Alexandre Léglise en Amira sur le documentaire "Animal"


Après le succès de Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, le directeur de la photographie Alexandre Léglise a choisi l’Arri Amira et les Arri Master Grips pour Animal, le nouveau documentaire du réalisateur. Il nous parle de ce tournage éprouvant, réalisé dans le monde entier, où il a pu tirer le meilleur parti de la nouvelle fonction RAW de l’Amira.
Alexandre Leglise sur le tournage d'"Animal" - Photo Charlie Renier
Alexandre Leglise sur le tournage d’"Animal"
Photo Charlie Renier

Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, a été un très grand succès en 2015. Comment avez-vous abordé Animal, le nouveau projet du réalisateur ?
Alexandre Léglise : Cyril Dion est un ami depuis plus de vingt ans. Je connais bien sa façon de fonctionner. Il faut être capable de s’adapter tout au long du film. Ce qui n’est pas toujours simple au niveau de l’organisation et de la technique. Animal est un film sur la place de l’Homme dans le règne animal, comment nous nous insérons dans le vivant. Comme sur Demain, Cyril Dion cherche des solutions positives. Il n’est pas dans l’écologie punitive. Au niveau du tournage, nous avons repris le principe de Demain, où l’on suivait Mélanie et Cyril à la rencontre d’acteurs de terrain qui travaillent sur des projets concrets. Là, nous accompagnons deux jeunes activistes dans le monde entier : au Costa Rica, à Palo Alto, à Los Angeles, en Inde, au Kenya, en Normandie et en Charente. J’avais besoin d’un outil solide pour m’accompagner dans toutes les conditions.

Quels outils avez-vous adoptés pour ce film ?
AL : J’ai fait des comparatifs entre plusieurs caméras, et l’Amira s’est imposée immédiatement. En RAW, elle donne des textures de peau extrêmement séduisantes car c’est le même capteur que l’Alexa. Et puis, il s’est passé quelque chose avec la caméra au moment de la prise en main : son ergonomie, la manière dont elle s’équilibre bien sur l’épaule, le viseur très agréable. Comme je fais le cadre, je savais que j’allais devoir tourner cinq à six heures par jour à l’épaule. J’ai tout de suite compris que c’était l’outil dont j’avais besoin. Et ça s’est confirmé sur le terrain. Il y a quelque chose d’organique dans l’Amira. Comme j’avais plusieurs scènes de nuit à tourner à la seule lumière de la lune, j’ai aussi travaillé avec la RED Gemini qui me permettait de monter à 5 000 ISO. Mais le rendu des peaux m’a paru très supérieur sur l’Amira et la latitude de son capteur est exceptionnelle. Et puis, la subtilité du rendu des couleurs, la douceur dans les ombres, le rendu des ocres et des verts un peu dense. C’était très important sur ce film où nous tournions beaucoup dans la nature.

Qu’est-ce que cela vous a apporté de tourner en RAW avec l’Arri Amira ?
AL : La volonté de Cyril est de suivre les protagonistes en action dans leur environnement. C’était donc des conditions de tournage très acrobatiques. Il n’était pas question de rajouter de la lumière. J’étais tout le temps en train de composer avec le réel. Nous tournions beaucoup en extérieur avec des écarts de luminosité que je ne pouvais pas contrôler. Le RAW m’a donné une latitude énorme pour y faire face. Par exemple, je filmais les personnages dans un sous-bois et nous arrivions dans une clairière : tout à coup, la lumière explosait ! Le RAW me permettait d’encaisser ces écarts. J’ai tellement de latitude avec l’Amira que je peux récupérer ça en postproduction. Même lors des interviews en face-à-face en extérieur, je devais souvent me contenter d’un drap blanc comme réflecteur. Le RAW me permettait d’encaisser très bien un contre-jour. En fait, il me donnait des marges de manœuvre. C’était très précieux sur ce film.

Vous avez aussi utilisé les poignées Arri Master Grips ?
AL : Oui, c’est un outil exceptionnel ! Je voulais un système qui me permette de choisir librement mes optiques. C’est le cas des Master Grips. Je travaillais avec des objectifs Sigma, en majorité un zoom 18-35 mm et parfois un 50-100 mm. Ce sont des optiques qui n’ont rien de particulier, mais elles "flarent" difficilement. Elles ont quelque chose de droit, de clean. Avec les zooms, j’ai surtout travaillé au 35 mm qui me donnait la distance idéale avec les personnages. Il y avait cet enjeu dans Animal de filmer les gens dans leur écosystème. Avec le 35 mm, je gardais une proximité avec les visages, sans les perturber. En même temps, je conservais un rapport au fond organique. Le décor restait bien présent en arrière-plan. Avec les Master Grips, je pouvais actionner le zoom, faire des petits recadrages dans le plan, ajuster la mise au point. Je travaillais beaucoup à T:2.8 pour isoler les personnages. Ce qui m’obligeait à faire tout le temps des ajustements. A cette ouverture, le flou va exister mais on reconnait l’environnement derrière, même s’il s’estompe. Les Master Grips m’ont permis de jouer en permanence là-dessus, dans l’instant. C’est l’outil idéal quand on travaille à l’épaule et qu’il faut être très réactif.

Vous avez utilisé des LUTs avec l’Arri Amira ?
AL : Nous étions une toute petite équipe mais j’avais tenu à avoir un DIT sur le tournage. Cela m’a beaucoup sécurisé. Il nous suivait partout dans le monde avec sa valise de matériel. Nous avons fait des essais avec Brice Barbier, mon DIT, et on s’est rendu compte que mes réflexes de pose étaient parfaits à 640 ASA. Avec mon œil, j’ai tendance être un peu sous-ex. Nous avions juste préparé des courbes. Comme Brice était sur le tournage, il les ajustait en permanence. Cela lui permettait de pré-étalonner. Au bout d’un moment, on était tellement en confiance avec l’Amira qu’on a eu envie de la pousser dans ses retranchements : « Allez ! On va voir ce qu’elle a dans le ventre (rires) ». Et on avait beau être en permanence sur la ligne de crête, elle tenait toujours le choc. C’est vraiment la richesse du capteur Arri qui nous a donné ça. Sans parler de la solidité du bloc caméra. Nous avions une seconde Amira en corps de secours. Nous n’avons jamais eu besoin de l’utiliser.