La filière technique du cinéma en grand danger

par Clarisse Fabre

La Lettre AFC n°200

Le Monde, 23 juin 2010

Les métiers de l’ombre du cinéma et de l’audiovisuel sont plus fragiles que jamais : les fabricants de pellicules de film, les techniciens de l’image et du son, les fournisseurs de matériel de tournage, etc., subissent la crise économique mais, surtout, encaissent le choc du passage au numérique (production des films, exploitation en salles...).
Remis à la présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), Véronique Cayla, vendredi 18 juin, un audit sur " les industries techniques du cinéma et de l’audiovisuel " donne un coup de projecteur sur cette filière qui emploie plus de 10 000 personnes.

Les difficultés pourraient avoir des « effets délétères, à terme » sur l’ensemble de la création cinématographique, soulignent les auteurs de cet audit, Jean-Frédérick Lepers, contrôleur général économique et financier, et Christian Ninaud, consultant-expert, dans un document d’une quinzaine de pages.
A peine 20 % des écrans sont numérisés (plus de 1 000 sur un total de 5 470) mais le mouvement s’accélère et annonce « la disparition progressive des supports physiques », à savoir les copies 35 millimètres. « Les prestataires impliqués dans la photochimie vont donc subir une baisse notable du chiffre d’affaires », lit-on dans le rapport. Environ 1 000 emplois sont concernés par cette mutation technologique, selon la Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia (Ficam).
« On pensait que la disparition de la filière photochimique s’étalerait sur six ou huit ans. En fait, elle va se faire en trois ans, avec l’accélération de la numérisation dans les salles », souligne le président de la Ficam, Thierry de Segonzac.

Etau infernal
Par ailleurs, la production de longs métrages français est en baisse (158 films en 2009 contre 176 en 2008 et 181 en 2007), le nombre de semaines de tournage « aurait diminué » de 15 % en 2009, etc. « On est dans un étau infernal, rappelle Thierry de Segonzac. Chaque année, la Ficam accompagne plus de 400 courts métrages, en prêtant du matériel, en mettant à disposition des studios. On soutient 80 premiers films, l’art et essai, etc. De l’équilibre de notre filière dépendent le renouvellement des talents et la production d’œuvres fragiles. »
Dans l’immédiat, tout le monde s’accorde sur une « mesure d’urgence » : reporter ou alléger les dettes fiscales et sociales des entreprises, en sensibilisant les trésoriers payeurs généraux dans les départements. Deux d’entre eux, Paris et la Seine-Saint-Denis, qui concentrent la majorité des entreprises du secteur, ont déjà pris conscience de la situation et ont pu traiter « les premiers dossiers ».

(Clarisse Fabre, Le Monde, 23 juin 2010)