Les effets visuels du " Boulet " prennent forme à L’E.S.T...

pour la séquence de la Grande Roue

La Lettre AFC n°110

L’EST a pris la responsabilité opérationnelle, technique, artistique et financière de l’ensemble des effets visuels du film. En parallèle, les effets directs à la prise de vues ont été confiés à l’excellente équipe dite des " Versaillais ".

Nous avons choisi, sur ce film comme sur la plupart des films dont nous prenons en charge les effets visuels, de sous-traiter à d’autres équipes de postproduction numérique une partie de la fabrication des effets eux-mêmes.
C’est ainsi que, sur les 160 plans truqués du film, nous avons confié une séquence de 20 plans truqués (la séquence dite de " la prison africaine " à la fin du film) à Eclair Numérique, et une séquence de 65 plans truqués (la fameuse séquence dite de " la Grande Roue ") à Mikros Image.
Tous les autres plans truqués, dispersés dans le reste du film, ou groupés dans des séquences comportant au maximum 5 ou 6 plans truqués, ont été exécutés par nos équipes internes, à L’E.S.T.

La séquence de la Grande Roue
Cette séquence a nécessité la mise en œuvre de tous les types d’effets, spéciaux et visuels.
On a d’abord procédé à la fabrication d’un " story board " puis, à la production d’un " animatique " complet de la séquence.
Pour cet " animatique ", les équipes de Mikros Image ont modélisé en 3D, avec exactitude, le jardin des Tuileries, ainsi qu’une roue sommaire, aux dimensions justes.
Grâce à l’homothétie des éléments de décor de l’" animatique " avec le vrai jardin des Tuileries, le réalisateur a pu définir avec précision les paramètres de l’action (places respectives des protagonistes, vitesses de déplacement), ainsi que les axes de prise de vues.

Il fallait envisager tous les aspects de la fabrication, depuis les conditions de tournages en prise de vue réelle des éléments de décor, des acteurs, et d’une partie des cascades, jusqu’à la recomposition, en postproduction numérique, des divers éléments constituant l’image finale, en passant par la fabrication et le tournage d’une roue maquette ainsi que la fabrication et l’animation d’une roue en 3D.
A l’occasion de cet examen, tous les départements, et tout particulièrement Jean-Pierre Sauvaire (qui a dirigé l’ensemble de la photo du film), puis Manu Terran (qui a éclairé la séquence Grande Roue), pour le département image, ont pu confronter leurs propres impératifs, contraintes techniques, et désirs artistiques, avec le projet du metteur en scène, et avec les autres départements.
Plusieurs étapes de travail ont été décidées puis mises en œuvre.

Tournage dans le décor du jardin des Tuileries (août 2001)
Ce tournage devait impérativement être le plus court possible.
Notre objectif en préparation a donc été d’en minimiser l’importance.
Il fallait toutefois tourner aux Tuileries toutes les parties de l’image dans lesquelles le décor était visible, et, si possible, les acteurs en situation lorsque celle-ci n’était pas complexe, ainsi qu’un minimum de figuration.
On a bien sûr tourné dans ce décor tous les plans non truqués de la séquence, avec la vraie roue en situation, et notamment la partie avant le crash, côté place de la Concorde.
Quelques actions de type cascade de voiture et de moto, les plus sûres et toujours au sol, ont été tournées également dans le jardin des Tuileries, pour des plans qui ne nécessiteraient ainsi pas de postproduction.

Tournage en extérieur, sur un sol raccord Tuileries, à La Ferté Allais (septembre 2001)
Ce lieu de tournage, qui comportait, outre un sol de sable de couleur raccord à celui des Tuileries, quelques éléments de décor raccord (le bassin bordé de statues en particulier), ainsi qu’un immense fond vert de 45 mètres de large, nous a permis de tourner toutes les cascades voiture et moto, et des mouvements de foule, avec la figuration.
La plupart des plans tournés sur ce décor n’étaient que des éléments isolés, destinés à être mélangés, en postproduction, à d’autres prises de vues, pour composer l’image finale. La mise en œuvre des cascades et des effets directs a été très importante sur ce décor (sauts de voitures et de motos sur tremplin, projection et chutes de cabines à l’échelle 1 sur le sol, etc., etc.).

Fabrication de maquettes à l’échelle 1/4, et tournage de ces maquettes, en studio (septembre 2001, Studio 4000 à la Ferté Allais)
L’équipe d’Yves Domenjoud et Olivier Gleize a construit une maquette d’une partie de la grande roue, ainsi que de nombreuses cabines.
Cette maquette était destinée à produire l’image de la roue, lorsqu’elle est en plan serré ou très serré, et que, détachée, elle roule sur le jardin des Tuileries.
En dépit de l’échelle réduite, la maquette restait de dimensions impressionnantes (9 m de hauteur), et devait rouler sur un sol raccord devant un immense fond vert, à la vitesse de 5 m/sec.
Les cabines devaient être conçues pour s’écraser sous le poids de la roue, et devaient être renouvelées à chaque prise.
Outre cette gigantesque installation, associée à la fabrication en série d’une centaine de cabines à écraser, d’autres maquettes et dispositifs divers ont été construits par l’équipe des effets directs, et filmés dans ce studio sur fond vert, pour des effets ponctuels et, ou des éléments séparés destinés au compositing final (crash de la voiture dans la roue vu de l’intérieur de la voiture, éclaboussures produites par la roue dans le bassin, effets de poussières seuls dits kits poussières, kits étincelles, chute finale de la roue, etc).

