie de cadre, cependant il me semble impossible d’introduire " ce corps en plus " par exemple dans les scènes de chambre d’hôtel où tout se joue dans l’espace entre deux corps qui s’éloignent, se rapprochent, se cognent, s’éloignent à nouveau, le retrait de la caméra c’est-à-dire le choix d’une place précise d’où l’espace est saisi assez largement et où les acteurs entrent, sortent, restent dans le champs, des plans où la durée installe également quelque chose de l’humeur des personnages.

Pour cela, la DVX m’a semblé insuffisante, j’ai donc pensé à lui associer la caméra HD Varicam de Panasonic qui permet l’assise de ces plans larges et fixes, une définition très supérieure à celle de la DVX laissant de la présence aux personnages même dans un espace scénographique. Il nous incombe maintenant à Nobuhiro Suwa et à moi de savoir quelles séquences demandent quel support. Une séquence pouvant même parfois passer d’un support à un autre, c’est toute la dialectique du couple qui se joue aussi dans ces deux manières de filmer, le rapprochement l’éloignement, l’isolement.
Nobuhiro Suwa et moi avons déjà pensé à un support pour certaines séquences, la fête du mariage (initialement prévu dans un petit salon d’hôtel attenant à un autre ou la fête se serait déroulée) se situe aujourd’hui dans un seul espace d’un atelier parisien aménagé en pièce à vivre, donc la scénographie des in et des off ayant moins de sens dans cet espace clos, la DVX sera sans doute notre support de filmage pour cette scène, mais pourquoi pas un plan fixe et éloigné à l’extrémité de l’atelier pour ellipser le temps pendant la fête ou en fin de séquence.
Chaque scène sera donc l’enjeu d’une réflexion sur le mode de filmage. »

Portfolio

Technique

Caméra : Panasonic DVX 100