L’Ile rouge

L’lle rouge , de Robin Campillo est un film que nous devions tourner à Madagascar l’année du Covid. Robin a vécu dans l’ile, sur la base militaire d’Ivato où son père était sous-officier dans l’Armée de l’air française. Il tenait absolument à tourner dans cette base maintenant occupée par l’armée malgache, un lieu chargé de souvenirs pour lui et un décor incroyable pour nous.

Le tournage a donc dû être repoussé puisque Madagascar a fermé ses frontières. La réouverture a été si tardive - et jusqu’au dernier moment nous ne savions pas exactement quand elle aurait lieu -, que nous avons dû ramener certaines scènes en France. Nous avons donc reconstitué la maison de la famille dans un pavillon proche d’Orly, qui par chance était presque identique à celui de la famille de Robin. Il y a eu un bon travail de déco (Emmanuelle Duplay) pour ramener, entre autres, la végétation et la terre rouge typique de l’île dans le jardin de la maison. Nous avons aussi tourné toutes les scènes se passant dans l’avion Nord Atlas sur le tarmac et dans les hangars de l’école de l’air à Salon de Provence. Le Nord Atlas est l’avion avec lequel son père travaillait, il en reste un seul en fonctionnement en France, appartenant à une association qui continue de faire des vols et surtout des sauts en parachute, en costumes d’époque, ce qui a été une aubaine pour nous !

Atelier parachutes et Noël dans l'avion
Atelier parachutes et Noël dans l’avion


Puis nous sommes enfin partis à Madagascar.
Je suis arrivée sans pouvoir venir au préalable faire des repérages toujours cause Covid. J’ai fait ma préparation d’après les quelques photos prises par robin deux ans auparavant, lors des tout premiers repérages.

© Memento Distribution


C’est un film sensoriel, vu du point de vue de Thomas 10 ans, une conscience naissante qui découvre les choses sans toutefois les comprendre tout à fait. Robin voulait retrouver une logique de rêve dans l’enchaînement des scènes comme si une parole entendue ou une matière pouvait entrainer une autre séquence. C’était donc un bel enjeu pour moi, splendides décors et volonté d’une mise en scène particulière, une forme de narration pas tout à fait classique. La mise en image allait être un point très important du film.

Pour ce film nous sommes partis sur des choix complètements différents de nos choix habituels, pas de Scope, pas de caméra portée. Un format plus carré, 1:37 et une combinaison de plans très larges ou très serrés, avec pas mal de très lents mouvements la plupart du temps réalisés avec un slider, et bien sûr, comme habituellement, deux caméras en permanence.
Ces choix se sont faits lors de nos essais parisiens quand on cherchait l’écriture du film.
Je suis partie avec une Alexa Mini et des zooms Angénieux Optimo, combo de matériel que j’utilise très fréquemment, mais se posait le problème des nuits en extérieur. Nous ne savions pas exactement quel matériel nous allions trouver sur place, il n’y a quasiment pas d’industrie cinématographique à Madagascar, allait-on trouver un groupe, des projecteurs assez puissants ? Moi je n’avais rien vu, la base se trouvait dans un état de délabrement assez avancé vu la pauvreté du pays, pas d’éclairage sur la base la nuit…
J’ai donc décidé d’emmener une troisième caméra que pour ces séquences-là, et une pas trop chère vu notre budget et le fait que nous devrions la garder toute la période. Après plusieurs essais, j’ai choisi la Panasonic Varicam qui est assez ancienne maintenant mais qui a un rendu, une matière que j’aime bien, sachant qu’exceptionnellement ces séquences ne seraient tournées qu’à une seule caméra.
Nous sommes aussi partis avec une équipe assez réduite de français et de belges, et avons travaillé avec pas mal de malgaches qui pour beaucoup débutaient à ces postes. Ce furent des rencontres merveilleuses, ils ont été tellement investis, c’était un réel plaisir de travailler avec eux. Le film est d’ailleurs un grand espoir pour eux, une façon de relancer une industrie qui a été depuis plusieurs années complètement délaissée. Plus de cinéma, plus de salles, seule la TV vivote, et peu de films viennent se tourner sur place car il y a trop peu d’infrastructures, les routes sont en très mauvais état, il est donc difficile de se déplacer rapidement dans l’île.

Fantômette pour incrustation
Fantômette pour incrustation


Une couche d’imaginaire vient se mélanger à tout cela : Fantômette. Il s’agissait de mettre en image les lectures de Thomas. Après de multiples repérages infructueux, ne correspondant jamais à l’idée que Robin se faisait de cette France fantasmée dans laquelle évoluait Fantômette, nous avons décidé de créer les décors en maquette et d’y incruster la jeune fille. Nous avons donc fait fabriquer des maquettes des différents décors, fait pas mal d’essais pour déterminer une échelle, des vitesses de travelling et nous avons tourné en studio, sur fond vert, les personnages, les maquettes avec travellings à la vitesse appropriée, et certaines scènes de cascades en vrais décors construits à l’échelle des comédiens, très simplifiés pour matcher avec les séquences maquette, le tout retouchés en VFX par la suite.

Maquette rue avant incrustation de fantômette
Maquette rue avant incrustation de fantômette


Cascade et personnages masqués
Cascade et personnages masqués


Les comédiens portaient des masques en latex pour reproduire des visages très stylisés. Tout un florilège d’effets spéciaux tournage VFX et maquillage, expérience très amusante pour un résultat surprenant.

Une très belle expérience pour très beau film à voir et sur lequel il y aurait encore beaucoup de choses à dire…

L’Ile rouge
Réalisateur : Robin Campillo
Directrice de la photographie : Jeanne Lapoirie
Musique : Ranaud Robotini
Son : Julien Sicard
Costumes : Isabelle Pannetier
Déco : Emmanuelle Duplay
Maquillage : Céline Pellerin

Portfolio

Équipe

Cadreurs 2de caméra : Alan Guichaoua et Chris Renson
1re assistante caméra : Lucie Colombié
1er assistant caméra B : Luc Frisson
Chef électricien : Nicolas Dixmier et Adrien Grasswill (studio)
Chef machiniste : Dimitri Doulkeridis

Technique

Matériel caméra : Next Shot
Matériel lumière : Next Shot
Matériel machinerie : Cinetec et KGS (Belgique)
Laboratoire : Mikros
Studio : Usines Michelin à La Roche-sur-Yon
Maquettes rues : Axel Vega
Lumières maquettes rues : Antoine Messonier
Maquettes paysages : Valérie Bertoux

synopsis

Début des années 70, sur une base de l’armée française à Madagascar, les militaires et leurs familles vivent les dernières illusions du colonialisme.