Fabrication et animation d’une roue en 3D (de juillet à novembre 2001)
Dès juillet 2001, l’équipe 3D de Mikros Image, sous la direction de Nicolas Rey et François-Xavier Nallet, a commencé à modéliser la roue en Images de synthèses 3D. Cette roue 3D était au départ conçue pour produire des images en plan moyen ou large.
Assez vite, au fur et à mesure de la progression du travail, on s’est aperçu que la roue 3D, dans son rendu (supervisé par Bruno Le Provost) comme dans son animation (dirigée par Fabrice Delapierre) supportait bien une vision plus rapprochée. Elle a donc été utilisée sur des plans ou la roue, vue en plan large d’abord, s’approche assez vite de la caméra.
Le moment ou la roue, ayant été secouée par le passage de la voiture, se brise et se détache de son support, est également la preuve que la roue 3D résiste bien à l’examen.

Compositing final de tous les éléments (d’octobre 2001 à février2002)
Tous les éléments fabriqués séparément au cours des mois qui précédent devaient être réunis pour produire une image finale.
Chaque plan de la séquence est donc le produit de l’empilage savant de très nombreuses couches :
Prise de vues du décor, prise de vues des acteurs sur fond vert, prise de vues des voitures et des motos sur fond vert, couches de figurants par groupe ou séparés sur fond de sable, roue réelle en situation, roue maquette en studio, roue 3D animée, cabines maquettes écrasées en studio, cabines échelle 1 écrasées séparément sur fond vert en extérieur, débris de roue 3D, poussières réelles tournées sur fond noir, poussières 3D raccord, traces de roue 3D dans le sol, ombres de roue réelles et ombres de roue 3D, ciels seuls tournés, ciels retouchés en matte-painting.

L’équipe 2D, sous la direction de Krao et Hugues Namur pour Mikros image et sous la supervision d’Arnaud Fouquet et Bruno Sommier pour L’E.S.T., ont réalisé cet assemblage délicat avec pour objectif de donner à cette séquence un seul point de vue, celui du metteur en scène.
Les difficultés sur ce genre de tournages sont nombreuses, surtout du fait de la nature " multi-éléments " des plans truqués.
Il est vrai que certaines techniques ou procédures permettent de les surmonter, au moins partiellement.

Sur le plateau, on a par exemple disposé d’un dispositif de préfiguration du trucage, qui permettait de visualiser, au moment du tournage, un mélange sommaire de la prise en train de se faire avec une grande roue en action, préparée en 3D.
Cette aide était précieuse, pas tant au metteur en scène qui savait exactement ce qui allait se passer, mais à tous les autres techniciens, et même aux acteurs, qui pouvaient ainsi venir voir après quoi ils couraient si vite dans le film.
Les raccords géométriques ont été une de nos préoccupations constantes. Dans la pression du tournage " commando " aux Tuileries, nous avions une équipe chargée de relever, pour chaque prise de chaque plan, les conditions exactes des prises de vues (coordonnées de la caméra, et des divers objets dans le champ) pour les six caméras qui tournaient la plupart du temps en simultané. Ces coordonnées devaient être reproduites ensuite lors de toutes les autres étapes au cours desquelles on tournerait ou fabriquerait un autre élément devant contribuer à constituer le plan truqué.

De ce point de vue, l’œil d’Yves Agostini nous a été plus que précieux. Il prenait un malin plaisir, en montant dans une nacelle dans le petit matin à la Ferté-Allais, à donner à Bruno Dubet, le chef machiniste, et à l’assistant opérateur, avant même que nous n’ayons eu le temps de sortir nos notes, la hauteur caméra et la focale à laquelle on s’était trouvé, un mois plus tôt à la Concorde, quand on avait tourné l’autre élément de ce plan.
Il a été capable, une autre fois de reproduire sans motion control quasi parfaitement pour une deuxième passe en studio un mouvement de caméra fait une semaine avant en extérieur sur la première passe.

Les raccords lumière ont été un autre de nos soucis majeurs.
Au cours du tournage aux Tuileries, Manu Terran a dû faire face à une météo plus que capricieuse : pluie, temps gris, et soleil radieux se sont succédés pendant quatre jours.
Au regard des problèmes d’autorisation de tournage, la pression pour « tourner quand même » était forte.
A la Ferté Allais en septembre, la météo n’a pas été non plus très favorable.
Certains plans de sauts de la moto ont même été tournés presque dans le brouillard.

Comme souvent maintenant, la prévision de l’étalonnage numérique a joué cet " effet pervers ", auquel il est très difficile de résister.
Il est de plus en plus difficile, pour le chef opérateur, d’imposer des conditions de tournage rigoureuses minimum, quand tout le monde dit que l’étalonnage numérique peut tout faire, ce qui n’est évidemment pas vrai.
En studio, la maîtrise des conditions de prise de vue est plus évidente à obtenir.
Manu a toutefois dû se confronter au problème du raccord avec les effets-jours extérieurs des autres éléments de chaque plan.
Le studio servant de " cover set " aux tournages extérieurs " sol raccord ", les raccords lumière devaient se faire avec des plans, déjà tournés ou à tourner, dans une variété invraisemblable de conditions météo. Un véritable casse-tête.

L’harmonisation finale s’est bien sûr faite en postproduction.
En dehors des trucages de la grande roue, qui ont demandé un travail d’intégration " lumière " très sophistiqué pour chaque plan, nous avons été amenés à modifier les ciels par " matte-painting ".
Christophe Courgeau a conçu une palette de cieux de plus en plus nuageux au fur et à mesure que l’action avance.
Puis l’étalonnage numérique, chez Eclair, sous la direction inventive de Lionel Kopp (directeur de postproduction) et de Jean-Pierre Sauvaire, a lissé efficacement la diversité des climats de la séquence, dans une fine progression, allant du soleil place de la Concorde au temps gris sur le Louvre.