De la restauration de "Merlusse", de Marcel Pagnol, présenté à Cannes Classics


Le site Internet du CNC propose la lecture d’un article dans lequel Hervé Pichard, directeur des collections films à la Cinémathèque française, retrace les différentes étapes de la restauration du chef-d’œuvre de Marcel Pagnol présenté à Cannes Classics, Merlusse, photographié par Albert Assouad. Cette restauration a été effectuée par le laboratoire TransPerfect Media, l’étalonnage ayant été supervisé par le directeur de la photographie Guillaume Schiffman, AFC.

Depuis plusieurs années l’œuvre de Marcel Pagnol bénéficie d’un important travail de restauration. En quoi celle de Merlusse (1935) est-elle particulière ?

Hervé Pichard : La Cinémathèque française est très attachée à l’œuvre de Marcel Pagnol. Cet artiste protéiforme, cinéaste et écrivain, a offert un cinéma populaire exigeant mais aussi personnel tout en contribuant à l’évolution des techniques cinématographiques. Henri Langlois a toujours défendu les cinéastes "inventeurs" tels que Georges Méliès, les frères Lumière, Jean Vigo, Abel Gance, Musidora, Jean Renoir... Marcel Pagnol était l’un d’eux. Outre la qualité narrative de son cinéma, il a été l’un des premiers à créer son propre studio pour conserver une forme d’autonomie, avec la volonté aussi de tourner en décors naturels. Il a ainsi préfiguré cette recherche de réalisme comme l’ont fait plus tard des mouvements importants tels le néoréalisme et la Nouvelle Vague. De même, sa façon d’utiliser le son en développant les prises de son direct dans un environnement naturel en fait un véritable novateur. L’utilisation du son dans Merlusse, qui date de 1935, reflète ce qu’il a développé dans ses précédentes œuvres et ce qu’il a encouragé dès sa première adaptation Marius, l’un des premiers films sonores. Restaurer Merlusse, c’était poursuivre notre attachement à ce grand cinéaste qui dans ce film en particulier, revient sur les traces de son adolescence. C’était également se replonger dans cette période du cinéma sonore en pleine évolution, très innovante pour Marcel Pagnol. [...]

CMF-MPC

De quel matériel disposiez-vous pour cette restauration de Merlusse ?

Nous savions qu’il n’existait plus de copies argentiques satisfaisantes, y compris dans les réseaux des archives. Heureusement les négatifs étaient plutôt bien conservés au CNC, sauf certains passages. Nous nous sommes basés sur deux sources spécifiques : le négatif et un internégatif pour compenser les manques. Cette restauration n’a pas présenté de difficultés particulières. Il n’y avait rien à reconstruire, ni d’éléments disparus qu’il a fallu chercher. Nous avons numérisé l’image en 4K et le son en parallèle. Je rappelle que la caractéristique du 4K permet de reproduire la qualité granuleuse de la pellicule sans perte de définition. Aussi, le chef opérateur Guillaume Schiffman a assuré la supervision de l’étalonnage, comme il l’avait déjà fait pour la Trilogie marseillaise. Son rôle est de nous aider à respecter le travail d’origine du cinéaste et de son directeur de la photo. Merlusse est en noir et blanc ce qui nous oblige à respecter la densité lumineuse originale afin de révéler et de conserver l’atmosphère du film. On sent d’ailleurs qu’avec Merlusse, le travail d’éclairage et la composition du cadre ont été particulièrement soignés, notamment ceux du couloir qui reviennent plusieurs fois et la séquence dans la cour. Lorsque nous travaillons sur une restauration, il y a des règles presque implicites qui consistent par exemple à ne pas interpréter des intentions. Notre mission est de reproduire fidèlement l’image et le son. [...]