A l’origine

de Xavier Giannoli, photographié par Glynn Speeckaert

La lumière du nord selon Glynn Speeckaert et Xavier Giannoli
Glynn Speckaert est issu des rangs de l’INSAS belge. Après avoir fait ses armes en tant qu’électricien, il partage désormais sa carrière de chef opérateur entre fiction cinéma et de nombreuses campagnes de publicité internationale.
Basé depuis peu aux Etats-Unis, il intègre dans sa filmographie à la fois des films anglais et allemands comme Secret Society d’Imogen Kimmel, Ex Drummer de Koen Mortier ou The Visitation de Robby Henson. Xavier Giannoli lui a proposé de l’accompagner sur A l’origine, en remplacement de Yorrick Le Saux, alors indisponible.
Le chantier autoroutier
Le chantier autoroutier


Comment décririez-vous ce film ?

Glynn Speeckaert : C’est avant tout un film réaliste. C’est en tout cas comme ça que Xavier Gianolli m’a présenté les choses. Nous avons tourné autour d’un véritable chantier autoroutier, dans le Nord, l’hiver... Les conditions étaient difficiles, les journées courtes, et l’enjeu était surtout de saisir des images qui avaient du sens et pas spécialement de " jolies images ". Comme je suis natif de Belgique, il se trouve que je connais bien cette région du nord de la France, ces lumières, ces ambiances qui sont très proches de ce qu’on a de l’autre côté de la frontière…

En combien de temps le film s’est-il fait ?

GS : Le film a démarré en décembre 2008, alors que les journées de tournage exploitables ne dépassaient pas six heures. Le mauvais temps, la boue, le froid ont mis l’équipe à rude épreuve. On avait presque parfois l’impression d’être dans une ambiance presque militaire, tellement les conditions étaient dures et le matériel était sale ! Mais toute l’équipe y est allée à fond, entraînée par l’enthousiasme de Xavier, qui ne lâche jamais rien.
J’ai souvenir de séquences de nuit qui étaient censées se tourner sous la pluie, mais où les rampes à pluie étaient bloquées par le gel et plus rien ne fonctionnait ! Finalement, on a terminé le film en 101 jours avec 6 semaines de retard, mais sans vraiment avoir eu l’impression de chômer une seule minute.

Avez-vous créé un chemin visuel au cours du film ?

GS : C’est l’histoire d’un personnage qui ment tout le temps (François Cluzet), et qui, au bout d’un moment, tombe amoureux d’une femme (Emmanuelle Devos) qui va le faire changer. Alors il commence à aimer les gens qu’il trompait autour de lui, et d’une certaine manière à se redécouvrir, et à se sentir mieux lui aussi. L’idée que j’ai proposée à Xavier Gianolli a été de changer de système optique à partir de ce moment-là. En effet, jusqu’à ce changement dans le personnage, tout est filmé en Super 35 avec des optiques sphériques.
Ensuite, pour la partie où tout commence à s’améliorer pour lui dans sa tête, on est passé à une prise de vues anamorphique. La différence est assez ténue, elle se voit surtout sur la profondeur de champ, la qualité des flous comme sur le rendu des points lumineux en arrière plan lors des séquences de chantiers en extérieur nuit. Cette partie du film s’éloigne résolument du rendu purement réaliste qu’on avait adopté au départ pour se diriger un peu plus vers un côté un peu plus féerique..., presque fellinien.

Les extérieurs nuit sur le chantier de l’autoroute ont dû vous poser des problèmes.

GS : La question de l’éclairage du site de l’autoroute été un des points principaux. Le nombre de séquences en extérieur nuit était conséquent, et j’ai dû trouver une solution pour y remédier. Le chantier faisant plus d’un kilomètre et demi de long, je ne pouvais pas envisager d’éclairer avec des sources ciné : trop coûteux, trop de distance, trop de puissance et de câbles à tirer... J’ai choisi d’utiliser des projecteurs sur tours tels qu’on les utilise sur les parkings ou les grands événements. Le mat supportant la batterie de projecteurs à vapeur de mercure est intégrée au groupe électrogène, et chaque source est autonome.
Ces tours m’ont permis à la fois d’éclairer les comédiens et le décor dans une très grande profondeur. Avec, en même temps, la possibilité de les avoir à l’image sans que ça fasse projecteurs de cinéma. Le fait de les jouer dans le champ de la caméra a permis aussi de récupérer des " flares ", ce que j’aime beaucoup, surtout en Scope… Un effet qui illustre bien ce côté féerique qu’on a voulu donner à l’image dans le cœur du film.

Avez-vous un type de source favori pour re-éclairer les avant-plans ?

GS : J’ai réutilisé un système " home made " que j’avais mis au point sur Scorpion King 2, un film de studio hollywoodien dirigé par Russel Mulcahy (Highlander). Accrochées sur un cadre de 4 m par 4 m, des guirlandes d’ampoules domestiques 100 Watts formant à la fin une gigantesque source très douce d’environ 20 kW. Un bricolage qui faisait rire les gens sur le plateau et qui était très beau à voir... En fonction des situations, je pouvais soit l’utiliser en direct (notamment s’il y avait du vent), soit le renforcer avec une toile réfléchissante argentée derrière.

Le fait de passer d’une prise de vues sphérique à une prise de vues anamorphique vous a-t-elle forcé à changer votre manière d’éclairer ?

GS : Comme nous avons utilisé une série Hawk V Light qui ouvre à 2.2, j’ai pu me retrouver avec un diaph assez proche de ce qu’on avait fait sur l’autre partie du film en sphérique. En fait, c’était surtout très difficile pour le pointeur, qui avait très peu de profondeur de champ notamment sur les plans au Steadicam. Je n’ai pas encore eu l’occasion de voir le film sur grand écran finalisé, mais je pense qu’on s’en est tout de même bien sorti !

Quelles pellicules avez-vous utilisées ?

GS : J’ai choisi de tourner en Fuji, en utilisant une large gamme d’émulsions. Cette décision venait du fait que beaucoup de séquences seraient tournées par temps gris, avec une tendance, dans les décors, à faire ressortir le bleu et le vert.
Pour la partie centrale tournée en Scope, j’ai par exemple beaucoup utilisé l’émulsion 160 Vivid, dont les couleurs sont plus saturées. Une manière de différencier encore cette partie plus gaie plutôt positive du trajet émotionnel du personnage…

Comment s’est déroulée la postproduction du film ?

GS : L’étalonnage et la postproduction ont été faites en numérique 2K chez Mikros image. Ça nous a permis notamment de mélanger les séquences tournées en Super 35 à celles saisies en anamorphique. Dans l’ensemble, nous sommes partis sur une image assez contrastée et plutôt saturée, comme les aime Xavier. Mais comme je devais démarrer un autre projet, c’est lui seul qui s’est chargé de finaliser cet étalonnage en y passant finalement près de six semaines…

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)

Emmanuelle Devos et François Cluzet - dans <i>A l'origine</i> de Xavier Giannoli, photographié par Glynn Speeckaert
Emmanuelle Devos et François Cluzet
dans A l’origine de Xavier Giannoli, photographié par Glynn Speeckaert
Le réalisateur Xavier Giannoli - sur le tournage de <i>A l'origine</i>
Le réalisateur Xavier Giannoli
sur le tournage de A l’origine
Glynn Speeckaert - sur le tournage de <i>A l'origine</i> de Xavier Giannoli
Glynn Speeckaert
sur le tournage de A l’origine de Xavier Giannoli
Le directeur de la photographie Glynn Speeckaert
Le directeur de la photographie Glynn Speeckaert