C’est la rentrée !
Editorial de la Lettre de septembre 2019, par Gilles Porte, président de l’AFCLorsqu’en 2009, je pars tout l’été (et plus encore) autour du monde pour faire se dessiner des enfants de l’âge de ma fille, ce n’est pas tant pour honorer la Convention internationale des droits de l’enfant - dont mes prises de vue participeront à célébrer son 20e anniversaire* - mais parce qu’à la suite d’un autoportrait réalisé par ma fille Syrine, âgée de 3 ans, je décide de réitérer l’expérience avec des enfants du monde entier - qui ne savent ni lire ni écrire - persuadé d’un potentiel créatif naturel chez n’importe lequel d’entre eux.
En prolongeant un exercice avec une feuille de papier noir et/ou sur une vitre**, bien au-delà d’une école maternelle du 18e arrondissement, ce nouvel engagement me conduit finalement à m’éloigner géographiquement d’avantage. Faire se dessiner plus de 6 000 enfants dans 50 pays… Forcément…
Comment oublier, il y a dix ans, alors que je faisais se dessiner des enfants aborigènes en Australie, la voix de Syrine qui me déclare au téléphone : « Papa, si j’avais su, j’aurais jamais dessiné, comme ça tu serais resté ! »
Cette année, j’ai, pour une fois, tenté de faire coïncider ma rentrée professionnelle avec celle de ma fille afin de passer quelques jours, ensemble, en juillet et août… A la veille de la rentrée de Syrine en terminale, nous sommes allés retrouver, tous les deux, des enfants que j’avais fait se dessiner autour du monde.
Certes nous ne sommes pas allés dans cinquante pays ni n’avons retrouvé les milliers d’enfants rencontrés dix ans plus tôt mais nous nous sommes posés auprès d’une dizaine d’entre eux, sur les cinq continents. Toutes des filles de l’âge de Syrine, entre 15 et 18 ans. Des enfants qui m’avaient profondément marqué par leur très grande attention, le graphisme de leur autoportrait et la place qu’ils prenaient ou pas dans le cadre.
Syrine posait à chacune des adolescentes un certain nombre de questions et moi je leur demandais de se dessiner à nouveau, à l’aide d’un papier noir et d’un crayon blanc…
Ce que j’avais aperçu il y a dix ans a disparu ! Cette singularité, cette confiance, ce lâcher-prise qui m’avaient tant frappé avaient laissé place à autre chose…
Cela avait disparu partout sauf dans un petit coin de Colombie, au pied de la Cordillère des Andes ! Sorte de village d’irréductibles - comme dans la bande dessinée d’Uderzo et de Goscinny - une fondation***, créée il y a 18 ans par un homme qui répond étrangement au prénom de Jésus, recueille des enfants qui errent dans la rue, sans abri et sans assistance.
Est-ce parce que Jésus Calle - appelé Chucho - est artiste-peintre qu’il attache une si grande importance à la pratique du dessin, de la musique, des arts du cirque, du théâtre, de la danse et du chant dans son centre ? Chucho invite régulièrement des artistes à intervenir auprès des enfants afin de mieux les éveiller à l’art, susciter leur curiosité intellectuelle tout en cultivant leur sensibilité et leur permettre ainsi de mieux appréhender ce qui les entoure.
Combien faudra-t-il attendre de rentrées pour que nos dirigeants politiques prennent enfin conscience de l’importance de l’éducation artistique à l’école et engagent en ce sens de véritables réformes ?
Ne serait-il pas vraiment temps de reconnaître dans l’acte artistique un geste parfois aussi vital que celui d’éteindre une Amazonie en proie aux flammes… tout près de la fondation de Chucho ?
* Droits de l’enfant : portraits / autoportraits
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) fêtera ses 30 ans le 20 novembre 2019.
** Portraits/ Self Portraits à voir sur mon site
*** Défendre le droit à l’enfance
Dans le portfolio ci-dessous, les visuels correspondant aux cinq continents visités et les adolescentes retrouvées.
En vignette de cet article, image recréée à partir de la première page de la Lettre de l’AFC de septembre avec Pierre Lhomme en couverture, photographié par Sylvie Biscioni pour Kodak en 2001.