Les Adieux à la reine

Paru le La Lettre AFC n°218 Autres formats

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Les Adieux à la reine (tiré du roman de Chantal Thomas) raconte l’histoire de Sidonie (Léa Seydoux), lectrice de Marie Antoinette (Diane Kruger) et fascinée par celle-ci. L’action se passe à Versailles, dans ces jours d’effondrements des 14, 15 et 16 juillet 1789.
C’est le huitième film que je fais avec Benoît Jacquot. Ces habitudes et cette confiance nous permettent d’aller à chaque fois un peu plus loin dans la créativité.
Romain Winding, caméra à l'épaule, sur le tournage des "Adieux à la reine" de Benoît Jacquot - Photo Carole Bethuel
Romain Winding, caméra à l’épaule, sur le tournage des "Adieux à la reine" de Benoît Jacquot
Photo Carole Bethuel


C’est ainsi que, un mois avant le tournage, je connaissais précisément les axes et les mouvements de caméra. On peut imaginer le confort que crée ce délai pour réfléchir à la qualité de la lumière.
Le choix de la caméra : Benoît était très tenté par le numérique, et comme je venais de terminer Le Cochon de Gaza en Alexa, il m’a fait confiance et nous n’avons pas eu besoin de débattre pour savoir si un film d’époque veut dire nécessairement " 35 mm argentique ".

J’ai fait quelque essais comparatifs 1,85:1 – 2,35:1 pour tester la caméra sur un grand écran et je n’ai pas vu de différences majeures dues à l’agrandissement. Le piqué des Master Primes a achevé de me rassurer sur ce choix.
Par contre, question poids, l’Alexa à l’épaule avec les Master Primes, c’est un peu comme si on posait une gueuze sur le parasoleil...

Benoît voulait faire beaucoup de zooms. Le 24-290 mm Angénieux raccordait étonnement avec la précision des Master Primes.
J’avais un peu peur de tous ces zooms (qui auraient pu rappeler le cinéma italien des années 1970) ; Luc Barnier, le monteur, les a formidablement bien assemblés et j’ai été séduit par la dynamique qu’ils ont apportée.

Le "Cabinet doré" - Photo Carole Bethuel
Le "Cabinet doré"
Photo Carole Bethuel


Une longue séquence se passe dans le " Cabinet doré " de la reine.
Katia Wyszkop, la chef déco, s’en est donné à cœur joie dans les ors, ce qui n’était pas pour me déplaire.
Pour les nuits, Benoît souhaitait que ce décor ne soit éclairé que par les flammes de la cheminée. Bien évidemment, le propriétaire du château où se trouvait le décor ne voulait pas d’un feu d’enfer dans sa cheminée. Il était donc impossible d’éclairer les actrices avec les flammes du foyer. Thierry Debove, le chef électro, et Max Massard, son assistant, ont installé posés au sol 3 Bugs 1 000 W équipés de Chimeras, reliés à une console Hub, chacun branché sur un programme de hautes et basses lumières différents. Ce dispositif permettait une subtile danse des ombres sur le visage des actrices, et des apparitions fugitives de reflets dans les ors du décor.

Dans une autre scène, Sidonie rentre dans la chambre de la duchesse de Polignac (Virginie Ledoyen) avec pour seule lumière le chandelier qu’elle porte à la main, la caméra la suit alors qu’elle s’approche du lit et éclaire le corps de la Polignac endormie. Pour un problème de réalisme de l’époque, Tristan Girault, l’accessoiriste, m’a proposé un chandelier à une bougie et bien évidemment je lui en ai demandé un à cinq bougies car j’avais besoin de puissance et je ne voulais pas rajouter de lumière électrique. Il fallait que ce soit vraiment Sidonie qui éclaire le corps de Polignac. Après des négociations cordiales mais fermes, nous avons conclu l’affaire avec un chandelier à trois branches…

Nous aurions sans doute pu faire le plan avec une bougie mais à T 1.3 de diaph (à 1 200 ISO), la définition aurait été une catastrophe. Avec les trois bougies, le diaf tournait autour de T 2.3. Je ne parle pas de l’affichage du point (avec Malik Brahimi, on peut oser n’importe quel plan, c’est toujours impeccable) mais du manque de définition provoqué par la sous-exposition et la lumière chaude.

Nous n’avions pas de grand écran à la demande de Benoît, et je ne m’en sers pas non plus. Benoît avait un petit écran portable sur batteries et Malik, le pointeur, en avait un pour suivre le point).
Je construisais la lumière sur un écran BTLH 910 posé sur la caméra et caché sous un voile noir. Et, lorsque je regardais la scène en réel, j’étais consterné de voir que c’était très très sombre. Et vite de regarder à nouveau l’écran pour me rassurer.

Le grand couloir de 80 mètres de long où erre, la nuit, le peuple de Versailles n’est éclairé que par les chandelles que portent les figurants. Les lumières qui viennent des portes proviennent de projecteurs branchés sur la même console Hub avec un léger effet flammes pour dramatiser l’image.
Le fond du couloir était laissé dans l’ombre pour que les personnages aient l’air de disparaître dans le noir, quelque chose de légèrement théâtral, sans doute une référence inconsciente à Tosca, film pour lequel nous avions utilisé le même procédé.

Portfolio

Équipe

1re assistante caméra : Malik Brahimi
2e assistant caméra : Nicolas Réa
Chefs électro : Thierry Debove - Max Massard
Chef machino : Jean-François Garreau (Jeff)

Technique

Caméra, machinerie et lumière : Transpacam, Transpagrip, Transpalux
Postproduction numérique : Duboi (Gilles Granier)
Postproduction photochimique : Eclair (Mathilde Delacroix)