Entretien avec le directeur de la photo brésilien Mauro Pinheiro Jr
Dans un endroit chaleureusement organisé et animé par Laurent Hébert, délégué général de la CST, nous avons eu l’occasion de rencontrer Mauro Pinheiro Jr, un jeune directeur de la photographie brésilien. Ce n’est pas la première fois qu’il se trouve au festival : il y a de cela deux ans, un des films qu’il avait photographiés était en sélection parallèle Cinema, aspirinas e urubus (Cinéma, aspirines et vautours), premier film de Marcelo Gomes.
Cette année, il est de nouveau sur la Croisette.
Mauro, de nouveau à Cannes, quel film présentez-vous ?
Il y a deux ans, j’ai rencontré Walter Salles qui a beaucoup aimé ce que j’avais fait sur le film de Marcelo Gomes. Il m’a alors proposé de tourner avec lui quatre courts métrages commandés par un groupe d’exploitants de salles au Brésil. Quelques temps plus tard, le Festival de Cannes et Gilles Jacob lui ont demandé de réaliser un sujet de 3 minutes sur " la salle de cinema " : c’était le projet de film du soixantième anniversaire ou 33 réalisateurs de renom ont dû faire partager leur regard sur LA salle en général. Walter m’a emmené avec lui sur l’aventure, comme il voulait la tourner : 3 ou 4 heures de tournage une après-midi, quelques prises. Nous nous comprenons et avons la même idée de la présence de la photographie dans un film
J’ai étudié le cinéma à l’université, puis travaillé d’une manière assez classique de second à premier avec des chefs qui ont forgé ma relation avec les réalisateurs et avec qui j’ai énormément appris : Breno Silvera et Antonio Luis m’ont fait partager leur amour du cinéma mais surtout l’envie d’y arriver avec de la générosité. C’est quelque chose qui m’a toujours suivi et qui est primordial pour moi dans les relations entre les hommes et ceux que je croise dans ma vie professionnelle. C’est peut-être aussi une génération qui a grandi ensemble autour des courts métrages et qui se suivent depuis plusieurs années .
Le cinéma brésilien a vécu des hauts et des bas : le renouveau international des années soixante, le grand trou des années 1980-90 puis le retour d’un cinéma d’auteur au début de 2000. Il fut un temps où, pour voir certains films brésiliens, le seul moyen était d’aller à Cannes où notre cinéma était présent. L’estampillage Cannes est une preuve de qualité et permet une sortie dans les salles brésiliennes : le festival contribue largement au succès du film dans notre pays. Il fut un temps où les salles de cinéma fermaient les unes après les autres dans des régions difficiles.
Le court métrage de Walter est en cela très révélateur et un regard plein d’humour et d’histoire ! Les Brésiliens ont déserté les salles obscures pour se concentrer sur le petit écran et les " soaps opera " dans les années 1980-90. Il faut les ramener vers un cinéma qui fait notre identité et qui raconte notre pays : en cela, Walter Salles a largement contribué à internationaliser notre cinéma et à ramener les Brésiliens dans les salles.
Quelle est votre approche d’un film et le regard que vous y portez ?
Il me semble que le directeur de la photo doit absolument suivre le scénario et coller à la dramaturgie. Il faut se rapprocher du film, en permanence, et inventer : j’aime la recherche en photographie. C’est un terrain d’expérimentation du sens qui me fascine. J’aime la liberté de caméra, ses positions multiples qui nourrissent, par des points de vue différents, le film et la narration. Je reste très proche de la chimie et la légèreté du Super 16 correspond à ma liberté de création. Bien sûr, j’ai des influences mais la plus primordiale est celle du réalisateur avec lequel je travaille.
(Propos recueillis par Rémy Chevrin, AFC)